Pour retracer la traque des forces spéciales américaines, la réalisatrice Kathryn Bigelow a pu s’entretenir avec de hauts responsables du Pentagone. Les Républicains regrettent cet accès privilégié et dénoncent un coup de communication de la part d’Obama.
Le Pentagone et Hollywood joueraient-ils aux liaisons dangereuses ? Oui, à en croire certains républicains américains, qui s’offusquent du projet actuellement mené par la réalisatrice Kathryn Bigelow, oscarisée l’année dernière pour son film Démineurs. Au coeur de la discorde : un film retraçant la traque de Ben Laden, pour lequel l’équipe du film aurait pu avoir accès à certains éléments classés secret-défense.
Pour l’écriture du scénario, la réalisatrice et son scénariste, Mark Boal, ont en effet pu s’entretenir avec certains hauts responsables du Pentagone, comme Michael Vickers, un ancien paramilitaire de la CIA et membre des forces spéciales, aujourd’hui sous-secrétaire à la Défense pour le renseignement. Un accès trop privilégié, aux yeux de certains républicains, qui craignent notamment que des détails du raid mené en mai dernier contre l’ancien chef d’al Qaida puissent avoir été révélés. Peter King, président de la commission de la Sécurité intérieure à la Chambre des représentants, vient ainsi très solennellement de demander l’ouverture d’une enquête auprès de l’inspection générale du Pentagone et de la CIA (consulter sa lettre).
Une démarche qui étonne à la Maison Blanche, cette dernière ayant l’habitude de collaborer avec des réalisateurs pour délivrer des conseils techniques ou mettre à leur disposition du matériel militaire ou des bases. Récemment, le Pentagone a ainsi été consulté pour la saga Transformers ou encore Iron Man 2. «C’est une pratique courante», explique ainsi Phil Strub, en charge d’assurer la liaison avec Hollywood pour le département de la Défense. Pour son film Démineurs, qui dresse le portrait d’un démineur américain pendant le conflit irakien, Kathryn Bigelow avait d’ailleurs déjà pu s’aider de conseils en provenance du Pentagone.
Un coup de communication ?
«Nous ne parlons pas d’informations classifiées et j’aurais espéré, alors que nous continuons de faire face à la menace terroriste, que la commission de la Sécurité intérieure à la Chambre ait des sujets plus importants à gérer que de discuter d’un film», a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney. «Les informations les plus détaillées que nous avons dévoilées (…) sur ce raid ont été délivrées depuis ce podium», a-t-il affirmé face aux journalistes.
Mais la polémique ne s’arrête pas là. Le calendrier du film est également pointé du doigt par les républicains. Si, à l’heure actuelle, il n’est qu’en cours d’écriture, il est prévu qu’il sorte en salles en octobre 2012. Soit un mois avant l’élection présidentielle pour laquelle Barack Obama briguera un nouveau mandat. L’élimination de Ben Laden constituant l’un des plus grands succès du président démocrate, il n’en fallait pas plus pour que ses opposants y voient une opération de communication de la part de la Maison Blanche.
Une accusation à laquelle l’équipe du film a tenu à réagir. Dans un communiqué, Kathryn Bigelow et son scénariste Mark Boal ont souligné que l’histoire couvrirait trois présidences successives des États-Unis : Bill Clinton, George Bush et Barack Obama, et ont assuré que leur film n’avait rien de partisan.
Flore Galaud
Le Figaro