Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

jeudi 23 juin 2011

La fable du remède et du mal

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Les dossiers de la Grèce, de la bactérie bio, de l'uranium d’Axpo, de la voiture des pauvres: ou quand le choix se résume à tout casser ou se laver les mains. A adopter un conservatisme frileux ou un réformisme dévastateur.

«Remède pire que le mal», lit-on à tout propos et spécialement ces jours-ci à propos des solutions envisagées, et même un peu plus qu’envisagées, pour la dispendieuse Grèce. A savoir l’austérité jusqu’à l’asphyxie. Le serrage de ceinture jusqu’à ce que mort s‘en suive.

Disons que ce remède pire que le mal, c’est le vieil argument sans réplique de ceux chez qui le seul mot de «réforme» suffit à provoquer des éruptions cutanées aiguës. Une habile quoiqu’éculée façon de militer pour le maintien du mal.

Force est quand même de constater que parfois les faits en folie donnent raison aux grincheux conservateurs de tout poil qui préfèrent crever comme ils sont plutôt que de prendre le remède. Qui n’ont rien contre le fait qu’on s’entre-égorge, pourvu que ce ne soit pas sous leurs fenêtres.

Ainsi cette traumatisante, cette empoisonnante histoire de graines infestées par une méchante bactérie et pourtant réputées bio de chez bio. Tout ça parce que bêtement, les produits garantis sans saloperies phytosanitaires et autres affreux agents chimiques se trouvent, assez logiquement quand même, moins protégés contre le mal bactérien. Ah, le bonheur d’avoir à choisir ente le pesticide et le coli-ra.

Ou l’idée de l’UDC zurichoise, véritable machine à idées brillantes, comme on sait: empêcher les recourants à l’aide sociale d’acquérir, ou même de louer, un véhicule à moteur et plus précisément une voiture. Sous prétexte qu’ils n’auraient pas les moyens de pourvoir à l’entretien de la dite bagnole, évalué à 500 francs par mois.

On pourrait pourtant penser que plus on dispose d’argent, moins la nécessité d’une voiture se fait sentir. Qui doute que le riche ait moins besoin de battre la campagne que le pauvre, en quête d’emploi? Ou de rêver que sa bagnole puisse devenir un instrument de travail, voire une source de revenus? Sans parler d’un simple moyen de remplir un temps libre que faute de revenus on ne sait trop comment occuper.

Généralement d’ailleurs, plus on est riche, moins on emprunte la route, plus on préfère le train première classe à grande vitesse d’abord, puis l’avion, et en fin de parcours,le yacht. La voiture apparaît comme un besoin et un fantasme fondamentalement populaire, une manie de pauvres, quand la seule liberté qui reste est de foncer d’un endroit à un autre. Même Hitler l’avait compris avec ses Volkswagen.

Parfois, pourtant, le mal et le remède, c’est un peu du pareil au même. Impossible à départager. Typiquement, le nucléaire — ce cauchemar épouvantable — et son abandon — ce sinistre retour au Moyen Age. Plaignons ainsi les représentants d’Axpo, bienfaiteur du football suisse et surtout gros marchand d’électricité, qui se sont vus refuser une visite au site russe de Mayak. Un charmant endroit spécialisé dans le retraitement d’uranium et où les centrales suisses s’approvisionnent en combustible, via Areva.

Un site vertement, si l’on peut dire, critiqué par les organisations internationales de défense de l’environnement, car responsable semble-t-il d’irradiations importantes. On imagine le dilemme des électriciens suisses: sortir du nucléaire ou continuer de saloper la sainte terre russe.

Bon, les Russes avaient des arguments. La région de Mayak est en fait une zone d’interdiction militaire. Qui sait,les Russes ont-ils eu vent de quel genre de bois se chauffe désormais notre armée. Quel genre de personnages sont les militaires suisses et quelles pittoresques pratiques sont les leurs. Comme extorquer aux assurances sociales le montant de jours de service jamais effectués.

L’inspecteur Maurer mène l’enquête: sept suspects sont déjà dans la ligne de mire. Là encore, il faudra bien un jour choisir, trancher entre le mal et le remède: la transparence ou l’armée.

D’où l’on concluera qu’il existe par bonheur des choix plus faciles que d’autres.

Nicolas Martin