En 1917, le MI5 a payé pendant un an le futur dictateur, alors jeune journaliste, pour faire campagne en faveur du maintien de l’Italie aux côtés des alliés pendant la Première Guerre mondiale.
Benito Mussolini, espion avant d’être dictateur ? C’est ce que révèle Peter Martland, un historien de Cambridge, qui s’est plongé dans le passé d’agent jusque là mal connu du Duce. Avant de les combattre aux cotés des Allemands et du Japon dans l’Axe lors de la Seconde Guerre mondiale, le dictateur fasciste connut lors de la Première Guerre mondiale une brève carrière d’espion à la solde du Royaume-Uni.
A l’automne 1917, le camp allié est sous le coup du retrait de la Russie qui, sous l’égide des bolchéviks, a quitté le conflit. Il devient alors capital de s’assurer que l’Italie, un allié récent - et le moins fiable, selon Londres - ne soit pas tenté de suivre l’exemple de Moscou. A Rome, le député Sir Samuel Hoare, représentant du MI5 en Italie, qui gère une centaine d’espions, recrute Benito Mussolini, alors jeune journaliste de 34 ans. Objectifs : faire campagne en faveur du maintien de l’Italie aux côtés des alliés pendant le conflit et apaiser la colère et la méfiance des ouvriers italiens qui multiplient les grèves. Le futur dictateur fasciste accumule donc les articles en faveur de la guerre dans son journal Il popolo d’Italia. Mais il confie à son recruteur être prêt à faire plus. Il est disposé à envoyer, si nécessaire, des fidèles pour passer à tabac les manifestants pacifistes.
6.400 euros par semaine
Le recrutement de Mussolini par le MI5 était connu dès les années 50 lorsque Sir Samuel Hoare l’avait mentionné dans ses mémoires. Mais avant Peter Martland, personne n’avait cherché à connaître les détails de cette collaboration. En étudiant les archives de Hoare, l’historien a ainsi découvert le coquet salaire qui était versé chaque semaine au Duce : 6.400 euros (100£ à l’époque). Ces paiements ont duré, au plus, un an, jusqu’à l’armistice de 1918.
« C’était beaucoup d’argent à donner à un homme qui était journaliste mais Londres voulait à tout prix éviter que les usines de Milan ne soient bloquées par des mouvements pacifistes. En comparaison des quatre millions de livres que le Royaume-Uni dépensait quotidiennement pour la guerre, c’était une goutte d’eau », raconte au Guardian Peter Martland. L’historien « soupçonne [sans preuve] Mussolini, qui était connu pour être un coureur de jupons, d’avoir dépensé une bonne partie de l’argent pour ses maîtresses ». Il a transmis ses recherches à Christopher Andrew, l’auteur de « La Défense du royaume », un essai qui retrace un siècle de contre-espionnage britannique.
Les ambitions coloniales de Benito Mussolini, devenu l’homme fort de l’Italie en 1922, le remettront sur le chemin de son recruteur dans les années 30. Le Duce et Sir Samuel Hoare se revoient en 1935 lorsque Hoare, ministre des affaires étrangères, signe le pacte Hoare-Laval, qui donne à Rome le contrôle d’une partie l’Abyssinie (l’actuelle Ethiopie). Ce pacte indigna l’opinion publique et força les concepteurs, Hoare et le premier ministre français de l’époque Pierre Laval, à démissionner. « Si Mussolini a fini pendu par les partisans italiens en 1945 , l’Histoire ne fut pas tendre non plus avec Hoare qui est considéré comme un partisan de l’apaisement face au fascime et au nazisme comme Chamberlain », note Peter Martland.
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Constance Jamet