C’est désormais une évidence, les terroristes ayant perpétré les attentats de Bombay ont bénéficié d’un entraînement comparable à celui d’une unité d’élite.
Ce qui a fait dire à Louis Caprioli, ancien responsable de la DST actuellement conseiller spécial chez Geos s’exprimant dans les pages du Journal du Dimanche, qu’à Bombay, il s’agissait d’une "force spéciale" qui était "entrée dans la ville par la mer". Même thèse soutenue auprès de l’agence Reuters à qui David Kilcullen, ancien conseiller contre-terroriste auprès du général Petraeus et de la secrétaire d’Etat Condolezza Rice, a déclaré : "même une équipe SEAL [les nageurs de combat américains] aurait eu du mal à monter cette opération".
Extrait de l’ouvrage de Jean-Jacques CÉCILE, Espions et terroristes, éditions Nouveau Monde, mars 2008.
Les terroristes aussi ont leurs unités spéciales
Si l’on s’en tient à ce que les militaires appellent dans leur jargon les « techniques, tactiques et procédures (TTP) », il est indéniable qu’il existe de fortes similitudes entre les forces spéciales d’une part et les terroristes d’autre part. A tel point que certains se sont laissés aller à comparer les membres du Special Air Service britannique à des terroristes d’Etat. Evoquant son apprentissage au sein des commandos-marine, l’ancien chef du GIGN qu’est Philippe Legorjus dresse le même constat : « nous apprenions le terrorisme. Un commando n’est rien d’autre, après tout, qu’un groupe de terroristes qui a la loi pour lui… En tous cas, ses moyens sont les mêmes » .
Les terroristes ont vite compris l’avantage qu’il y avait à débaucher ces virtuoses du pain de plastic.
Il est un cas emblématique, celui d’Ali Mohamed qui a « vécu une double vie prouvant que la réalité dépasse parfois la fiction » . Officier supérieur des forces spéciales égyptiennes, il est envoyé une première fois en stage aux Etats-Unis. Il y émigre en 1985 et devient sergent de l’armée de Terre américaine. Et pas n’importe quel sergent : il est rapidement affecté à Fort Bragg comme instructeur en matière de culture moyen-orientale . Cette garnison est tout sauf anodine : elle est considérée comme la Mecque des Bérets verts. Elle abrite un état-major ainsi qu’une école de forces spéciales mais aussi et surtout le Joint Special Operations Command (JSOC). Ce commandement interarmées est le nec plus ultra en la matière : il prend à son compte les opérations clandestines les plus « pointues ». Son existence est entourée d’un tel halo de mystère qu’on ne connaît pas exactement quelles unités lui sont subordonnées. Il y a, bien entendu, la fameuse « Delta Force », mais pour le reste, on en est réduit aux conjonctures. Et c’est dans cette garnison qu’Ali Mohamed officie en tant qu’instructeur.
Mais l’odyssée de ce sergent très spécial ne s’arrête pas là. Militaire des forces armées américaines, il effectue un séjour en Afghanistan sous occupation soviétique, officiellement pendant ses permissions. Curieusement, les huiles du Pentagone n’y trouvent rien à redire. Ses congés, justement. Parfois, il les occupe de manière très originale : il passe ses week-ends dans le New Jersey où il entraîne des fondamentalistes islamistes aux opérations de surveillance, au maniement des armes ou à l’utilisation des explosifs . Défroqué, il travaille comme expert en matière de sûreté au sein de la société Egypt Air. On le dit impliqué dans les attentats contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar-es-Salaam ayant eu lieu en 1998. Enquêtant sur le meurtre d’un rabbin, les agents spéciaux du Federal Bureau of Investigation trouvent au domicile du principal suspect des documents militaires dérobés par Ali Mohamed ; certains d’entre eux sont classifiés. Parmi les documents en question, des manuels d’instruction. Après le 11 septembre 2001, les Fédéraux escamotent prestement Ali Mohamed. Aujourd’hui encore, le doute subsiste. Etait-il une taupe d’al-Qaeda au sein du FBI, une taupe du FBI dans les rangs d’al-Qaeda ou un agent double ? Bien malin qui peut répondre à cette question.
Et le cas d’Ali Mohamed est loin d’être isolé. Citons également celui de Mohammed Ibrahim Makawi, un proche de Ben Laden ayant également servi pendant 15 ans dans les forces spéciales égyptiennes. Ou celui de Mohamed Atef, ancien officier de police du même pays . Ou encore celui du Sea Tigers Strike Group sri lankais, « unité d’élite » navale du mouvement indépendantiste – ou terroriste, c’est selon - Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE). Ses « nageurs de combat » auraient bénéficié des conseils avisés d’anciens instructeurs des commandos d’un pays nordique.
Parfois, les terroristes bénéficient d’un soutien étatique mettant les forces spéciales à contribution.
Après le conflit contre les forces israéliennes au Liban à l’été 2006, le Hezbollah a éprouvé le besoin de se réorganiser ainsi que de perfectionner les connaissances tactiques de ses cadres. Une première promotion a donc débarqué à Pyongyang en février 2007. But : suivre un stage commando auprès des forces spéciales nord-coréennes, ainsi qu’une formation au renseignement et au contre-espionnage .
Finalement, le prestige des unités spéciales est tel que les mouvements terroristes éprouvent souvent le besoin irrépressible de mettre sur pied de telles formations.
Citons ainsi la 55 Brigade pour al-Qaeda et les taliban ou encore la Force 17 ainsi que « l’organisation du colonel Hawari » pour l’OLP de Yasser Arafat. En Tchétchénie, les « rebelles » ont suivi la même démarche. Elle a abouti à la création du Riyadus-Salikhin Reconnaissance and Sabotage Battalion of Chechen Martyrs (RSRSBCM, également connu sous la dénomination de Riyadus-as-Saliheen ou RAS), du Special Purpose Islamic Regiment (SPIR) ainsi que de l’Islamic International Brigade (IIB). La secte japonaise Aum Shinrikyo n’était pas en reste. Elle aussi possédait sa propre unité spéciale dont les missions étaient les suivantes : surveiller, enlever ainsi que séquestrer les adeptes récalcitrants, infiltrer les services de police, procéder à des écoutes téléphoniques et « s’occuper » des avocats engagés par les familles. Cette unité spéciale était dirigée par Kiyohide Nakata, individu présenté comme ayant appartenu aux yakuzas, ces clans de malfrats se réclamant des traditions propres aux samouraïs. Elle disposait d’une quarantaine de caches dans Tokyo et recélait des informations dérobées aux forces d’autodéfense japonaises.
Espions et terroristes sont-ils si différents qu’on le croit ? « Finalement, les attentats du 11 septembre 2001 sont un bon exemple d’opération clandestine réussie ». Proférée par un ancien officier de la DGSE, cette phrase prend un relief particulier. Pour un ancien des commandos britanniques, « les membres du Special Air Service ne sont finalement que des terroristes d’Etat ». De nos jours, les techniques des élites militaires et celles des terroristes se ressemblent de plus en plus. Les terroristes copient beaucoup mais inventent peu. Quand Richard Reid embarque à bord d’un vol d’American Airlines avec des chaussures piégées, il copie en cela les techniques des « spéciaux » nazis. Comment le savoir se transmet-il entre les « barbouzes » et les terroristes ? Le scénario du prochain attentat d’envergure ne serait-il pas inscrit noir sur blanc dans les livres d’histoire parce déjà mis en scène par les organismes officiels d’action clandestine ? Partant de ce parallèle entre membres des forces spéciales, espions et terroristes, à quels actes de barbarie massive peut-on et doit-on s’attendre ? Au final, quelle est la véritable capacité de nuisance d’al-Qaeda et consorts ? Ce livre plonge au cœur du monde interlope où se croisent espions et terroristes. Partant de faits avérés, il dresse un panorama de ce que les thuriféraires de Ben Laden pourraient être capables de faire avec des moyens technologiques simples.
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Egger Ph.