Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 4 mai 2003

Les VTOL du IIIème Reich

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Le VTOL Schnellflugzeug « ROCHEN » du Professeur FOCKE

Les appareils VTOL de type « Lift Fan » - appelés aussi appareils à soufflantes ou rotors carénés – sont dotés de deux systèmes de propulsions complémentaires, utilisés alternativement pour le vol vertical et horizontal. Le système de sustentation utilisé pour le décollage et l’atterrissage vertical consiste en soufflantes carénées installées dans l’épaisseur des ailes, tandis que le moteur de croisière assurant la poussée vers l’avant est un moteur à hélice ou un turboréacteur. La transition entre le vol vertical et le vol de croisière est obtenue par le passage d’un système sur l’autre. Ce concept original est relativement simple par rapport aux rotors basculants, aux ailes basculantes ou encore aux soufflantes carénées orientables. En effet, dans le concept « Lift Fan » les rotors sont fixes et il n’y a pas besoin d’un lourd et complexe système de basculement. De plus, les problèmes aérodynamiques de basculement du rotor lors de la transition sont éliminés. L’un des autres avantages du système à soufflantes carénées est l’utilisation du même moteur pour le vol conventionnel et le vol vertical. De plus, la faible vitesse d’échappement de l’air en sortie de soufflantes permet d’utiliser tous les types de surfaces de décollage contrairement à un avion à jet orientable, par exemple. Evidement, il y a des inconvénients à ce système comme le fait que les rotors ne servent que dans les phases de décollage et d’atterrissage et sont autant de poids morts durant la phase de vol conventionnelle.

Un autre inconvénient est un volume et une masse importante pour le système de propulsion et la difficulté d’intégrer ce système dans une cellule très aérodynamique, particulièrement dans l'aile. Cet inconvénient ne permet pas l’utilisation d’une aile mince, indispensable pour atteindre de grandes vitesses.

L’étrange Schnellflugzeug « ROCHEN »

Le Professeur Heinrich Focke de Focke-Wulf, fut l’un des précurseurs en matière d’hélicoptères et le premier à concevoir le projet d’un chasseur VTOL de type Lift-Fan. Après la fabrication sous licence de l’autogire La Cierva C-19 et C-30, il développa le concept d'hélicoptère en créant le FW-61. Il conçut également les hélicoptères Focke Achgelis Fa-223, Fa-224, Fa-226, Fa-269, Fa-283 et le Fa-284 ainsi que les autogires Fa-225, en utilisant le fuselage du planeur DSF-230 et le rotor d'un Fa-223. Il était également le créateur du Fa-330, un cerf-volant de reconnaissance à rotor prévu pour être embarqué à bord des U-Boot, de façon à permettre aux sous-marins allemands de scruter la mer depuis le ciel... Avec l'invention de la turbine à gaz, Focke entreprit des études pour développer une nouvelle forme de VTOL, conçu autour d’un système de propulsion à hélice carénée entraînée par une turboréacteur. Le résultat de ces recherches aboutit au mystérieux Schnellflugzeug « Rochen » (raie), sans doute l’un des appareils les plus insolites jamais imaginé. On connaît peu de choses sur cette énigmatique machine aux formes très futuristes. Le projet date de 1939 et porte la mention Schnellflugzeug (avion rapide). L’étrange appareil conçu par Focke avait une forme discoïde et était tout en rondeur. Aucun angle ne brisait les courbes très pures de l’engin à l’aérodynamisme très étudié. Les seules parties protubérantes étaient la nacelle contenant le cockpit à l’avant de l’appareil, également traité en rondeur, et une petite dérive verticale placée à l’arrière, au niveau du bord de fuite du disque, qui facilitait le contrôle de l’engin à haute vitesse. La sustentation pour le vol vertical, utilisée uniquement au décollage et à l’atterrissage, était produite par deux gigantesques rotors contrarotatifs montés l’un au-dessus de l’autre et entraînés par une turbine à gaz, via un arbre et une boîte de transmission. Ces deux rotors, installés au cœur du disque, étaient totalement intégrés dans le carénage de la cellule. Le principe de fonctionnement était simple : l’air aspiré au-dessus par une large grille circulaire était accéléré et compressé par les deux rotors, puis expulsé à grande vitesse vers le bas, créant ainsi un violent effet de souffle, une sorte de colonne d’air soulevant littéralement l’appareil. On obtenait ainsi la sustentation nécessaire pour élever l’appareil verticalement et l’arracher du sol, lors des phases de décollage et d’atterrissage. On ignore quel type de turbine à gaz le Prof. Focke avait prévu pour motoriser son «Rochen » mais le turbomoteur BMW 028 paraît être le candidat le plus probable. L’idée géniale du Prof. Focke fut d’équiper la sortie ventrale du rotor de 8 volets lamellaires mobiles, dont l’inclinaison pouvait être modifiée par le pilote (comme les lames d’un store) pour orienter le flux vers le bas ou vers l’arrière. C’est cette dernière position qui était choisie pour assurer la poussée vers l’avant durant le vol horizontal. Lorsque l’avion volait en palier, une partie du flux des gaz de la turbine était détourné de l’axe d’entraînement du rotor et dirigé directement vers deux propulseurs installés à l’arrière du disque, de part et d’autre de l’aile. La tuyère d'échappement du turbomoteur se divisait en deux et débouchait dans deux chambres de combustion auxiliaires logées dans le bord de fuite des ailes. Du carburant était injecté dans ces chambres de combustion qui servaient en fait de dispositifs de post-combustion pour fournir une poussée horizontale à l’appareil de Focke. L’utilisation de deux hélices superposées, tournant en sens inverse l’une de l’autre, supprimait l’épineux problème de l’effet de couple inhérent à toute machine équipée d’un unique rotor. Le « Rochen » était ainsi très stable et manoeuvrant. Le contrôle de l’appareil était assuré par une gouverne de direction verticale et une série de volets et d’élevons ménagés dans le bord de fuite de l’aile. Le cockpit, largement ouvert vers l’avant et doté d’une grande bulle frontale offrait un bon champ visuel, sauf vers l’arrière. Le pilote était assis. Le train d’atterrissage, entièrement rétractable dans la cellule pour ne pas diminuer les performances du Schnellfugzeug, était de type tricycle. Il comprenait deux roues de chaque côté des propulseurs et une minuscule roulette de queue. L’armée allemande ne donna aucune suite à ce projet qui demeura lettre morte. Au milieu des années 1950, Heinrich Focke fit réaliser une maquette en bois au 1/10e pour tester et valider la configuration en soufflerie, à Bremen. Le résultat se révéla très probant mais ne déboucha sur aucune réalisation concrète. Du moins est-ce la version officielle. En effet, l’appareil élaboré par le professeur Focke présente de bien étranges similitudes avec le prototype de « soucoupe à coussin d’air » VZ-9-AV « Avrocar » développé et testé en commun par les Canadiens et les Américains à la fin des années 1950.

Même configuration générale, même forme discoïde et même concept pour la propulsion ! S’agit-il d’une simple coïncidence ? Ou bien les Américains se seraient-ils discrètement inspirés du projet allemand, peut-être grâce à des documents secrets saisis en 1945 dans les ruines fumantes du Reich ? On est en droit de se poser la question. Surtout lorsque l’on sait les efforts déployés par l’US Army en 1945 pour mettre la main sur tout ce qui pouvait être intéressant en matière de technologie allemande de pointe et la véritable chasse aux cerveaux nazis qui opposa Russes, Anglais et Américains durant les mois qui suivirent l’écroulement du IIIe Reich…

VTOL Heinkel « Wespe »

L’extraordinaire Heinkel « Wespe » (guêpe) était un projet d’avion VTOL, basé sur le concept d’un appareil à décollage et atterrissage vertical propulsé par une gigantesque hélice carénée entraînée par un turbopropulseur à réaction. Comme dans bien d’autres domaines de pointe, l’origine de cette technologie révolutionnaire est à rechercher dans les ruines fumantes du IIIe Reich où les ingénieurs nazis avaient acquis une expérience et un savoir faire en avance d’un demi-siècle sur leur époque

Le projet du Heinkel « Wespe » fut conçu à la fin de l’année 1944 à Vienne, où Heinkel travaillait sur la conception d’un intercepteur à décollage et atterrissage vertical. L’idée était de développer un nouveau type d’appareil capable d’intervenir à partir de n’importe quel point d’Allemagne et de s’affranchir des pistes d’envol, jugées trop vulnérables aux bombardements et trop éloignées des sites à défendre. Ce type d’intercepteur était destiné à être stationné à proximité directe des sites stratégiques (agglomérations urbaines, sites de production industrielle, nœuds de communication), voire à l’intérieur même de leur périmètre, pour pouvoir intervenir sur place sans délai à l’approche d’une vague de bombardier. En fait, il s’agissait, ni plus ni moins, que de concevoir un intercepteur de défense de zone (Objektschutzjäger) capable d’intervenir à partir d’une simple cour d’usine, d’un square ou d’une clairière

La grande originalité du concept du « Wespe » était d’avoir été conçu autour d’une aile annulaire formant un gigantesque anneau de 5,50 m d’envergure autour du fuselage. Cette aile avait une section intérieure circulaire (diamètre interne 2,88 m) tandis que l’extrados, constitué par 9 facettes, présentait un profil annulaire biseauté. Pour des raisons d’économie, une grande partie des constituantes de la cellule, comme le cockpit, le fuselage et l’armement, étaient directement repris du Heinkel P-1076 « Julia », le malheureux projet d’intercepteur de défense de zone concurrent du Bachem Ba-349 Natter, qui n’avait pas été retenu par le Reichsluftfahrtministerium (RLM). Le fuselage de section circulaire (diamètre 1,26 m) passait au travers de l’aile. Celle-ci était fixée à lui par 3 montants radiaux percés d’une fente pour permettre le passage des pales de l’hélice. Ces montants formaient entre eux des angles de 120°, sans être parfaitement symétriques. Le montant dorsal était vertical, avec un saumon d’aile dépassant à peine de l’extrados. Les deux autres montants obliques, qui participent à la portance, étaient prolongés chacun par une petite aile horizontale de 0,94 m de long, portant ainsi l’envergure totale à 5,00 m. Chacun de ces 3 montants était équipé de volets de gauchissement pour affiner le pilotage de cet étrange appareil.

Le « Wespe » était propulsé par une gigantesque hélice carénée tournant autour de l’axe du fuselage, à l’intérieur de l’anneau formé par l’aile annulaire, tel un rotor. Cette hélice à 6 pales (diamètre 2,84 m) était entraînée par un turbopropulseur Heinkel PTL He S-021 de 3300 chevaux logé à l’intérieur du fuselage. Ce moteur, alimenté par une prise d’air frontale s’ouvrant dans le nez, était une modification du turboréacteur Heinkel-Hirth He S-011 en turbopropulseur. Aux 3300 chevaux exercés directement sur l’arbre de l’hélice s’ajoutait une poussée de 220 kg fournie par les gaz brûlants s’échappant par la tuyère arrière. Le pilote prenait place en position assise dans un habitacle situé juste au-dessus de la prise d’air frontale. Le cockpit était doté d’une grande verrière bullée en goutte d’eau, offrant un large champ visuel. Si elle ne posait aucun problème pour le vol en palier et l’interception à haute altitude, cette disposition assise était en revanche peu commode pour le décollage et l’atterrissage, car le pilote tournait le dos au sol : il devait littéralement se tordre la nuque pour apercevoir le tarmac et ne disposait d’aucun point de repère pour estimer la distance par rapport au plancher des vaches.

Après le décollage, le pilote poursuivait son ascension verticale jusqu’à l’altitude d’interception (entre 6 000 et 10 000 m). Il inclinait alors peu à peu son appareil au moyen des gouvernes de profondeur et de gauchissement, et effectuait une lente transition pour passer en vol horizontal avant de poursuivre sa mission en palier comme n’importe quel chasseur. L’atterrissage s’opérait de manière inverse, mais avec beaucoup plus de difficulté car l’opération était délicate et très risquée. Le pilote devait en effet réduire peu à peu les gaz tout en maintenant la sustentation et l’équilibre vertical de l’appareil, de façon à le laisser retomber lentement jusqu’au sol, pour prendre contact délicatement sur les trois roulettes du train tricycle. Cela requérait un dosage minutieux de la manette des gaz et une attention de tous les instants pour compenser les moindres oscillations latérales avec les gouvernes de vol. La moindre erreur d’estimation de la distance par rapport au sol, la plus petite hésitation, un dosage malheureux des gaz et le Wespe pouvait décrocher en perte de vitesse, basculer vers le sol ou briser l’une des ses roulettes.

Au sol, l’appareil en position verticale reposait sur son empennage, composé de trois ensembles dérives-gouvernails munis de volets de profondeur, disposés également à 120° les uns par rapport aux autres. L’extrémité de chaque dérive était dotée d’un carénage fuselé renfermant une jambe oléopneumatique de l’atterrisseur tripode. Les roues n’étant pas rétractables, étaient carénées en vol par des coquilles mobiles qui, en se fermant, les enveloppaient pour diminuaient le coefficient de frottement dans l’air et donc la traînée. L’armement consistait en 2 canons MK-108 de 30 mm intégrés dans des logements carénés en bulle d’eau dépassant latéralement du fuselage, de part et d’autre du poste de pilotage. Le poids au décollage atteignait 2 140 kg avec les réservoirs pleins et les munitions, ce qui en faisait un intercepteur ultra-léger et donc très maniable vu sa configuration. La vitesse de pointe était d’environ 800 km/h.

Cet appareil, dont la conception était en avance d’un demi-siècle sur son époque, ne put être construit avant l’écroulement du Reich, faute de temps. Ses plans servirent toutefois de base pour concevoir un projet du même type encore plus ambitieux et plus évolué, le Heinkel « Lerche » (voir rubrique spécifique). L’idée d’une propulsion par hélice axiale fut reprise, dans les années 1950, par Convair et Lockheed, avec le Convair XFY-1 « Pogo » et le Lockheed XFV-1, mais la transition en vol s’avéra trop difficile et les prototypes ne débouchèrent sur aucune commande.

Caractéristiques techniques du Heinkel « Wespe »

Désignation Heinkel « WESPE » (guêpe)
Type appareil VTOL à décollage et atterrissage vertical
Fonction Intercepteur de défense de zone (Objektschutzjäger)
Hauteur 3,34 m
Longueur totale 7,61 m
Longueur du fuselage 6,18 m
Diamètre du fuselage 1,26 m
Envergure 5,50 m
Voilure aile annulaire autour du fuselage, fixée à celui-ci par 3 montants
Profil de l’aile circulaire au niveau de l’intrados, biseautée à 9 facettes au niveau de l’extrados
Propulsion hélice à 6 pâles carénée dans l’aile annulaire, actionnée par un turbopropulseur Heinkel PTL (Propeller Turbo Lader) He S-021 de 3300 chevaux logé dans le fuselage
Diamètre int. de l’aile 2,88 m
Diamètre de l’hélice 2,84 m
Poussée 220 kgp fournie par la tuyère, qui s’ajoutent aux 3300 chevaux exercés sur l’arbre de l’hélice
Poids au décollage 2 140 kg
Vitesse de pointe 800 km/h en altitude
Armement 2 canons MK-108 de 30 mm disposés de part et d’autres du nez
Empennage 3 dérives disposées à 120°, munies de volets de profondeur
Train d’atterrissage 3 jambes oléopneumatiques prolongeant les dérives de l’empennage, avec des roues carénées dans des coquilles mobiles
Emprise au sol 3,10 m de circonférence (roulettes du train d’atterrissage)

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