Il est faux daffirmer que les Allemands ont inventé le missile ou encore les fusées à poudre et à carburants liquides. En revanche, ils furent les premiers à concevoir et à développer toute une gamme de missiles et dengins guidés dans un but militaire, mais ils le firent trop tard
En effet, jusquen 1942, les responsables du IIIe Reich ne virent aucun intérêt à développer des engins sol-air et des missiles antiaériens, pas plus que des intercepteurs à moteur-fusée. Après les victoires éclairs remportées de 1939 à 1941 dans la foulée du Blitzkrieg, lAllemagne contrôlait en effet toute lEurope et la Wehrmacht continuait à progresser sur tous les fronts, notamment à lest. Cette position était confortée par Hitler lui-même, pour qui seule loffensive comptait et qui ne voyait pas en quoi ces armes « défensives » pouvaient être utiles. Le RLM avait dailleurs conforté le Führer dans cette opinion, en lui transmettant un mémorandum expliquant que des missiles air-air tirés par des chasseurs seraient plus efficaces que des missiles lancés depuis le sol.
Ce nest quà partir du moment où les Alliés commencèrent à pilonner massivement les centres urbains et industriels situés au cur du Reich que les dirigeants nazis commencèrent à réviser leur position. Visiblement, la Luftwaffe tant vantée par Goering manquait cruellement de moyens pour assurer la couverture aérienne, tant au-dessus du Reich que sur le front. Les premiers revers subis à lest ne firent que renforcer ce constat.
Pourtant, dès novembre 1941, le général von Renz, officier de la Flak, avait tiré la sonnette d'alarme : au vu de la multiplication des raids alliés sur lAllemagne, la consommation en munitions de la Flak ne cessait daugmenter dans des proportions alarmantes et deviendrait vite démesurée en regard de la taille croissante des formations ennemies. En 1942, étant donné laltitude de plus en plus élevée à laquelle évoluaient les bombardiers alliés, il devint évident que la « Flak » avait atteint la limite de son efficacité. Les lourds quadrimoteurs volaient désormais beaucoup trop haut pour être inquiétés par les canons au sol, rendus inopérants par la nouvelle tactique des bombardement en tapis à haute altitude. Quant à la Luftwaffe, dont lutilisation en binôme avec les Panzers sétait révélée si redoutable durant le Blitzkrieg, elle navait pas été conçue dans une perspective défensive et nétait plus que lombre de ce quelle avait été. Saignée à blanc par les pertes subies sur les différents théâtres dopération, elle navait pas les moyens nécessaires pour interdire le ciel allemand aux armadas de quadrimoteurs et ne parvenait même plus à compenser ses pertes. A lexception de quelques as, les pilotes chevronnés qui avaient fait jadis sa force étaient tombés au combat et avaient été remplacés par des pilotes inexpérimentés de plus en plus jeunes, mal formés et manquant cruellement de lexpérience au feu. Les appareils étaient en partie périmés ou surclassés par les nouveaux chasseurs alliés, et navaient pas été développés pour affronter lincroyable mur de feu que tissait lartillerie embarquée des lourds quadrimoteurs volant en formation compacte.
Peu à peu, les Nazis comprirent donc quils ne pourraient mettre fin aux bombardements stratégiques et reconquérir la suprématie aérienne quen opposant à laviation alliée des armes nouvelles et révolutionnaires, vis-à-vis desquelles les équipages seraient totalement démunis.
Toutefois, le revirement ne se fit pas immédiatement et il fallut attendre octobre 1942 pour que le Reichsmarschall Goering, commandant en chef de la Luftwaffe, se décide enfin à accorder une priorité aux projets de développement de missiles aériens et antiaériens. En conséquence, le 18 décembre 1942, le général von Axthelm, commandant en chef de la défense antiaérienne allemande, donna lordre de mettre sur pied un nouveau programme de développement, celui de « Flak-Raketen » (missiles antiaériens). L'autorisation pour la construction d'un pas de tir expérimental fut donnée en février 1943, la plupart des tirs d'essais devant s'effectuer au centre de recherches de Peenemünde, sur la côte sud de la mer Baltique.
A partir de juin 1944, la quasi-totalité de la Luftwaffe se retrouva clouée au sol par la pénurie de carburant et de pièces détachées. Pour redresser la situation, les Allemands reportèrent tous leurs espoirs dans les avions-fusées et dans les chasseurs à réaction, mais il apparut rapidement que le Me-262 et le Me-163 sortaient trop lentement et en trop petit nombre des chaînes de production pour faire pencher la balance et avoir une influence sur la guerre aérienne. Il fallait trouver rapidement autre chose.
Pour y parvenir, les Nazis se tournèrent alors tout naturellement vers le développement « darmes guidée sans pilote », en exploitant à fond les recherches déjà effectuées au centre dessai de Peenemünde en matière de moteurs fusées . Le résultat fut le développement de toute une gamme de nouvelles « armes miracles » (Wunderwaffen), auxquelles les Allemands donnèrent des noms bucoliques qui faisaient très « gemütlich », comme la Rheintochter (fille du Rhin) ou encore le Schmetterling (papillon).
Les bombes planantes et les missiles anti navires, peu connus, furent les premiers à être mis au point et à être réellement engagés en opération dans des unités combattantes, avec plus ou moins de réussite. Certains de ces engins sophistiqués remportèrent d'indéniables succès et réussirent même à couler de grosses unités navales, tel le cuirassé « Roma ». En revanche, les missiles aériens et antiaériens furent développés trop tardivement et en trop petit nombre pour jouer un rôle déterminant dans la guerre. Ils ne remportèrent quasiment aucun succès alors même que des dizaines de variantes furent testées, car la plupart étaient encore en développement ou au stade de la mise au point au moment de lécroulement du Reich. Il aurait pu en être tout autrement si leur étude avait démarré quelques années plus tôt. La prolifération des missiles antichars fut moindre, mais ils ne purent pas non plus se prévaloir d'effets sur le champ de bataille.
En fait, les programmes de développement furent sans cesse ralentis par les querelles intestines et les luttes d'influence au sein des services et des diverses armes, et par la concurrence acharnée que se livraient les différentes firmes allemandes. En outre, plusieurs projets souffrirent grandement des menées de Himmler et des SS pour mettre la main sur les armes miracles et accaparer les technologies de pointe. Il en résulta une certaine gabegie qui explique que des programmes viables aient été lancés, puis abandonnés sans autre forme de procès au moment où ils étaient sur le point daboutir, alors que dautres furent poursuivis inlassablement alors quils navaient aucune chance de déboucher rapidement sur un résultat probant.
Les diverses recherches amenèrent toutefois la technologie des fusées à faire un bond remarquable, en particulier vers la fin du conflit. Si bien quen 1945 lAllemagne était sans conteste en tête de la course aux missiles et possédait une avance de plusieurs années sur les pays alliés. Cette avance technologique concernait tous les types de missiles et de propulsion et pas seulement les spectaculaires engins sol-sol ou les Vergeltungswaffen. Les savants nazis élaborèrent en effet toute une gamme de missiles révolutionnaires et plusieurs dizaines de modèles différents, avec souvent des variantes et des sous-versions.
Seule la défaite de 1945 permit aux Alliés de rattraper ce retard considérable et daller plus loin encore. Ils le firent en pillant littéralement la technologie allemande et en mettant la main sur toutes les installations sensibles quils purent trouver dans les ruines fumantes du Reich. Lorsquils découvrirent la diversité et la multitude des projets développés par leurs homologues allemands, les savants et les techniciens alliés nen crurent pas leurs yeux et restèrent abasourdis devant la prodigieuse avance technologique quavaient acquise les scientifiques nazis en matière dengins balistiques, de moteurs-fusées, de techniques de guidage et de carburants solides ou liquides. Dans les semaines qui suivirent, à partir davril 1945, Soviétiques, Américains, Français et Britanniques se lancèrent à travers lAllemagne dans une gigantesque chasse aux « cerveaux » allemands qui furent fermement invités à se rendre dans les pays vainqueurs pour « collaborer ». Le plus connu est sans nul doute Wernher von Braun, père du V2, qui fut par la suite aux USA linitiateur du programme spatial Saturne V et de la mission lunaire « Apollo ». Parallèlement, les vainqueurs récupérèrent tout le matériel de haute technologie et les prototypes quils purent dénicher pour poursuivre secrètement les recherches à leur propre profit, dans la perspective de la future guerre froide et dun éventuel conflit ouvert entre lUnion soviétique et les puissances occidentales. Ainsi, le « Wasserfall » allemand n'est rien d'autre que lancêtre direct des missiles « Nike » américains et ce nest pas un hasard si la « Rheintochter » a des faux airs de missile soviétique des années 1950 !
Ce sinistre arsenal nazi comprenait non seulement des engins sol-sol, sol-air, air-air et air-sol, propulsés par des moteurs fusées à carburants solides ou liquides, mais également des torpilles à réaction air-mer et des bombes planantes anti navires. Ces engins guidés constituent les premiers missiles de lhistoire moderne et préfigurent les engins balistiques de la Guerre Froide ou encore les missiles de croisière actuels. Seule une partie de ces Wunderwaffen furent produites et atteignirent le stade opérationnel. Les autres restèrent à létat de projets ou de prototypes, leur développement ayant été interrompu à différents stades par la fin de la guerre et lécroulement du Reich.
Cest lhistoire méconnue de ces extraordinaires « armes miracles », très en avance sur leur temps, que nous vous invitons à découvrir. Une histoire qui fait froid dans le dos, tant il est vrai que les Allemands furent bien près de se doter dun formidable arsenal révolutionnaire et quil sen fallût parfois de quelques semaines pour quils réussissent à lancer la production. A terme, la combinaison de ces nouvelles armes miracles, des nouveaux avions à réaction et des armes de représailles (V1, V2, V3) aurait probablement permis aux Allemands de remporter la victoire si la guerre sétait prolongée jusquen 1946, comme le Führer lespérait.
Ceci éclaire dun jour nouveau certaines déclarations de Hitler qui affirma jusquà la fin à son entourage, de manière réitérée, quil fallait tenir à tous prix et que de nouvelles armes miracles allaient in extremis renverser la situation et lui apporter la victoire. Ces paroles ont toujours été interprétées comme les divagations dun fou désespéré, mais peut-être songeait-il très concrètement à ce formidable arsenal en cours de développement et aux prodigieuses perspectives quil ouvrait si ces armes miracles arrivaient à point nommé...
Grâce à Dieu, il nen fut rien ! On peut même affirmer que si les missiles allemands furent une remarquable prouesse technique, ils ont probablement coûté plus de ressources au Reich qu'ils n'ont causé de dommages à ses adversaires
Les missiles sol-air FeuerLilie
Le projet « Feuerlilie » (lys de feu) fait partie de la gamme des missiles sol-air développés par le IIIe Reich pour intercepter les formations compactes de bombardiers volant à haute altitude. Le programme séchelonna sur plusieurs années et fit lobjet de plusieurs développements successifs visant à aboutir au missile final. Il fut interrompu avant terme, en novembre 1944, au moment où il était sur le point daboutir
Le Feurlilie F-5
Le premier prototype étudié dans le cadre du programme « Feuerlilie » fut le « Feuerlilie F-5 », une petite fusée à carburant solide dun diamètre de 5 cm, propulsée par un moteur à poudre. Les recherches, conduites durant l'année 1941 par les services techniques du Reichsluftfahrtministerium (RLM), furent abandonnées à la fin 1941 au profit dun engin à poudre plus gros, baptisé « Feuerlilie F-25 ».
Le Feuerlilie F-25
Le « Feuerlilie F-25 » fut conçu en 1942 par les Dr. G. Braun et A. Buselmann du Luftfahrtforschungsansalt (FLA), mais son développement fut confié par le RLM à la firme Rheinmetall-Borsig qui poursuivit les recherches jusquen 1944 en étroite collaboration avec les spécialistes du FLA. Le Feuerlilie F-25 mesurait 2,08 m de longueur et présentait un fuselage cylindrique de 25 cm de diamètre pour une une envergure de 1,10 m. Il comportait 2 ailes implantées au milieu du fuselage et un stabilisateur de queue, avec une charge explosive de 17 kg logée dans logive conique du nez. Son poids au départ était de 120 kg. Lengin était propulsé par un moteur fusée Rheinmetall 109-505 à carburant solide (poudre), brûlant du Diglycol et fournissant une poussée de 500 kg durant 6 secondes. Il atteignait une portée de 5 km avec un plafond de 3000 m. Un premier tir expérimental de 3 missiles F-25 eut lieu en avril 1943 au centre dessai Rheinmetall de Leba (Poméranie orientale), situé sur le rivage de la Baltique, à environ 30 km au nord de Laubenburg (actuel Lebork en Pologne). Lun des trois F-25 lancés à cette occasion effectua un vol parfait et grimpa à haute altitude à la vitesse de 840 km/h. Les tests se poursuivirent avec le lancement de 3 autres « Feuerlilie F-25 » depuis lîlot de Greifswalder Oie, au large du centre dessai expérimental de Peenemünde, en juillet 1943. Dautres tirs eurent lieu entre mai et septembre 1944, mais lengin se révéla finalement incapable de dépasser des vitesses subsoniques du fait de son moteur à poudre. Il fut abandonné au profit d'un modèle encore plus gros, le Feuerlilie F-55. En tout, une trentaine de Feuerlilie F-25 furent construits et testés entre 1942 et 1944, avec différentes configurations dailes (droites ou en flèche) et différents types de stabilisateurs (simple ou double) et dempennages de queue. Mais lengin demeura purement expérimental. Il servit de précurseur et de banc dessai pour létude des vitesses et de laérodynamisme de son successeur, le « Feuerlilie F-55 ».
Le Feuerlilie F-55
Le missile « F-55 » constituait laboutissement du programme « Feuerlilie ». Il était prévu quil devienne opérationnel dès 1945. Cétait un développement du F-25, entièrement revu et corrigé pour dépasser le mur du son. Pour accroître ses performances et permettre un meilleur rendement aux vitesses supersoniques, la cellule avait été entièrement repensée. Les ingénieurs avaient notamment supprimé lempennage de queue et modifié la voilure. Les ailes étaient disposées non plus au milieu du corps du missile, mais à larrière du fuselage, et présentaient une flèche très accusée, selon une configuration proche du delta. Le nouvel engin était un peu plus court (1,80 m) que le F-25 mais possédait un corps beaucoup plus gros (51 cm de diamètre) et une envergure nettement supérieure (2,50 m). Son poids au départ atteignait 650 kg. Pour atteindre des vitesses supersoniques, lengin avait été doté dun moteur à poudre plus puissant, le Rheinmetall-Borsig 109-515 développant 4000 kg de poussée, qui brûlait du Diglycol. A terme, il était prévu de remplacer ce moteur à carburant solide par un nouveau moteur-fusée à carburants liquides conçu par le Dr. Conrad qui travailla également sur la propulsion des missiles « Enzian » et « Rheintochter ». Ce moteur révolutionnaire fournissait à lengin une poussée de 6350 kg durant 27 secondes. Cette poussée était générée par la violente réaction chimique résultant de la brutale mise en présence, dans la chambre de combustion, de 2 réactifs très volatils et hautement instables : le péroxyde dhydrogène (T-Stoff), utilisé comme comburant, et une solution de permanganate de sodium (Z-Stoff), utilisé comme catalyseur. La charge tactique comprenait désormais 180 kg dexplosifs logés dans le nez du missile. L'engin était radiocommandé jusquà la cible depuis une station au sol, ce qui conférait aux Allemands un net avantage tant que les Alliés nauraient pas réussi à mettre au point des brouilleurs radio. Un premier tir expérimental fut réalisé en mai 1944, avec quatre « Feuerlilie F-55 » encore équipés de fusées Rheinmetall 109-515 à carburant solide. Ce prototype atteignit la vitesse extraordinaire de Mach 1,25 (1500 km/h), bien quil fût doté dun simple propulseur à poudre et atteignit une altitude de 9500 m après avoir parcouru 7 km de distance. Un second tir dessai eut lieu en novembre 1944. Cette fois, le « Feuerlilie F-55 » lancé était équipé du tout nouveau moteur-fusée à carburants liquides du Dr. Conrad. Il se solda par un échec, le prototype ayant explosé en vol peu après son décollage. Cet incident désastreux mit un terme au projet « Feuerlilie » qui fut définitivement enterré au moment même où il allait aboutir
FICHES TECHNIQUES
FEUERLILIE F-25
Type missile sol-air
Catégorie engin de développement expérimental
Conception Luftforschungsanshalt (LFA)
Concepteurs Dr. G. Braun et A. Buselmann
Développement Rheimetall-Borsig AG
Propulsion moteur-fusée à poudre
Carburant carburant solide (Diglycol)
Moteur Rheinmetall-Borsig 109-505
Poussée 500 kg durant 6 secondes
Longueur 2,080 m
Diamètre 0,255 m
Envergure 1,150 m
Guidage radio contrôlé depuis le sol
Poids au décollage 120 kg
Charge tactique 17 kg dexplosifs dans logive du nez
Vitesse de pointe 840 km/h
Plafond 3000 m
Portée 5500 m
Exemplaires construits 30
Tirs dessai 30
1er tir dessai avril 1943
Fin du projet abandonné en 1944 au profit du Feuerlilie F-55
FEUERLILIE F-55
Type missile sol-air
Catégorie version définitive du missile
Conception Rheimetall-Borsig AG
Développement Rheimetall-Borsig AG
Longueur 1,80 m
Diamètre 0,79 m
Envergure 2, 50 m
Guidage radio contrôlé depuis le sol
Poids au décollage 650 kg
Charge tactique 180 kg dexplosifs dans logive du nez
Exemplaires construits 2
Tirs dessai 2
1er tir dessai mai 1944 (moteur-fusée à carburant solide)
2e tir dessai novembre 1944 (moteur-fusée à carburants liquides)
Fin du projet stoppé en novembre 1944
Moteur initial
Propulsion moteur-fusée à carburant solide
Carburant Dyglicol (poudre)
Moteur Rheinmetall-Borsig 109-515
Poussée 4000 kg
Vitesse atteinte 1500 km/h (Mach 2,5)
Altitude atteinte 9500 m
Distance parcourue 7000 m
Moteur définitif
Propulsion moteur-fusée à carburants liquides
Comburant péroxyde dhydrogène (T-Stoff)
Catalyseur permanganate de sodium (Z-Stoff)
Moteur nouveau moteur développé par le Dr. Conrad
Poussée 6350 kg
Rheintochter
Lorigine du missile antiaérien « Rheintochter » (fille du Rhin) remonte à novembre 1942, lorsquil devint évident que les canons de la Flak classique étaient désormais inopérants vu laltitude de plus en plus haute à laquelle évoluaient les formations compactes de bombardiers de la RAF et de lUSAAF, suite à linstauration par les Alliés de la tactique des bombardements en tapis.
Pour pouvoir atteindre les lourds quadrimoteurs évoluant à 8 000 m daltitude, Rheinmetall-Borsig AG mit au point un nouveau concept qui connaîtrait ultérieurement un franc succès et un grand développement pour la conquête spatiale : la fusée à étages ! La « Rheintochter » était en effet un gros missile sol-air à 2 étages, dont la première version (R-I) mesurait 6,29 m de long et 3,79 m denvergure (respectivement 3,74 m de long et 2,93 m denvergure pour la version R-III). Grâce à sa portée moyenne de 40 km, elle était destinée à assurer la couverture de zones assez vastes, comme par exemple la défense de grands centres urbains ou industriels.
Trois versions successives, baptisées R-I, R-II et R-III, furent développées et expérimentées entre août 1943 et décembre 1944, avec divers modes de propulsion utilisant aussi bien du carburant solide (Diglycol) que liquide. Chacune était une amélioration et un perfectionnement de la précédente, destinée à optimiser les qualités du missile. Malgré des performances très prometteuses, le programme fut toutefois stoppé à la fin de 1944, après 82 tirs dessais pour tester les différentes versions. La raison de cet arrêt brutal na jamais vraiment été élucidée, mais elle privait lAllemagne dun engin efficace et pratiquement au point, qui aurait pu constituer une arme particulièrement redoutable contre les bombardements stratégiques.
Le premier essai de tir de la version R-I eut lieu en juillet 1943.
Lengin était mis à feu à partir dun affût de canon de 8,8 cm dont la pièce avait été démontée et qui avait été spécialement transformé pour servir de plateforme de tir. L'un des atouts de la « Rheintochter » était son mode de guidage particulier : durant la première partie du vol (phase ascensionnelle), le missile nétait pas autonome. Il était radioguidé vers la formation ennemie, grâce à des impulsions radio-codées émises depuis le sol. Ces impulsions, captées par un récepteur intégré dans le corps du 2e étage (juste au-dessus des moteurs), étaient relayées électriquement aux instruments de guidage situés à la base du cône frontal, qui agissaient à leur tour sur les servomoteurs contrôlant les gouvernes de direction. Celles-ci étaient constituées de 4 grands spoilers ovoïdes en bois, disposés en croix autour du cône du nez, dont le pivotement permettait dinfléchir la trajectoire de vol dans les quatre directions, grâce à des vérins agissant sur les spoilers. Sur la version R-I, le suivi visuel de la trajectoire du missile était facilité par des fusées traçantes lumineuses installées à lextrémité arrière des 2 plus grandes ailes médianes. Ce dispositif primitif fut supprimé sur les versions suivantes, dont le suivi était effectué par radar.
Une fois le missile parvenu à portée directe des bombardiers, le radioguidage était stoppé et le missile devenait alors entièrement autonome. Il se dirigeait automatiquement sur la cible, grâce à un radar de poursuite embarqué qui le verrouillait sur la formation. La charge, formée de 150 kg dexplosifs HE pour la version R-I et de 100 kg pour la version R-III, nétait pas placée dans le nez du missile : elle était logée dans la partie terminale du 2e étage, en arrière du système de propulsion. Son explosion était déclenchée par un détonateur à percussion relié électriquement à une fusée de proximité placée dans la coiffe du cône, qui déclenchait lallumage au moment où elle détectait le vrombissement des moteurs des lourds bombardiers. Lactivation de la charge pouvait également être radiocommandée depuis le sol, en envoyant une impulsion radio-codée.
Si elle arriva trop tard pour modifier lissue du conflit, la Rheintochter préfigurait dès juillet 1943, date du premier tir dessai, bon nombre de missiles soviétiques des années 1960, tant par ses caractéristiques techniques que par sa silhouette générale. Cette ressemblance nest pas fortuite : plusieurs exemplaires de la fusée furent capturées par lArmée rouge en 1945 et bon nombre de techniciens et de cerveaux du centre dessai expérimental de Peenemünde furent « fermement invités » par les troupes doccupation soviétiques à venir en URSS pour y poursuivre leurs travaux au profit de lUnion soviétique, dans la perspective dun futur conflit ouvert avec les Etats-Unis...
Missile air-air « Kramer X-4 »
Le X-4 KRAMER, également connu sous la désignation de « RK 344 » (pour Ruhrstahl-Kramer), fait partie de la série des missiles « X », un programme de développement élaboré en 1942 par la firme Ruhrstahl (Bielefel-Brackwede), sous la direction du Dr. Max Kramer (dont le travail le plus abouti fut la bombe guidée Fritz X). En fait, seuls le « X-4 » (air-air) et le « X-7 » (antichar) furent réellement construits.
Le développement du X-4 débuta en 1943, mais sa mise au point prit du temps, si bien quil ne fut pas possible de lancer la production avant 1945. Il sagissait dun engin air-air filoguidé, destiné à permettre aux chasseurs d'attaquer les bombardiers à partir d'une distance de sécurité impossible à atteindre avec les armes de bord conventionnelles, de façon à éviter le feu croisé meurtrier des lourds quadrimoteurs. Il était prévu den équiper les Fw-190D et les Me-262 pour augmenter leur puissance de feu, ainsi que la nouvelle gamme de chasseurs à réaction en développement en 1945 (Me P.1101, Fw Ta-183 « Huckelbein », Horten Ho-IX ).
Le corps du « X-4 », qui ne mesurait que 0,22 m de diamètre, avait une forme cylindro-ogivale, avec 4 ailettes de guidage disposées à mi-corps et 4 petits stabilisateurs de queue. La cellule était essentiellement réalisée en aluminium, avec certaines parties en contreplaqué pour les ailettes et les stabilisateurs de queue. Son faible poids (60 kg) et sa petite taille facilitaient sa manutention au sol et permettaient den accrocher un ou deux sous chaque aile, selon le type de chasseur utilisé.
La principale particularité du « X-4 » était que le missile, une fois tiré, conservait jusquà limpact une liaison organique avec lavion lanceur, sous la forme de deux fils électriques qui se dévidaient derrière lui. Cela permettait au pilote de diriger lengin et de le téléguider jusquà la cible, tout en se maintenant hors de portée de la puissante artillerie de bord des lourds quadrimoteurs. Les bobines de fils étaient intégrées dans des nacelles fuselées et carénées, disposées à lextrémité de deux des quatre ailettes médianes. La longueur des fils (6000 m) permettait dengager la cible de très loin, entre 2900 et 5500 m de distance, de façon à faire feu en dehors du cercle de défense des formations. Ces fils étaient suffisamment souples et résistants pour autoriser de brusques changements de direction, ce qui simplifiait la manuvre dapproche et évitait au pilote de devoir aligner la cible dans son viseur. Pour mieux stabiliser la trajectoire, le X-4 tournait sur lui-même selon une période de rotation de 60 tours/minute. Un dispositif automatique convertissait les signaux de commande en débattements de gouvernes, en tenant compte de leffet giratoire. Le pilote dirigeait le missile grâce à un petit joystick installé sur son tableau de bord, en saidant des fusées traçantes placées à lextrémité des deux autres ailettes médianes du X-4. Ces dispositifs pyrotechniques, qui sallumaient automatiquement au moment du lancement, permettaient de visualiser les évolutions du missile et de repérer sa trajectoire dans lobscurité ou la brume.
Lengin était propulsé par un petit moteur-fusée BMW 109.548-JGZ brûlant un carburant spécial, le TONKA, mélangé à de lacide nitrique (comburant). Le moteur fournissait une poussée de 120 kg durant 22 secondes (dautres sources mentionnent 33 sec.) et propulsait lengin à la vitesse transsonique de 1160 km/h (972 km/h selon dautres sources divergentes).
La difficulté de toucher la cible physiquement, vu le mode opératoire et la distance d'engagement, rendait illusoire lutilisation dun simple détonateur à percussion. Lobligation de percuter la cible aurait constitué une charge et un stress considérable pour le pilote, dans un environnement par définition hostile et extrêmement mobile, avec pratiquement peu de chance de toucher au final vu la vitesse fulgurante du missile ! Cest pourquoi le « X-4 » fut équipé dun système dallumage à détection de proximité. Plusieurs types différents furent élaborés. Ainsi, lengin pouvait être équipé dune tête acoustique « Dogge » (certaines sources l'appellent « Kranich ») réagissant au vrombissement des lourds quadrimoteurs, ou dune fusée de proximité magnétique « Meise » déclenchant la charge au voisinage de la masse métallique du bombardier. Ce système était logé dans la tête du missile, ce qui explique les différentes formes de coiffe et de longueur mentionnées dans les sources. Le détonateur était relié à une charge explosive de 20 kg, à haut pouvoir brisant, placée dans la section avant du missile.
La section centrale du corps de lengin était entièrement occupée par le réservoir de combustible (TONKA), au milieu duquel se trouvait le réservoir cylindrique du comburant (acide nitrique). Larrière abritait les gyroscopes chargés de contrôler la trajectoire et de corriger les mouvements de roulis et de tangage (gyropilote et gyroscopes auxiliaires), ainsi que les batteries alimentant les différents instruments de vol. Larrière renfermait la chambre de combustion et la tuyère déchappement du moteur-fusée. Les 4 stabilisateurs de queue répartis autour de la tuyère comportaient chacun un volet de guidage. Ces volets, placés sous le contrôle des gyroscopes embarqués, étaient actionnés par des électro-aimants qui recevaient également les impulsions électriques transmises par la télécommande du pilote.
Lattaque au moyen de ces missiles était rapide et fulgurante. Les chasseurs à réaction, volant au maximum de leur vitesse subsonique, surgissaient inopinément et décochaient à distance leur « X-4 », en une passe rapide, sans laisser à la cible la possibilité de réagir. Ils effectuaient ensuite un large virage pour permettre aux pilotes de conserver constamment le contact visuel avec la cible, tout en se maintenant à lécart. Ceux-ci avaient alors tout loisir de guider le missile sur les bombardiers, grâce au petit joystick placé sur le tableau de bord de lhabitacle. Lattaque ne durait que quelques secondes et ne laissait aucune chance à la proie, vue la vitesse dapproche transsonique du missile. Lopération pouvait se répéter plusieurs fois, en fonction du nombre de « X-4 » embarqués sous la voilure (2 x 1 pour le Fw 190D, 2 x 2 pour le Me 262, le Me P-1101, le Ho-IX et le Fw Ta-183). Le missile étant filoguidé, il pouvait également être engagé contre des cibles terrestres (concentration de chars, colonne de véhicules, bâtiment), mais cet emploi restait marginal.
Si ce missile avait pu être mis au point plus tôt, des escadrons de chasseurs à réaction équipés de tels engins auraient pu causer des dégâts considérables aux formations de bombardiers lourds évoluant sur lAllemagne. Toutefois, la fabrication ne put démarrer que tardivement en 1944. Plusieurs tirs d'essai furent dabord réalisés au sol. Puis, le X-4 fut testé de manière intensive durant tout l'automne à partir des avions suivants : Fw-190 V69 (immatriculé GO+KJ), Ju-88S (immatriculé VL+KY), Ju-88G (GF + KC) et Me-262A/1a. Ces essais se révélèrent si prometteurs quon décida dattribuer un certain nombre de X-4 à des unités opérant sur Me-262 A/1a, pour procéder à des tirs en conditions réelles de combat. Mais aucun engin ne fut finalement expérimenté car la guerre touchait à sa fin et le temps manqua pour exploiter le formidable potentiel du « X-4 ».
Le programme fut abandonné au début 1945, suite à la destruction par les alliés de l'usine de Stargard qui fabriquait les moteurs, après que 950 exemplaires eussent été produits.
Une version à tête chercheuse infrarouge
Au moment où le programme fut stoppé, une version améliorée, équipée dune tête chercheuse à infrarouge, était en cours de développement pour accroître encore lefficacité et la fiabilité du missile. Ce nouveau modèle était équipé dune capsule vitrée au lieu de la coiffe métallique des versions à détection de proximité, et ne possédait plus aucune liaison par fil avec lavion lanceur. Une fois tiré vers sa cible, le capteur infrarouge détectait automatiquement les sources de chaleur émises par les bombardiers (échappements, capots moteurs) et se verrouillait dessus jusquà limpact. Le missile se dirigeait donc de manière autonome sur sa cible, sans plus aucune intervention du pilote, selon le principe fire and forgett (tire et oublie) appliqué aujourdhui sur les missiles actuels
Il convient de souligner que le principe général de ce missile se retrouve sous une forme améliorée, dans les engins modernes franco-allemands HOT et MILAN, ce qui laisse supposer que l'Opération Paperclip n'a pas profité quaux seuls USA. En effet, plusieurs exemplaires du X-4, rapatriés comme prises de guerre, furent testés par l'Armée de l'Air et l'Aéronavale françaises entre 1945 et 1947. Le X-4 fut même produit en petite série par la société Arsenal sous la désignation AA-10, aux fins dessais. On peut donc affirmer que le X-4 est véritablement le précurseur des missiles air-air modernes.
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES DU X-4 KRAMER
Désignation du fabriquant X-4 Kramer
Désignation militaire RK 344 (pour Rhurstahl - Kramer)
Type missile air-air.
Catégorie engin filoguidé.
Fabriquant Ruhrstahl (siège à Bielefel-Brackwede)
Conception Dr. Max Kramer
Longueur 1,907 m avec tête acoustique
2,10 m avec fusée de détection de proximité magnétique
Diamètre de la cellule 0,22 m.
Hauteur 0,575 m.
Envergure 0,78 m.
Poids total 60 kg.
Charge tactique 20 kg dexplosif à haut pouvoir brisant.
Déclenchement de la charge détonateur de proximité magnétique ou tête acoustique.
Propulsion moteur fusée BMW 109.548-JGZ à carburants liquides.
Combustible carburant spécial TONKA.
Comburant acide nitrique.
Autonomie du moteur-fusée 22 secondes (33 sec. selon certaines sources).
Poussée 120 kgp (1,37 N).
Vitesse de croisière 1160 km/h (972 km/h selon dautres sources).
Système de guidage filoguidé (version autoguidée à létude en 1945).
Longueur des fils de guidage 6 000 m.
Distance dengagement entre 2900 et 5000 m.
Début du développement 1942.
Début de la production automne 1944
Abandon du projet début 1945
Exemplaires fabriqués 950 unités environ (1300 selon dautres sources).
Perfectionnement projeté autoguidage par tête chercheuse à infrarouge.
(en cours de développement en 1945).
Nombre de missiles embarqués :
Fw -190D 2 x 1
Me-262 A/1a 2 x 2
Me P-1101, Fw Ta-183, Ho IX 2 x 2 (prévus)
Fliegerfaust / Luftfaust
Le « Fliegerfaust » (coup-de-poing antiaérien), également appelé « Luftfaust », est une invention allemande qui date de la fin de la seconde guerre mondiale. Cest le tout premier lance-roquettes antiaérien qui ait été spécifiquement conçu pour doter les fantassins dune défense propre contre la menace venant du ciel. A ce titre, le Fliegerfaust peut donc être considéré comme l'ancêtre du lance-missiles américain actuel FIM-92 STINGER.
Historique
Cette arme a été développée en 1944 à la demande expresse de Hitler par la société allemande HASAG (Hugo Schneider AG) de Leipzig. Son intention était de réaliser une arme similaire au Panzerfaust (lance-roquettes anti-char) mais avec un usage anti-aérien. Le but était de doter linfanterie dune arme antiaérienne efficace, légère et peu encombrante, pour pouvoir se défendre contre les avions dattaque au sol et les chasseurs bombardiers qui harcelaient alors la Wehrmacht sur tous les fronts. Une commande pour 10 000 lanceurs et 4 millions de munitions fut passée. Dans les faits, seuls 80 lanceurs furent effectivement livrés dans les derniers jours de janvier 1945 à une unité de la Wehrmacht de Sarrebruck pour des essais pratiques sur le terrain.
Description et emploi
Cette arme, extrêmement simple et robuste, était constituée de deux parties principales : le lanceur, comportant 9 tubes groupés concentriquement, et le magasin de neuf roquettes. Chaque roquette avait un diamètre de 20 mm, pesait 90 g et possédait une tête explosive de 19 grammes. Le chargement se faisait par l'arrière, en introduisant le magasin de neuf roquettes. Pour armer, le tireur comprimait un ressort sur le tube de poussée au moyen d'un taquet métallique avec sa main droite tout en maintenant la poignée de mise à feu de sa main gauche. Lorsquil pressait sur la détente, le ressort libérait le tube de poussée qui venait violemment percuter un générateur. Sous le choc, ce dernier produisait une impulsion électrique qui était transmise à l'arrière des roquettes par un câble électrique. Le combustible des projectiles s'enflammait. Deux salves espacées de 0,2 seconde étaient lancées, une première de cinq roquettes, puis une autre de quatre roquettes. Ce décalage avait pour but de réduire les vibrations de l'arme et d'augmenter la zone de dispersion des projectiles (60 m pour une portée de 500 m) pour garantir une meilleure chance de toucher. Les projectiles quittaient le tube à une vitesse de 350 mètres / seconde. La portée était de lordre de 300 à 500 mètres.
• Longueur du lanceur : 140 cm
• Poids avec magasin chargé : 6 5 kg
• Diamètre des roquettes : 20 mm
• Longueur de la chambre : 250 mm
• Mise à feu : électrique
• Vitesse initial du projectile : 350 m/s
• Portée : 300 à 500 m
Missile antichar X-7 « ROTKÄPPUCHEN »
Le X-7 « Rotkäppuchen » (chaperon rouge), développé à la fin de la guerre par les Nazis comme arme antichars, était un missile filoguidé tiré à partir d'un rail de 1,5 mètres monté sur un trépied. Il était muni dune charge explosive de 2,5Kg et atteignait une vitesse de 300 Km/h avec une portée maximale de 1200 mètres. Lengin avait une longueur de 95 centimètre et une envergure de 60 cm.
Il fut testé en France après la guerre et serait à l'origine du missile anti-char SS10-SS11.
Des documents français font état d'un mystérieux X-8 non répertorié dans les documents alliés ou allemands capturés. Nous navons pu trouver aucune information à ce sujet, si bien que le mystère demeure entier.
Scaramouche