Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 15 septembre 2025

Inde-Chine : un déséquilibre économique qui exacerbe les tensions

 

Bien que l’Inde, cinquième économie mondiale, aspire à un destin économique comparable à son voisin chinois, les écarts de richesse et de développement demeurent considérables.

À son arrivée au pouvoir, Narendra Modi a tenté de renforcer les liens économiques avec Pékin, mais les tensions à la frontière, ainsi qu’un déséquilibre commercial majeur, ont rapidement compromis cette stratégie. L’Inde cherche désormais à réduire sa dépendance à la Chine tout en tentant de rattraper son retard.

Chine-Inde : une asymétrie économique profonde

En 2006, Narendra Modi, alors ministre en chef du Gujarat, se rend en Chine avec une délégation de 35 industriels. Impressionné par le développement économique chinois, il déclare : « Je veux que le Gujarat rivalise avec la Chine ! » Cette visite est l’occasion pour lui d’étudier les zones économiques spéciales (ZES) chinoises et de convaincre les investisseurs chinois de développer des zones similaires au Gujarat. En parallèle, il développe le modèle économique gujarati, axé sur la multiplication de grands projets industriels et d’infrastructure, soutenus par de généreux avantages fiscaux et fonciers offerts par le gouvernement local. Ce modèle, il s’efforcera de le déployer à l’échelle nationale après son élection comme Premier ministre en 2014 (1), notamment avec le lancement du programme « Make in India » destiné à transformer l’Inde en un centre manufacturier mondial, attirant investisseurs, capitaux et technologies.

Dix ans après son arrivée au pouvoir, l’Inde est désormais la cinquième économie mondiale, devançant ainsi son ancien colonisateur britannique, un symbole fort de sa montée en puissance. Pourtant, l’écart de richesse avec la Chine reste considérable. En 2023, le PIB chinois, d’environ 17 758 milliards de dollars, reste près de cinq fois supérieur à celui de l’Inde. Si la croissance rapide de l’économie indienne et le ralentissement de l’économie chinoise devraient réduire cet écart au cours des prochaines décennies, les progrès économiques de l’Inde demeurent insuffisants pour rivaliser avec le « miracle économique chinois », correspondant à une période de transformation rapide impulsée par les réformes de Deng Xiaoping à partir de 1978. Ainsi, depuis les années 1980, la Chine a enregistré une croissance annuelle moyenne de 9 %, tandis que celle de l’Inde s’est établie à 6 %. L’Inde continue de faire face à des défis structurels majeurs, tels que des infrastructures insuffisantes et un manque de main-d’œuvre qualifiée, des obstacles que la Chine a su surmonter pour atteindre le développement industriel spectaculaire qui la caractérise aujourd’hui.

Dès la fin des années 1970, la Chine choisit l’ouverture au monde, orientant son industrie vers l’exportation et attirant massivement les investissements étrangers (2). Ce choix a lieu à une époque de mondialisation accélérée et d’ouverture des marchés, une période désormais révolue. À l’inverse, l’Inde a longtemps privilégié une approche protectionniste, renforcée sous le gouvernement Modi. Bien que les réformes de libéralisation de 1991 aient permis une certaine ouverture de son marché, le pays maintient des droits de douane parmi les plus élevés des économies émergentes, afin de protéger ses entreprises. Cela explique en partie son faible degré d’intégration dans les chaines de valeur mondiales. En comparaison, la Chine représente 14 % des exportations mondiales de marchandises, tandis que l’Inde peine à franchir la barre des 2 %.

L’Inde souffre d’un système de formation professionnelle insuffisamment développé, notamment en raison de la dévalorisation historique des métiers manuels, liée aux traditions du système des castes. L’éducation reste sous-financée, ce qui affecte la qualité de l’enseignement dès les premières années scolaires. Tandis que la Chine, dès les années 1960, a concentré ses efforts sur la lutte contre l’analphabétisme, l’Inde, quant à elle, a privilégié l’enseignement des sciences et de la technologie dans le supérieur. Ce choix se reflète aujourd’hui dans son taux d’alphabétisation qui n’a atteint que 74 % en 2018, alors qu’il est proche de 100 % en Chine depuis déjà une trentaine d’années. Mais ce modèle a aussi permis la formation d’un million et demi d’ingénieurs chaque année, un vivier de talents qui soutient l’expansion rapide du secteur des services. Avec un taux de croissance annuel de 10 %, les exportations de services (3) devraient dépasser celles de marchandises d’ici 2030, pour atteindre 613 milliards de dollars (4).

En Inde, la progression des revenus demeure insuffisante pour générer une amélioration significative du niveau de vie de la population, à l’exception des plus riches, qui captent l’essentiel des fruits de la croissance. En comparaison, entre 2000 et 2020, le PIB par habitant de la Chine a été multiplié par 11, tandis que celui de l’Inde a quadruplé. Ces écarts se reflètent également dans des indicateurs sociaux clés, comme l’espérance de vie : selon l’OMS, en 2021, elle s’élevait à 67,3 ans en Inde et à 77,6 ans en Chine, soit un écart de plus de 10 ans.

La dépendance économique à la Chine, miroir de cette asymétrie

Au début de son premier mandat, à partir de 2014, le Premier ministre Modi, séduit par le succès économique chinois, a cherché à renforcer les liens économiques avec son voisin. Lors de sa visite officielle en mai 2015 en Chine, qui comprenait une séquence économique à Shanghai, 24 accords ont été signés. Un an plus tôt, le président chinois Xi Jinping avait promis d’investir 20 milliards de dollars en Inde, dans l’industrie, l’énergie et les infrastructures. À la même époque, les investissements chinois dans la tech indienne prennent de l’ampleur. Entre 2015 et 2020, près de cinq milliards de dollars sont ainsi injectés dans les start-up indiennes, contribuant à l’émergence de 18 licornes (5). Mais ces perspectives de coopération se dissipent rapidement avec la reprise des tensions militaires à la frontière, comme l’incident de Doklam en 2017, puis les affrontements meurtriers de juin 2020 dans la vallée de Galwan, premier accrochage létal entre les deux puissances depuis 1975.

Cet incident, et la pandémie de Covid-19 qui sévit simultanément, ravivent le débat stratégique sur les dépendances économiques de l’Inde, une préoccupation qui inquiète déjà les autorités depuis plusieurs années. En effet, le déficit commercial croissant entre l’Inde et la Chine, qui a atteint 85 milliards de dollars en 2023, met en évidence un déséquilibre industriel majeur. Les Chinois exportent principalement des biens industriels et importent essentiellement d’Inde des produits de base à faible valeur ajoutée. Vu d’Inde, cette dépendance, notamment dans des secteurs clés comme l’électronique et la pharmaceutique, fragilise sa souveraineté économique.


L’Inde accuse la Chine d’aggraver la situation en renforçant la compétitivité de ses exportations par des subventions publiques, entravant le développement de sa propre industrie. Pour contrer cette situation, le pays a multiplié les droits de douane antidumping et s’est retirée du Partenariat économique régional global (RCEP) (6), par crainte d’être submergé de produits chinois. Par ailleurs, l’Inde reproche à la Chine de bloquer l’accès à ses produits les plus compétitifs, comme les denrées agricoles ou les médicaments, sur le marché chinois.

La présence d’entreprises chinoises dans certains secteurs stratégiques suscite des inquiétudes en Inde. Huawei et ZTE [Zhongxing Telecommunication Equipment] fournissent des équipements de télécommunications souvent critiqués pour les risques qu’ils font peser sur la sécurité nationale. Par ailleurs, les marques chinoises de smartphones détiennent près des deux tiers du marché indien, suscitant des préoccupations sécuritaires liées à un possible accès aux données personnelles. De même, les investissements des géants numériques chinois dans les start-up indiennes soulèvent des interrogations similaires, tout en alimentant des craintes concernant l’utilisation des plateformes pour la diffusion de contenus nuisibles.

Face à ces enjeux, l’Inde a pris des mesures drastiques. Entre 2020 et 2023, près de 550 applications chinoises, dont TikTok et WeChat, ont été bannies du marché indien. Le gouvernement a également durci les règles d’investissements en provenance des « pays voisins » dès avril 2020, obligeant désormais les entreprises chinoises à obtenir une approbation préalable pour leurs projets d’investissement. En parallèle, des restrictions ont été imposées aux fournisseurs chinois dans le secteur des télécommunications, excluant Huawei et ZTE du futur déploiement de la 5G. Le pays a également limité l’octroi de visas d’affaires aux ressortissants chinois. Ces mesures ont provoqué un ralentissement économique dans plusieurs secteurs.

Au-delà de ces mesures de défense économique, l’Inde a également lancé des initiatives pour stimuler la production locale, à l’instar du programme « Atmanirbhar Bharat » (« Inde autosuffisante »). Ce dernier repose notamment sur l’octroi de subventions pour stimuler les investissements dans une douzaine de secteurs industriels clés, où la dépendance à la Chine est la plus marquée. Bien que l’Inde continue de dépendre de la Chine pour certains composants essentiels, la part des importations chinoises dans le total des importations indiennes a légèrement diminué ces dernières années, passant de 16,5 % en 2020 à 15 % en 2023.

Le découplage : une opportunité pour l’Inde ?

La volonté des multinationales américaines et européennes de diversifier leurs chaines de production pour réduire leur dépendance à la Chine offre à l’Inde une opportunité unique de se positionner comme une alternative crédible à son voisin, en tant que hub manufacturier. Cette stratégie, dite « China+1 », née dans le sillage de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, s’est intensifiée avec la pandémie et le ralentissement économique chinois. Jusqu’à présent, l’Inde n’en a toutefois bénéficié qu’à la marge et sa part dans le commerce mondial a stagné sur les cinq dernières années. En effet, de nombreuses entreprises se tournent plutôt vers le Vietnam ou le Mexique (7), des pays mieux intégrés aux chaines de valeur mondiales et plus ouverts aux investissements étrangers. L’Inde, quant à elle, reste à l’écart des chaines de valeur mondiales, même si elle a tout de même réussi à attirer quelques multinationales, essentiellement américaines, comme Apple, qui fabrique désormais 14 % de sa production mondiale d’iPhones en Inde, avec l’ambition d’atteindre 25 % d’ici 2027.

Mais la partie n’est pas encore jouée, et l’Inde possède plusieurs atouts. Malgré ses dépendances à la Chine, elle reste moins vulnérable que la plupart des pays émergents, comme le Vietnam et le Mexique, dont respectivement 30 % et 18 % des importations proviennent de Chine, contre seulement 15 % pour l’Inde. D’autant qu’une partie des nouveaux investissements recensés dans ces pays émergents proviendrait d’entreprises chinoises cherchant à contourner les droits de douane imposés par le gouvernement américain. Dans ce contexte, si l’Inde intensifie ses efforts de découplage économique avec la Chine, elle pourrait renforcer son attractivité en tant que hub manufacturier pour ses partenaires occidentaux. Un découplage total de la Chine semble toutefois illusoire compte tenu du degré de dépendance actuel.

L’Inde bénéficie d’une dynamique démographique favorable, avec une population qui devrait continuer de croitre jusqu’en 2060, pour atteindre environ 1,7 milliard d’habitants, tandis que celle de la Chine est déjà en déclin. Ce phénomène place l’Inde sur la trajectoire pour devenir le plus grand réservoir de main-d’œuvre des prochaines décennies, et ce, à un cout compétitif. Cependant, pour tirer pleinement parti de ce dividende démographique, l’Inde devra garantir un niveau d’éducation et de formation adéquat à sa population, tout en créant un nombre suffisant d’emplois de qualité pour intégrer efficacement cette main-d’œuvre. Cette stratégie, qui a été cruciale dans le succès économique des « Tigres asiatiques » (8) à partir des années 1960, s’avère également essentielle pour l’Inde. En outre, si le pays parvient à améliorer le niveau de vie de sa population, il pourrait également se transformer en un marché colossal, devenant incontournable pour les multinationales.

L’Inde poursuit par ailleurs une diplomatie économique active, avec des résultats notables. Ces dernières années, elle a conclu des accords majeurs, comme celui avec l’Association européenne de libre-échange (AELE) (9) en 2023. Le pays a également renforcé ses liens avec les Émirats arabes unis, devenus un partenaire clé et un investisseur stratégique, ainsi qu’avec l’Australie, désormais un fournisseur crucial de minerais après un accord commercial conclu en 2022. L’Inde intensifie sa coopération technologique, visant des transferts de technologies pour les secteurs industriels et de défense. Cela inclut l’Initiative pour les technologies critiques et émergentes (iCET), lancée avec les États-Unis en janvier 2023, avec déjà quelques résultats concrets comme l’investissement de l’américain Micron Technology dans une usine de semi-conducteurs dans le Gujarat.

Mais pour convaincre ses partenaires, l’Inde devra d’abord surmonter de nombreux défis structurels, notamment le manque de compétences adaptées, l’insuffisance d’infrastructures, un environnement réglementaire complexe et imprévisible, ainsi qu’un fort protectionnisme commercial et une corruption persistante. Aussi, l’Inde déploie de nombreuses politiques sectorielles, souvent orientées vers des secteurs technologiques, peu adaptées à la réalité du tissu industriel indien, alors qu’elle gagnerait à se concentrer sur ses secteurs clés les plus performants comme l’automobile, la pharmaceutique et l’exportation de services à forte valeur ajoutée.

Malgré des politiques volontaristes, l’Inde peine encore à séduire les investisseurs, un échec qui ravive les débats internes sur sa politique restrictive vis-à-vis des investissements chinois. Bien que des dissensions existent au sein du gouvernement, une ouverture progressive semble se dessiner. La relation sino-indienne reste marquée à la fois par une forte dépendance économique et par un antagonisme politique profond. Face à cette situation, le gouvernement de Modi tente de maintenir des relations économiques constructives avec la Chine, tout en gérant une opinion publique hostile et une pression militaire forte à sa frontière. Dans ce contexte, et face au retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui a annoncé l’imposition de droits de douane supplémentaires « réciproques » à l’encontre de l’Inde à partir du 2 avril, le pays se tourne vers d’autres partenaires, notamment l’Union européenne (UE), avec la visite des commissaires européens à Delhi, fin février 2025. L’Inde et l’UE se sont notamment engagées à conclure un accord de libre-échange d’ici la fin de l’année. La réussite de cette initiative, qui pourrait donner naissance à un bloc commercial rassemblant un quart de la population mondiale, constituera un véritable test pour ses ambitions diplomatiques.

Notes

(1) Christophe Jaffrelot, « Un État plus profond : le style Modi dans le laboratoire du Gujarat », Le Grand Continent, 24 mai 2024 (https://​legrandcontinent​.eu/​f​r​/​2​0​2​4​/​0​5​/​2​4​/​u​n​-​e​t​a​t​-​p​l​u​s​-​p​r​o​f​o​n​d​-​l​e​-​s​t​y​l​e​-​m​o​d​i​-​d​a​n​s​-​l​e​-​l​a​b​o​r​a​t​o​i​r​e​-​d​u​-​g​u​j​a​r​at/).

(2) Arthur R. Kroeber, China’s Economy. What Everyone Needs to Know, Oxford University Press, 2016.

(3) L’Inde exporte essentiellement des logiciels et des services informatiques, et se distingue par l’externalisation de services variés tels que le support administratif, informatique et financier pour des multinationales.

(4) Global Trade Research Initiative (GTRI), « India’s Services Export Revolution: Set to outplace Merchandise by 2030 », 20 novembre 2024 (https://​gtri​.co​.in/​g​t​r​i​F​l​a​g​s​h​i​p​R​e​p​o​r​t​s​d​.​a​s​p​?​I​D​=88).

(5) Une licorne est une start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars.

(6) Le RCEP est un accord de libre-échange entrée en vigueur en 2022 et regroupant 15 pays de l’Asie-Pacifique.

(7) Agatha Kratz, Reva Goujon, « Carpe Futurum: India’s potential as an “Alt-China” destination », Rhodium Group, 11 juillet 2024.

(8) Le terme « tigres asiatiques » fait référence à la Corée du Sud, à Taïwan, à Hong Kong et à Singapour, quatre pays qui ont enregistré une croissance économique rapide entre les années 1960 et 1990.

(9) L’AELE comprend la Suisse, le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande.

Sylvia Malinbaum

areion24.news

dimanche 14 septembre 2025

Les 5 vérités sur la France qui dérangent

 

Premier saut dans le vide ou, au contraire, preuve que la France demeure solvable? La dégradation de la note de la dette française par l’agence de notation Fitch, vendredi 12 septembre, peut être interprétée de deux manières. Pour les uns, la dégradation de AA- à A + démontre l’inquiétude des marchés financiers face à un pays en panne économique et budgétaire. Pour les autres, cette nouvelle note, encore meilleure que celle de l’Italie (BBB), est à l’image du ralentissement de la croissance en Europe, en pleines convulsions commerciales mondiales. Sauf que la France est un cas particulier. Comme le prouvent ces 5 vérités sur sa dette publique de 3415 milliards d’euros.

Vérité N° 1: Une spirale de la dette

C’est la courbe de la dette française qui est inquiétante. La preuve: son montant a plus que doublé depuis 2010, alors que la crise financière mondiale déferlait. La France accusait alors une dette de 1535 milliards d’euros. Celle-ci atteint désormais 3415 milliards d’euros - chiffre donné par l'ancien Premier ministre François Bayrou le jour du vote de défiance qui l'a forcé à démissionner - ce qui représente une charge d’intérêts d’environ 50 milliards par an, de loin le premier poste budgétaire de la nation. D’où vient cette augmentation? D’une poussée des dépenses publiques depuis 2017, date de l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. En 9 ans, le pays a accumulé mille milliards d’euros de dette supplémentaire. Le dérapage devient incontrôlé.

Vérité N° 2: Tous les politiques coupables

L’agence de notation Fitch a dégradé la dette française. Elle aurait pu, surtout, dégradé la note des responsables politiques français. Tous ceux qui ont exercé des responsabilités gouvernementales ces dernières décennies (ce qui exclut le Rassemblement national, premier parti de France) sont coupables d’avoir alourdi le fardeau financier qui pèse sur les épaules du pays. Paradoxalement, ce sont les gouvernements orientés à droite qui ont eu la main la plus lourde: 25% de dette supplémentaire sous Nicolas Sarkozy (2007-2012), 20% sous Macron (depuis 2017), contre 0% seulement sous le socialiste François Hollande (2012-2017). Depuis 51 ans, aucun gouvernement français n’a présenté un budget à l’équilibre.

Vérité N° 3: Dette contre épargne, le duel

La France est un pays de plus en plus endetté. Les Français, soumis à la pression fiscale la plus forte du continent européen (environ 45% du Produit intérieur brut), remplissent de plus en plus leur bas de laine. En 2024, le taux d’épargne en France a atteint un record de 19% du revenu moyen. Lorsqu’il gagne 100 euros, le citoyen français met deux euros de côté, afin de préserver l’avenir. L’épargne privée française est estimée à 6000 milliards d’euros, soit deux fois le montant de la dette. Question: est-ce tenable? La tentation va être de plus en plus grande de puiser dans ce coffre-fort national.

Vérité N° 4: Créanciers étrangers, l’embuscade

La dette française est détenue à 55% par des créanciers internationaux. Sur le papier, ce n’est pas si inquiétant. Et pourtant: le signal d’alarme mérite d’être tiré, car ce pourcentage ne cesse d’augmenter. Il est d’ailleurs le plus élevé des pays de l’OCDE, le club des pays les plus riches. Or plus la France est exposée aux marchés financiers, plus les notes des agences Fitch (A + depuis hier), Moody’s (Aa3, révisée le 24 octobre) et Standard and Poors (AA –, révisée le 28 novembre) pèsent lourd dans la comptabilité nationale.

Vérité N° 5: Panne budgétaire, le fléau

La France sait faire rentrer les impôts. Son administration fiscale est considérée comme tellement performante par les autorités européennes qu’elle s’était vue confier, au lendemain de la crise financière grecque, le redressement du fisc hellénique! Mission accomplie au pays de Socrate, alors que la panne budgétaire paralyse aujourd’hui le pays de Voltaire.

La France a eu le plus grand mal à faire voter un budget, via une loi spéciale, pour 2025. Le projet de budget 2026 doit être déposé au Parlement avant le 15 octobre. Or le Premier ministre vient d’être remplacé. Et le montant de 44 milliards d’euros d’économies annoncé par son prédécesseur François Bayrou a mis le feu aux poudres politiques, entraînant un vote de défiance lundi 8 septembre, puis sa démission. Or sans budget, pas de remboursement. Donc inquiétude maximale des marchés financiers.

Richard Werly

blick.ch

Le tandem Chine/Russie plus fort que jamais face à un Occident en déclin

 

Les derniers événements en Chine montrent, l’un après l’autre, l’émergence d’un tandem Chine/Russie plus fort que jamais face à un Occident divisé et affaibli par le naufrage de l’Amérique méthodiquement orchestré par son président Donald Trump, au point qu’il n’est plus guère permis de douter de l’existence d’une alliance stratégique solide entre Pékin et Moscou.

L’ « alliance » sino-russe représente une puissance de projection militaire colossale en mesure de bouleverser l’équilibre des forces planétaires, estiment nombre de spécialistes en géopolitique.

« Il n’est plus suffisant de dire que les forces armées chinoises, l’Armée populaire de libération, rattrape ou copie les équipements militaires étrangers. Aujourd’hui, la Chine innove et mène la danse, » affirmait le 3 septembre Sam Roggeveen, directeur du International Security Program de l’Institut Lowy, un think tank indépendant fondé en avril 2003 spécialisé dans les questions politiques, stratégiques et économiques internationales basé à Sydney.

« Dans le cadre de cette évolution, l’équilibre militaire régional qui penchait en faveur des Etats-Unis et de leurs partenaires depuis des décennies est en train d’être irrémédiablement changé, » ajoute cet expert cité par le trimestriel américain Foreign Policy.

La dernière démonstration savamment orchestrée de cette puissance devrait convaincre : les présidents chinois et russe Xi Jinping et Vladimir Poutine étaient, côte à côte, rayonnants et détendus sur la tribune officielle face à la place Tiananmen pendant les quelque 90 minutes qu’a duré l’incroyable parade militaire pour célébrer le 80è anniversaire de « la victoire contre le fascisme » à la fin de la Seconde guerre mondiale en 1945.

Il y avait également – pour la première fois à leur côté – le dictateur nord-coréen Kim Jong-un ainsi que, plus en retrait mais bien là, le président indonésien Prabowo Subianto qui avait fait le déplacement en dépit des émeutes qui, presque au même moment, secouaient Jakarta, la capitale de son pays, de même qu’une brochette de dirigeants plus ou plus proches de Pékin dont le président iranien Massoud Pezeskhian.

La Chine fait étalage de sa puissance militaire, la Russie prend le même chemin

Cette journée a été l’occasion pour la Chine communiste de faire étalage de sa puissance militaire, un ballet minutieusement préparé dans le but prioritaire de renforcer encore le nationalisme déjà incandescent dans le pays mais aussi de convaincre ceux qui en doutent encore que désormais Pékin n’a plus peur de rien, son dirigeant suprême affichant de plus en plus ostensiblement sa volonté de prendre les rênes du monde de demain.

Pour Suyash Desai, politologue d’origine indienne spécialisé dans les questions de défense chinoises, cité le 3 septembre par le quotidien britannique Financial Times, la nature des nouvelles armes montrées lors de ce défilé montrent que « clairement, l’APL a observé et tiré des enseignements des trois conflits et guerres récents, » à savoir la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien à Gaza et le bref affrontement armé entre l’Inde et le Pakistan cette année.

Parallèlement, Vladimir Poutine suit plus ou moins le même chemin d’une attitude décomplexée et conquérante. L’intrusion surprise et inédite depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 février 2022 d’une vingtaine de drones russes dans l’espace aérien polonais aux premières heures de la journée de mercredi 10 septembre n’a trompé personne : ce n’était à l’évidence pas un accident ou une erreur, mais un acte réfléchi et délibéré de la Russie visant à tester la réaction de l’OTAN.

Or si l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord que le président français Emmanuel Macron déclarait en novembre 2019 en « mort cérébrale » a repris des couleurs depuis l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022, l’alliance est par nature fragile car elle réunit trente-deux pays membres aux intérêts parfois divergents et, par-dessus tout, dépend des Etats-Unis qui en sont la pièce maîtresse.

Confrontés à cette attaque surprise, des avions de combat néerlandais F-35 furtifs de fabrication américaine et d’autres chasseurs polonais ont aussitôt été mobilisés pour détruire ces drones, tandis que des missiles sol-air Patriot allemands étaient mis en état d’alerte.

Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a aussitôt déclaré que l’alliance était « déterminée à défendre chaque centimètre carré du territoire allié, » dans ce qui constitue l’épisode militaire le plus grave entre la Russie et l’OTAN depuis février 2022. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré que des drones Shahed (de conception iranienne fabriqués grâce à une technologie chinoise) étaient impliqués dans cette « violation sans précédent de l’espace aérien de la Pologne et de l’Europe. »

« Une fois de plus, la Russie teste les États frontaliers, l’UE et l’OTAN, » a renchéri le commissaire européen à la défense, Andrius Kubilius. « Moscou teste toujours les limites du possible et, s’il ne rencontre pas de réaction forte, passe à un nouveau niveau d’escalade, » a commenté le président urkainien Volodymyr Zelensky.

Vladimir Poutine met l’OTAN à l’épreuve, quelle sera sa réponse ?

Voilà pour les déclarations. Quels seront les actes ? En vérité, quelle réaction véritablement crédible peut entreprendre l’OTAN pour espérer dissuader la Russie de poursuivre ces opérations qui sont autant d’actes d’intimidation sans risquer d’initier une escalade risquée si elle devenait non contrôlée ? Pour certains observateurs, Vladimir Poutine s’en servirait alors comme d’un prétexte pour des contre-mesures nettement plus graves.

Là intervient le facteur Donald Trump. Pour que cette dissuasion occidentale soit crédible, « il faudrait que le président Donald Trump fasse preuve de courage, » ironise l’hebdomadaire britannique The Economist dans sa livraison du 10 septembre. Or, jusqu’à présent il a précisément fait preuve du contraire.

« Bien qu’il ait promis de mettre fin à la guerre en Ukraine en une journée, il s’est laissé mener par le bout du nez par Vladimir Poutine. Il a insisté pour obtenir un cessez-le-feu, puis a abandonné cette idée ; il a menacé la Russie de sanctions sévères, mais ne les a pas imposées ; il a appelé M. Poutine à s’asseoir à la table des négociations avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, mais s’est ensuite tu sur cette idée également. M. Trump affirme détester les effusions de sang, mais il est resté passif alors que M. Poutine intensifiait ses frappes de drones sur l’Ukraine. La réponse de M. Poutine à l’initiative de paix de M. Trump est de 800 drones par nuit, » explique l’hebdomadaire.

Visiblement, les déclarations et les actions de Donald Trump ajoutent à la confusion générale et constituent autant de cadeaux faits à Pékin. « Tout le monde n’était pas d’accord sur tout lors de la grande fête organisée par M. Xi [lors du sommet les 31 août et 1er septembre à Tianjin de l’Organisation de coopération de Shanghai organisation créée par la Chine en 2001 pour faire pendant aux organisations occidentales]. L’OCS est loin d’être une alliance de type OTAN. Mis à part le facteur unificateur que constitue le désenchantement vis-à-vis de l’Amérique de M. Trump, ces pays ont souvent peu de points communs, » soulignait le 2 septembre le même média britannique.

« Les dirigeants européens étaient notamment absents des célébrations. Pourtant, réunir des parties disparates ayant des intérêts différents n’est pas un signe de faiblesse. C’est ce que seules les superpuissances sont capables de faire. Le fait que la Chine ait accueilli autant de dirigeants à Tianjin et Pékin témoigne de sa puissance croissante. La Chine ne dirige pas encore un nouvel ordre mondial. Mais cela montre à quel point M. Trump nuit aux intérêts américains, » ajoutait cet hebdomadaire.

Pour Wolfgang Ischinger, président du Conseil de la Fondation de la Conférence de Munich sur la sécurité, le fait que Xi Jinping ait réussi à rassembler tant de hauts responsables mondiaux est en soi « préoccupant. » « Ces photos m’inquiètent, » a-t-il déclaré le 5 septembre à la chaîne de télévision américaine CNBC, évoquant la réunion tripartite entre Xi Jinping, Vladimir Poutine et le Premier ministre indien Narendra Modi.

Le monde va-t-il dans la mauvaise direction ?

« Nous savons qu’il n’y a pas d’harmonie totale entre l’Inde et la Chine […] mais le monde va dans la mauvaise direction ici, » a encore estimé ce responsable politique qui occupe plusieurs postes liés à la politique étrangère, y compris au Conseil européen des relations étrangères et au Conseil atlantique à Washington.

« Je pense que nous devons accepter le fait qu’il existe au moins la possibilité qu’une sorte d’alliance anti-occidentale se forme pour créer un ordre mondial différent, qui ne nous plaira pas, davantage fondé sur le pouvoir, la force militaire et les régimes répressifs, » a ajouté cet ancien ambassadeur d’Allemagne aux Etats-Unis.

Pour Seong-Hyon Lee, chercheur senior à la Fondation George H. W. Bush pour les relations entre les Etats-Unis et la Chine et chercheur associé au Centre asiatique de l’université Harvard, ceux qui rejettent la portée de ces liens de plus en plus forts en invoquant l’absence d’alliance formelle entre Pékin, la Corée du Nord et la Russie « passent à côté de l’essence même d’un partenariat profondément fonctionnel. »

« Le sommet et le défilé [de la semaine dernière à Pékin] ont été la manifestation publique d’un profond changement dans la posture stratégique de la Chine : un profond « découplage psychologique » avec l’Occident, » a-t-il déclaré. « Pékin a conclu que la réconciliation stratégique avec Washington n’était plus un objectif viable et poursuit désormais activement un nouvel ordre mondial, » a encore jugé ce même chercheur.

« L’erreur la plus dangereuse que Washington et ses alliés pourraient commettre serait de mal interpréter la nature de ce défi, » a-t-il insisté. « Se focaliser sur l’absence d’alliance formelle revient à se soustraire au risque d’une nouvelle guerre. La menace est […] un réseau fluide et adaptable qui opère dans les failles laissées par le droit international, tirant parti de l’ambiguïté et du déni plausible, » a-t-il encore estimé.

Pour Evgeny Roshchin, chercheur invité de la Johns Hopkins School of Advanced International Studies, il est néanmoins peu probable que cette alliance qui se dessine autour du sommet de l’OCS puisse aller beaucoup plus loin que dans sa forme actuelle.

« Le sommet de l’OCS n’est pas, et ne deviendra probablement jamais, une alliance militaire traditionnelle, » a-t-il indiqué, cité par la CNBC, tout en observant que « le sommet a révélé au moins l’existence d’un bloc cohérent rassemblant des États aux ambitions distinctes, capables de s’aligner tactiquement dans certains domaines, mais dépourvus de l’engagement unifié que l’on pourrait attendre dans le cadre d’un accord de type article 5 de l’OTAN. »

Mais les choses sont-elles aussi simples ? « Dans le calcul brutal des relations internationales, les bonnes intentions font une mauvaise stratégie. La guerre en Ukraine nous met brutalement face à cette vérité dérangeante. Sur le plan moral, les choses sont claires. La Russie a violé tous les principes de souveraineté qui sous-tendent notre ordre international […] Pourtant, la clarté morale, aussi satisfaisante soit-elle, ne peut se substituer à la sagesse stratégique. La dure réalité qui se dégage de ce conflit est celle que les dirigeants occidentaux refusent de reconnaître : nous ne pouvons pas gagner une lutte prolongée contre un axe unifié Russie-Inde-Chine, » estime Georg Schoelhammer, politologue autrichien, dans les colonnes du quotidien en ligne européen Brussels Signal le 9 septembre.

Jusqu’où iront la Chine et la Russie ?

Voilà donc posée la question de fond : la Chine et la Russie tirent ensemble parti de la faiblesse – sinon de la complicité avec la Russie – de Donald Trump pour avancer leurs pions sur l’échiquier mondial avec pour objectif de saboter l’unité du monde démocratique et le remplacer par un nouvel ordre mondial dont Pékin entend prendre la tête. Jusqu’où iront-ils ?

Il paraît, sur le fond, vraisemblable que dorénavant, Pékin et Moscou coordonnent étroitement leurs opérations militaires comme l’ont d’ailleurs montré de nombreuses opérations conjointes de plus en plus fréquentes de patrouilles navales et aériennes dans des zones sensibles à proximité du Japon, de la Corée du Sud et de Taïwan.

Rappelons que le 4 février 2022, moins de trois semaines avant le déclenchement des hostilités russes contre l’Ukraine, Xi Jinping et Vladimir Poutine avaient déclaré au sortir de plusieurs heures d’entretiens à Pékin que la coopération sino-russe serait désormais « sans limites, » suggérant ainsi que celle-ci pouvait englober le domaine militaire.

« Ils ne veulent rien de moins qu’un nouvel ordre mondial, » estime Richard Fontaine, le 5 septembre dans les colonnes du New York Times. Pour cet ancien conseiller en politique étrangère du sénateur John McCain, « cette Chine, alignée sur ces autres États, pourrait bouleverser l’ordre international existant et résister au principal architecte du système actuel, les États-Unis. »

« Disqualifier [la solidité de cette entente nouvelle] revient à méconnaître sa véritable nature : une alliance de quatre pays qui, malgré leurs différences considérables, voient dans les États-Unis un adversaire commun, » juge-t-il. « Le groupe a un objectif beaucoup plus ambitieux. Il recherche, à l’instar des puissances de l’Axe de la Seconde Guerre mondiale (Allemagne, Italie et Japon), « un nouvel ordre des choses » dans lequel chaque pays peut revendiquer « sa place légitime ». Or « C’est l’impact militaire de leurs liens qui sera sans doute le plus important. Ces pays partagent leur technologie et leur savoir-faire militaires de manière à réduire l’avantage militaire des États-Unis, » commente-t-il encore.

Pour le Wall Street Journal, qui le 7 septembre cite des diplomates occidentaux et des observateurs de la Chine, « le fossé entre les aspirations de Pékin et celles de ses partenaires juniors se réduit clairement. La rapidité et l’ampleur avec lesquelles ces contradictions pourront être comblées détermineront la forme du système international qui émerge après que le président Trump a bouleversé le réseau d’alliances de Washington en Asie et en Europe. »

« La Chine se montre de moins en moins discrète quant à son appartenance à ce qu’on appelle l’axe du bouleversement. Poussée par l’intensification de la concurrence sino-américaine, la Chine veut montrer que, contrairement à l’éloignement des alliés par les États-Unis, elle est plus à même de rallier ses amis autour d’elle, » juge ainsi Tong Zhao, chercheur senior au think tank Carnegie China cité par le même journal.

« La Chine voit une opportunité d’affirmer son propre leadership alors que les États-Unis sapent leur crédibilité internationale, » souligne-t-il.

Pour de nombreux observateurs à Pékin, le désordre actuel à Washington et les divisions entre les principales démocraties mondiales offrent à la Chine une chance unique, qui lui permet de se soucier moins des retombées diplomatiques d’un rapprochement avec des Etats parias tels que la Russie et la Corée du Nord, relève encore le journal.

Les objectifs de Donald Trump mis en échec

Comme pour illustrer cette tendance, Wang Dong, professeur à l’École d’études internationales de l’université de Pékin, a récemment déclaré : « La Chine et la Russie partagent une vision très forte de la manière dont le nouvel ordre international devrait fonctionner. Nous pensons que l’hégémonie américaine touche à sa fin – c’est une réalité objective, que vous le reconnaissiez ou non. » « Les deux parties – la Russie et la Chine – considèrent leur relation comme stratégique, et pas seulement en raison de l’animosité croissante de Washington, » ajoutait-il, ce que Pékin n’a jusque-là jamais reconnu explicitement.

Pour Alexander Gabuev, directeur du Carnegie Russia Eurasia Center, les rencontres de Pékin et Tianjin ont « mis en lumière l’échec d’une des priorités politiques de Trump : éloigner la Russie de l’orbite chinoise, » des efforts qu’il a qualifié de « pure fantaisie. »

Pour cet expert, cité le 4 septembre par le Washington Post, la plupart des résultats obtenus à Pékin resteront « invisibles » pour l’instant. « Mais à en juger par la présence de certaines personnes dans la salle [où se sont tenues les discussions], notamment des responsables militaires et bancaires, des discussions importantes — sur la coopération militaire, l’échange de technologies et la stratégie à adopter face aux droits de douane imposés par Trump — ont certainement eu lieu, » a-t-il ajouté.

Tout ceci prend place alors que resurgit l’idée d’un prochain sommet entre Xi Jinping et Donald Trump, ce dernier étant aujourd’hui en position de demandeur. Cette rencontre pourrait avoir lieu en octobre, à en juger par une activité diplomatique intense entre Pékin et Washington.

Selon plusieurs médias américains, Marco Rubio et Pete Hegseth, les secrétaires d’État et à la Défense américains, se sont entretenus avec leurs homologues chinois au cours de la semaine écoulée. Plusieurs analystes américains jugent que ce sommet pourrait se tenir en marge du prochain forum de coopération économique Asie-Pacifique prévu en octobre en Corée du Sud.

Trump et Xi se sont entretenus pour la dernière fois en juin, lorsqu’ils se sont mutuellement invités à visiter leurs pays respectifs. Les deux pays négocient actuellement les droits de douane, qui sont temporairement suspendus dans le cadre d’une deuxième trêve de 90 jours jusqu’en novembre. Il paraît probable que Xi Jinping se trouvera en position de force face à son rival dont les échecs sont patents. L’art sera de prendre le dessus sans humilier son adversaire.

Mais quelques soient les gesticulations à venir entre les deux hommes, il demeure que le centre de gravité géopolitique de la planète se déplace lentement mais sûrement en Asie avec pour principal bénéficiaire la Chine et pour perdants potentiels les alliés des Etats-Unis dans la région. Pour certains analystes, si les erreurs de jugement du 47è président américain devaient se poursuivre, le point de non-retour de la puissance sino-russe pourrait avoir lieu en 2027.

Le déséquilibre à la fois politique et géopolitique entre le bloc sino-centré et un Occident toujours plus fragilisé serait alors tel que Pékin pourrait se trouver en situation de conquérir Taïwan, de façon militaire ou non, sans que les Etats-Unis et ses voisins immédiats ne soient en capacité d‘intervenir. L’un des rêves de Xi Jinping serait alors accompli.

Pour autant, l’histoire n’est jamais écrite à l’avance et dans ce monde où les incertitudes se multiplient dans tous les domaines, personne ne pourrait raisonnablement prédire ce que sera la planète dans seulement un an.

Pierre-Antoine Donnet

asialyst.com

Union européenne - Asie : comment changer de stratégie commerciale ?

 

Les accords commerciaux imposés par Donald Trump en Asie créent le risque d’une poussée des exportations asiatiques en Europe, et rendent les exportateurs européens vers l’Asie moins compétitifs vis-à-vis de leurs concurrents américains. La Commission européenne va être contrainte de revoir sa copie.

Donald Trump a fait tout ce qu’il ne fallait pas faire, du moins aux yeux de l’Organisation Mondiale du Commerce, pour négocier des « deals » avec le reste du monde. Il a d’abord créé des barrières tarifaires élevées ou très élevées avec tous les pays, mais de façon différenciée. Il n’a donc respecté ni la « clause de la nation la plus favorisée » – qui veut que les mêmes droits soient appliqués à tous les pays -, ni le « traitement spécial et différencié » qui permet aux pays en développement de faire moins de concessions commerciales que les pays développés pour faciliter leur rattrapage économique, ni le principe du paiement compensatoire qui veut que si vous augmentez un droit de douane sur un produit, vous devez offrir des compensations en le réduisant sur d’autres. Pour les États-Unis, l’OMC n’existe plus, même si juridiquement le pays en reste membre.

Donald Trump a ensuite négocié pour aboutir à des accords asymétriques où les États-Unis augmentent de façon considérable leurs droits de douane tout en obtenant une baisse spectaculaire de ceux pratiqués notamment par les pays en développement. Le déni de toutes les règles s‘est révélé redoutablement efficace, sauf avec la Chine.

L’outil utilisé est simple : c’est la taille du marché de consommation américain, le premier du monde, qui représente 13% des importations mondiales. Personne n’a envie de perdre son accès à ce marché et chacun est prêt à payer cher pour y rester présent et ne pas perdre ses positions concurrentielles. Trump a ainsi obtenu en quelques mois des résultats plus spectaculaires que l’UE en quinze ans de négociations d’accords de libre-échange avec l’Asie, en s’offrant le luxe d’augmenter en moyenne de 20% ses droits de douane vis-à-vis des pays de la région. Il y aura certes un effet inflationniste aux États-Unis, mais semble-t-il pas immédiat car les exportateurs du monde entier absorbent actuellement une partie du choc douanier sur leurs marges.

Pourquoi l’UE ne peut pas imiter les États-Unis

L’Union européenne est aussi un grand marché. Ses importations en provenance d’Asie étaient en 2024 légèrement supérieures à celles des États-Unis (1 488 Md$ contre 1 431 Md$). Elle a également un déficit commercial très élevé avec la plupart des pays d’Asie et son déficit global avec le continent asiatique représente à peu près la moitié du déficit américain. On pourrait donc imaginer en théorie qu’elle applique la même recette : oublier l’OMC, imposer des droits de douane élevés et négocier une ouverture radicale des marchés asiatiques pour nos exportateurs.

Mais l’UE a un ADN totalement opposé à celui de Trump en matière commerciale. Elle croit aux vertus de la liberté des échanges et de la division internationale du travail. La DG Commerce est une machine à négocier des accords de libre-échange. En 1994 à la fin de l’Uruguay Round, qui était le dernier grand accord commercial sous l’égide du GATT, la Commission européenne a « inventé » l’Organisation Mondiale du Commerce et elle a su en vendre les mérites aux États-Unis. Sept ans après était lancé le « Doha Round », qui n’a jamais abouti. L’une des raisons majeures de cet échec était la montée en puissance commerciale de la Chine et des pays émergents qui rendait déjà obsolètes certaines règles de l’organisation. C’était le cas, en particulier, du « traitement spécial et différencié » qui leur permettait d’obtenir plus et d’offrir moins dans les négociations multilatérales alors qu’ils étaient déjà les grands gagnants de la mondialisation des échanges.

L’Union européenne reste un partisan fidèle des règles de l’OMC, ce qui l’enferme dans un corset de règles contraignantes dont les États-Unis se sont totalement affranchis. A défaut d’imiter Washington, il va tout de même falloir que Bruxelles se crée des marges de manœuvre et des outils d’intervention rapide.

L’UE a commencé à le faire sur un mode défensif avec la création en 2023 de l’instrument anti-coercition qui vise à mieux réagir face aux pays qui érigent de nouvelles barrières commerciales à l’encontre des entreprises européennes. Mais l’instrument n’a pas été utilisé avec Donald Trump et l’Union a accepté comme tous les autres – sauf la Chine – de signer un accord commercial asymétrique.

Après la vague d’accords signés par Donald Trump avec l’Asie, elle va avoir fort à faire pour contenir les reports d’exportations vers le marché européen et défendre les intérêts des exportateurs de l’Union.

Les « détournements de trafic » s’accélèrent

L’attitude des exportateurs chinois est une bonne illustration de ce qui se passe à l’échelle de l’Asie. Au cours du premier semestre 2025, la chute en valeur des ventes chinoises vers les États-Unis a été de 10,7%. A l’inverse, leur progression a été significative vers l’Union européenne (+6,9%) et spectaculaire vers le « Sud global » (Asean, Inde, Afrique et Amérique latine).

Les tendances se sont accélérées en juillet-août avec une chute des ventes vers les États-Unis qui dépasse 25%, et une progression vers l’Union européenne qui approche les 10%.

Source : Douanes chinoises, calculs de Statista

Pour faire face à l’afflux de produits chinois et asiatiques, l’Union européenne va sans doute devoir durcir ses règles. Elle doit mettre en place une surveillance renforcée sur les secteurs sensibles (acier, aluminium, automobile, électronique…) et ne pas hésiter à prendre des décisions rapides.

Le rapport 2024 sur les mesures de défense commerciales prises par l’Union européenne montre une augmentation du nombre de ces mesures (199 en vigueur fin 2024 contre 186 fin 2023), principalement dans les secteurs de l’acier et de la chimie. Mais il s’agit essentiellement de mesures anti-dumping et anti-subventions qui sont des actions très ciblées et lentes, avec des enquêtes qui dépassent souvent douze mois. Une seule clause de sauvegarde a été déclenchée. La question de l’action d’urgence couvrant un champ sectoriel suffisamment large reste donc posée.

Équilibrer les conditions de concurrence avec les exportateurs américains

Donald Trump a obtenu des pays asiatiques (hors Chine et Inde qui négocient toujours) trois types de concessions : une réduction très importante des barrières tarifaires et non tarifaires, des engagements d’achats sur certains produits américains et des promesses d’investissements aux États-Unis. Les risques concurrentiels pour les exportations européennes sont particulièrement importants dans l’agro-alimentaire (droits de douane élevés) et l’aéronautique (engagements de commandes de Boeing).

Les pays de l’Asean ont, à part Singapour qui pratique un libre-échange mondial, un tarif douanier moyen encore significatif, notamment dans le secteur agricole où il atteint ou dépasse 10%. Ces tarifs pourraient d’ailleurs augmenter sans que ces pays aient besoin d’offrir des compensations car les droits de douane sur lesquels ils ont pris un engagement juridique à l’OMC sont beaucoup plus élevés (autour de 20 à 25% en moyenne).

Source : OMC


La Maison Blanche a obtenu une quasi-disparition des barrières douanières avec le Vietnam, l’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie et dans une moindre mesure les Philippines. Le détail par position douanière de ces concessions devrait être connu en octobre à l’issue d’un processus de consultation interne aux États-Unis.

L’Union européenne fait face à deux situations différentes dans l’Asean. Deux pays ont un accord de libre-échange avec l’UE, Singapour et le Vietnam. L’accord avec le Vietnam nous protège pour partie, mais pas totalement. Il prévoit le maintien de certaines protections du marché vietnamien, en particulier dans le domaine agricole et l’automobile, avec un calendrier de démantèlement des droits de douane qui est plus long pour le Vietnam que pour l’Union européenne, et des réductions progressives étalées jusqu’en 2030 ou au-delà. Dans le cas du Vietnam, il est impératif que l’Union européenne obtienne un alignement global sur ce qu’a obtenu Washington. La suspension de l’accord de libre-échange pourrait être utilisée comme arme de pression en cas de besoin.

Des négociations en vue d’un accord de libre-échange ont été engagées avec les quatre autres principaux membres de l’Asean : l’Indonésie depuis 2016, la Malaisie (négociations relancées en janvier 2025), la Thaïlande (négociations relancées en mars 2023) et les Philippines (négociations relancées en mars 2024). Ces négociations devraient être accélérées, avec à minima un objectif d’alignement sur les concessions faites par ces pays aux États-Unis.

Parmi les produits agricoles les plus sensibles, où nous sommes en concurrence directe avec les exportateurs américains, on trouve la viande, les produits laitiers, les céréales et dans une moindre mesure les vins et spiritueux.

Ne pas céder à la Chine et convaincre l’Inde

Le rapport de force commercial entre l’UE et la Chine est très différent de ce qu’il est avec l’Asean. Il s’agit du plus grand marché d’Asie et les risques d’afflux de produits chinois en Europe sont permanents compte tenu de ses surcapacités industrielles. Surtout, la Chine dispose de moyens de rétorsion très importants qui vont bien au-delà des terres rares pour couvrir notamment une bonne partie des produits et technologies de la transition énergétique.

En réponse aux mesures antisubventions imposées l’an dernier par l’Union européenne sur les véhicules électriques, la Chine a multiplié les contre-mesures portant sur les spiritueux, la viande de porc et sans doute bientôt les produits laitiers. La protection du marché européen comporte donc des dommages collatéraux qui divisent les pays de l’UE mais qui sont inévitables si l’Union veut éviter d’être l’éternelle « dinde de Noël » des échanges commerciaux avec la Chine.

Du côté de l’Inde, nous avons peut-être une opportunité stratégique. New Delhi a été singularisé par Washington et subit actuellement le niveau d’obstacles tarifaires le plus élevé d’Asie pour l’accès au marché américain : 25% de droits de douane (soit 5 points de plus que la moyenne des autres pays asiatiques), plus 25% de sanctions spécifiques liées à ses achats d’hydrocarbures russes. Narendra Modi est ulcéré et il a sans tarder engagé un rapprochement avec la Chine et d’autres pays d’Asie pour contourner l’obstacle américain.

On peut parier sur le fait qu’un « deal » finira par intervenir avec Washington car le coût de la situation actuelle est élevé pour l’économie indienne (les experts évoquent une perte de 0,7% du PIB indien) et les États-Unis avaient des ambitions stratégiques avec l’Inde qui n’ont pas disparu. Mais la confiance est perdue pour longtemps et la recherche de partenariats plus stables met au premier plan la relation avec l’Europe.

La France pourrait en tirer parti sur le plan militaire. On parle d’un projet de commande indienne portant sur 40 à 114 avions de combat. Par ailleurs l’UE négocie laborieusement depuis quinze ans un accord de libre-échange avec l’Inde. Les négociations ont été relancées en mai 2021, et lors de la visite en Inde d’Ursula von der Leyen en février 2025, l’objectif d’une conclusion des négociations « en 2025 » a été convenu avec Narendra Modi. On peut espérer que les équipes de la DG Commerce feront le nécessaire pour concrétiser cet objectif à l’automne. Il faut aussi que Modi ait lui-même la volonté d’avancer en dépit de sa première priorité qui est la recherche de l’autosuffisance technologique et industrielle.

Au total, les « deals » de Trump, en particulier avec l’Asie, mettent la Commission européenne dans l’obligation d’accélérer ses négociations et de muscler son dispositif de défense commerciale si elle veut convenablement soutenir les intérêts économiques européens.

Elle devra également résister au chantage actuel mené par Trump, qui lui demande de sanctionner très lourdement la Chine et l’Inde pour leurs achats de pétrole russe par une hausse brutale et globale des droits de douane européens. Suivre la Maison Blanche dans cette voie, c’est s’exposer à des contre-sanctions massives du côté chinois, et abandonner toute idée de deal gagnant avec l’Inde, avec le risque supplémentaire d’être abandonnée en rase campagne par les États-Unis, qui peuvent à tout moment changer de position. L’autonomie stratégique s’applique aussi à la politique commerciale.

Hubert Testard

asialyst.com

Merz veut que le renseignement allemand soit à la hauteur du poids économique du pays

 

L’Allemagne a besoin que son service de renseignement extérieur, le BND, opère à un niveau reflétant la taille et le poids économique du pays afin de faire face aux attaques hybrides émanant de rivaux de plus en plus agressifs, a déclaré jeudi le chancelier Friedrich Merz.

Dans un discours prononcé à l’occasion de la prise de fonction de Martin Jaeger à la tête du BND, Merz a souligné que les fondements de l’architecture de sécurité européenne, qui avaient assuré la paix, la liberté et la prospérité pendant des décennies, étaient désormais fragilisés.

Martin Jaeger, 61 ans, a été nommé après avoir exercé la fonction d’ambassadeur en Ukraine depuis 2023, période durant laquelle l’Allemagne est devenue le deuxième fournisseur d’armes de Kyiv pour lutter contre l’invasion russe. Il succède à Bruno Kahl, en poste depuis de longues années.

Des responsables de la sécurité européens, notamment en Allemagne, ont alerté sur la menace croissante d’attaques hybrides menées par la Russie depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, comprenant des actes d’espionnage et de sabotage visant des infrastructures critiques. La Russie a traditionnellement démenti ces accusations.

« Rarement, depuis la Seconde Guerre mondiale, la situation sécuritaire en Allemagne n’a été aussi grave », a déclaré Merz.

« Nous devons chaque jour repousser des attaques hybrides contre nos infrastructures : actes de sabotage, espionnage, campagnes de désinformation. Nous faisons de nouveau face à des rivaux systémiques et à des adversaires qui deviennent de plus en plus agressifs », a-t-il ajouté, sans nommer explicitement de pays ou d’organisation.

Pour contrer ces menaces, l’Allemagne doit adopter une posture plus proactive et s’appuyer sur l’avantage informationnel qu’apporte un service de renseignement extérieur fort, qu’il soit civil, militaire ou technique, a-t-il indiqué.

« Au vu de la responsabilité qui nous incombe en Europe, compte tenu de notre taille et de notre puissance économique, notre objectif est donc de garantir que le BND opère au plus haut niveau en matière de renseignement », a conclu Merz.

Reuters