Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 2 août 2025

La Suisse cherche à se débarrasser de la famille Biya

 

Pour la Confédération helvétique, le président du Cameroun qui séjourne l’essentiel de son temps à Genève, est un peu comme le sparadrap du capitaine Haddock dans « L’affaire Tournesol ». Elle veut s’en débarrasser, mais il revient périodiquement dans son palace favori à Genève pendant des semaines.

En condamnant sa fille Brenda pour « injure », les magistrats suisses espèrent précipiter le départ de toute la famille.

Contrairement à son grand frère Franck Biya, pressenti pour succéder à leur père Paul Biya (au pouvoir depuis 1982) à la tête du Cameroun, Brenda Biya est certainement, de tous les enfants de Paul Biya (et même des autres chefs d’États de la sous-région), la plus iconoclaste.

Âgée de 26 ans, la jeune femme, qui a suivi une scolarité en Suisse dans un collège prestigieux à Versoix avant de poursuivre ses études aux États-Unis, puis d’être admise à l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM) du Cameroun, n’a pas suivi le chemin qui semblait lui être tracé.

Jet-setteuse et rappeuse

La jeune femme est très active sur les réseaux sociaux, où elle affiche un train de vie particulièrement luxueux. Un train de vie qui peut paraître indécent au regard de la situation dans laquelle vit l’écrasante majorité de ses compatriotes au Cameroun, et qui a été très abondamment critiqué dans la presse. C’est sur ces réseaux sociaux qu’elle s’était plainte d’être victime de racisme de la part d’un chauffeur de taxi à Los Angeles, qu’elle avait pris pour une course à 400 dollars (alors que le revenu mensuel brut d’un Camerounais en 2022 était de 138 dollars). Des courses de ce montant, qu’elle affirme prendre tout le temps.

Après s’être lancée dans la mode sans grand succès, Brenda Biya s’est tournée vers la musique, particulièrement dans le rap. Si son choix n’est pas une première pour un enfant de chef d’État africain (Ali Bongo a bien tenté une carrière musicale avant elle, et plus récemment, la princesse d’Eswatini s’est lancée dans le rap), ce choix a particulièrement surpris et embarrassé le pouvoir camerounais. King Nasty, son nom de scène, n’a pas encore, pour l’heure, conquis le haut des classements musicaux.

Brenda Biya et Reprudencia Sonkey, surnommée la « Lady Gaga africaine », chanteuse et créatrice de mode, étaient les meilleures amies du monde. Puis elles se sont fâchées et la fille du président Biya a traité son ex-copine de « dealeuse de drogue » et de « petite pute cocaïnomane ». Reprudencia Sonkey a déposé plainte à Genève car les messages insultants ont été envoyés depuis les bords du lac Léman. La chanteuse assurait que la fille du président camerounais résidait « depuis plusieurs années à l’hôtel intercontinental à Genève (…) Elle poste régulièrement sur les réseaux sociaux des photographies d’elles prises à Genève », écrit le site suisse Gotham City.

Brenda condamnée pour « injure »

Pour pousser son père, Paul Biya, hors de Genève où il séjourne la plupart du temps, la justice suisse vient de condamner sa fille, Brenda Biya, pour « diffamation », « calomnie » et « injure ». Brenda Biya a été condamnée à une amende de 2 400 francs suisses (2 570 euros) et à 60 jours-amendes à 200 francs avec un sursis de trois ans. Une bagatelle pour la dernière fille du président camerounais, née en 1997 quand son papa était déjà au pouvoir depuis quinze ans. Reprudencia Sonkey avait tout de même réclamé 100 millions de dollars de dommages et intérêts ! Le procureur général Olivier Jornot a surtout voulu insister sur le train de vie de la famille Biya qui réserve des chambres à l’année à l’Intercontinental alors que la majorité de la population camerounaise vit dans une grande pauvreté. C’est une petite épine dans le pied de Paul Biya, 92 ans depuis le 13 février dernier, qui se représente une nouvelle fois à la présidence de la République cet automne.       

« Haine, violence et tribalisme »  

En 2019 un consortium d’investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) avait calculé que Paul Biya avait déjà passé quatre ans et demi à l’hôtel Continental, un palace planté à proximité du palais des Nations. Au sixième étage, il y occuperait une suite facturée autour de 150 00 euros par mois. Le problème, c’est que ses allées et venues en jet privé sont suivies sur des sites de tracking d’avions avant d’être relayés par la communauté camerounaise sur les réseaux sociaux. Résultat, les Camerounais, venus parfois de toute l’Europe, se relaient alors devant (et parfois dedans) l’hôtel pour tenter de lui rendre la vie impossible. En juin 2019, une quarantaine d’opposants ont ainsi forcé la porte d’entrée de l’établissement et se sont battus avec le service de sécurité du chef de l’État camerounais.

Cela fait désordre en perturbant le séjour de la clientèle fortunée qui fréquente habituellement l’Intercontinental. L’ambassade du Cameroun en Suisse avait aussitôt parlé de « bandits » venus « perturber le séjour de notre grand camarade », et de « projet barbare », expression de « la haine, de la violence et du tribalisme »… La même année, cinq membres de la garde rapprochée du maître de Yaoundé avait molesté un journaliste de la radio-télévision suisse. Ils se sont emparés de son matériel professionnel et de ses effets personnels et ils lui ont cassé ses lunettes. Les gardes du corps s’étaient prévalus d’une immunité diplomatique, que le tribunal a écarté. Aux yeux d’Olivier Jornot, le procureur général de Genève, « des représentants d’un État étranger se sont permis de faire la chasse à un journaliste qui ne représentait aucun danger, mais également à des opposants ». Ils se sont comportés comme « un État dans l’État ». Le pire, c’est que ce jour-là, Paul Biya, loin d’être en danger, n’était même pas sur place au moment des faits.  

« Ce n’est pas aux Genevois de payer »

En 2021, une centaine d’opposants camerounais avait occupé la place des Nations, devant le siège européen de l’ONU, criant « Paul Biya assassin, la Suisse complice ». Tandis que des activistes forçaient l’entrée de l’Intercontinental. Un député socialiste, Sylvain Thévoz, avait alors estimé que la Suisse pouvait accueillir Paul Biya dans le cadre de négociations politiques. « Mais là, il vient à des fins privés. Ce n’est pas à nous, Genevois, de payer pour un déploiement policier afin que monsieur Biya puisse aller faire les boutiques à la rue du Rhône ». Une artère réputée pour ses banques, ses bijouteries et des boutiques de luxe.  

Bref, la Cité de Calvin en a marre de ce chef d’État qui passe plus de temps au bord du lac Léman que dans son pays. Mais comment convaincre Paul Biya et sa famille de ne plus remettre les pieds dans un pays qui vit depuis si longtemps des riches touristes et surtout de leurs économies ?

      Ian Hamel

mondafrique.com

La cybersécurité Dommage collatéral de la seconde administration Trump ?

 

Les politiques de cybersécurité sont un domaine à la fois très technique et supposément consensuel. Pourtant, les deux premiers mois de la seconde administration Trump démontrent que ce n’est pas nécessairement le cas. Non pas qu’elles fassent prioritairement l’objet de débats politiques et idéologiques partisans, mais plutôt qu’elles sont considérées comme une dimension au mieux négligeable, au pis dommageable pour les objectifs principaux de Donald Trump et de la coalition qu’il fédère.

La victoire électorale de Donald Trump cristallise plusieurs tendances politiques qui ont entravé les actions de son prédécesseur. Un dossier hautement politisé – de manière surprenante si l’on prend en compte l’évolution en cours dans les autres États occidentaux – concerne l’atténuation progressive de la distinction entre les enjeux de cybersécurité et ceux de la manipulation de l’information dans la protection des élections. À la suite de la pandémie de Covid‑19 et de l’assaut sur le Capitole le 6 janvier 2021, les partisans et alliés objectifs de Donald Trump ont combattu systématiquement et avec succès les tentatives de l’administration Biden, des agences de sécurité nationale et des parties prenantes (acteurs de la société civile comme responsables politiques locaux) de consolider, voire d’institutionnaliser le dispositif qui s’était construit après les interférences russes dans les élections de 2016. À coup de harcèlement judiciaire, d’assignations à comparaître et de campagnes de communication, ils ont de fait obtenu du FBI et de l’Agence de cybersécurité et de sécurité des infrastructures (CISA) qu’ils renoncent à leur coopération avec les réseaux sociaux pour détecter et contrecarrer les opérations d’influence.

Ce mouvement s’est poursuivi après la victoire de Donald Trump par la renonciation de Meta au fact – checking ainsi que par les manœuvres visant à mettre au pas les organes de presse, les médias traditionnels et les chercheurs sur la désinformation. La division du FBI chargée de lutter contre l’ingérence étrangère a été dissoute tandis que les employés de la CISA coordonnant le dispositif de sécurisation des élections ont été licenciés. Les programmes permettant d’assister les autorités locales dans l’organisation d’élections sécurisées (comme l’Election infrastructure Information sharing and analysis center fondé en 2018) ont été considérés comme du gaspillage ou comme la preuve d’une « arsenalisation » du gouvernement fédéral. Par décret présidentiel, Donald Trump prétend également dicter l’organisation des élections à tous les niveaux : sa priorité n’est pas d’empêcher le jeu de l’ingérence étrangère, un « hoax » à ses yeux, mais de libérer ses partisans de toute contrainte en matière de communication politique. Ce dossier s’adosse à une stratégie plus globale qui, sous couvert de défendre la liberté d’expression (free speech), vise essentiellement à faire taire les critiques en les présentant comme de la censure.

Le deuxième dossier en cours de politisation concerne les dispositifs de régulation mis en place sous son prédécesseur afin de promouvoir et de standardiser des mesures de cybersécurité. L’opération contre Colonial Pipeline en mai 2021 a enclenché un processus de renouvellement des réglementations de la part des administrations chargées de la gestion des crises pour chacun des 16 secteurs englobant les infrastructures critiques. Mais le chemin a été plus ou moins semé d’embûches. Si l’administration des transports a réussi à établir des standards acceptables pour les secteurs de l’aviation civile, des chemins de fer ou des hydrocarbures, l’agence de protection de l’environnement a dû reculer pour celui de la distribution et du traitement des eaux après la levée de boucliers des opérateurs privés et de certaines autorités fédérées. À la suite de l’invasion de l’Ukraine, le Congrès a adopté à une écrasante majorité l’obligation pour les opérateurs d’infrastructures critiques d’avertir les autorités fédérales en cas d’intrusion ou de tentatives d’extorsion.

Trois ans plus tard, les procédures de notification ont bien été établies par la CISA, mais doivent désormais passer sous les fourches caudines des différentes parties prenantes. En décembre 2023, l’autorité régulatrice des marchés financiers a aussi pris des mesures en ce sens. Loin d’avoir les effets attendus, cette nouvelle couche normative a affaibli les procédures, mais aussi accentué le mécontentement du secteur privé et de nombreux élus envers cette fièvre régulatrice. Il existe encore un consensus bipartisan pour réfléchir à des projets de coordination et de simplification en matière de standards de cybersécurité, particulièrement en ce qui concerne la notification d’une intrusion. Mais l’atmosphère politique au Congrès de même que l’absence d’impulsion politique – voire une hostilité manifeste – de la part de la Maison – Blanche augure mal d’un sentier serein vers un paysage plus unifié en matière de cybersécurité du secteur privé.

Plus globalement d’ailleurs, la philosophie de l’administration Trump comme de ses alliés et partisans au Congrès ou dans le secteur privé semble bien de renverser les prémisses des politiques de la période Biden. Rappelons que celles-ci ont tenté de revenir sur les fondamentaux du « contrat social de cybersécurité », en en déplaçant le fardeau vers les pouvoirs publics et le secteur de l’économie numérique (1). Plutôt que de laisser le marché réguler la cybersécurité, il faut s’appuyer sur l’importance de la commande publique et le rôle central de l’État administratif fédéral pour inciter les acteurs à intégrer la sécurité dès la conception et la sécurité par défaut. Cette logique est désormais absente de la réorganisation institutionnelle de la cybersécurité. Le rôle pilote des agences fédérales est ainsi abandonné. La CISA notamment semble considérablement affaiblie dans sa mission de coordination de la gestion des risques cyber, que ce soit par le licenciement de ses experts, l’annulation de contrats avec des prestataires privés, mais surtout le coup d’arrêt donné à la coopération avec le secteur privé de la cybersécurité et de l’écosystème numérique. Cet abandon du rôle moteur de l’État se retrouve globalement dans les décrets pris par la Maison – Blanche pour restructurer la protection des infrastructures critiques en postulant qu’il s’agit là d’un rôle dévolu aux autorités locales et aux opérateurs privés, le niveau fédéral n’intervenant qu’à titre de facilitateur ou de soutien.

Le niveau général de cybersécurité (en matière de protection des réseaux informatiques et de sécurisation des données gérées par les secteur public) est aussi la victime collatérale de l’action du prétendu « département de l’Efficience gouvernementale » (DOGE) impulsé par Elon Musk. La frénésie et la rapidité de son action dans les différents ministères et agences ajoutent à l’opacité de ses modes opératoires et compliquent l’analyse du phénomène. On peut toutefois constater deux aspects inquiétants. D’une part, les employés du DOGE – qui n’ont pas toujours les compétences ni la légitimité bureaucratique pour ce faire – ont pris le contrôle des bases de données et des réseaux des agences qu’ils ont investies. Par conséquent, ils ont été capables de geler des fonds, d’établir des listes d’employés à licencier, d’exclure les experts des systèmes et d’accéder à des données plus ou moins sensibles. Outre cette action directe qui s’apparente à un « hacking des services publics », le DOGE a aussi affaibli les mesures de cybersécurité au sein des agences comme, plus largement, dans l’ensemble du service public. Rappelons en effet que lors des trois années écoulées, l’effort au sein du secteur fédéral s’est porté sur l’établissement d’une architecture dite de « zéro confiance ». L’intrusion dans les agences et l’accès à leurs données loin de tout contrôle, supervision ou contre-pouvoir a de facto affaibli ces efforts. La décision de la Maison – Blanche de mettre fin au cloisonnement entre les bases de données détenues par les agences fédérales pourrait ajouter un risque supplémentaire.

L’administration Trump fait aussi preuve d’ambiguïté sur certains sujets. Par exemple des moyens mis en œuvre face aux menaces qui, jusqu’à récemment, étaient prioritaires. L’affaire d’espionnage « Salt Typhoon » a notamment mis en lumière les vulnérabilités criantes du secteur des télécommunications. Avant de démissionner en janvier, l’ancienne commissaire aux télécommunications Jessica Rosenworcel a tenté d’obliger les opérateurs à mettre en œuvre des mesures minimales de cybersécurité, contre l’avis du futur commissaire Brendan Carr. Celui-ci a cependant annoncé la création, au sein de la Federal communications commission, d’un « conseil de sécurité nationale » dont l’une des premières mesures va être de poursuivre l’élimination de tout composant chinois dans les infrastructures. Cette continuité tranche avec les revirements stratégiques vis-à‑vis de la menace russe comme vis-à‑vis de la priorité nouvelle donnée à la lutte contre les organisations criminelles transnationales en matière de trafic de drogue. Sur ces points, la question essentielle sera la capacité du secteur de sécurité nationale (Cyber Command, NSA, FBI) de réorienter ses ressources organisationnelles et ses infrastructures sans augmenter les risques de cybersécurité. 

Note

(1) Stéphane Taillat, De la cybersécurité en Amérique : puissance et vulnérabilités à l’ère numérique, PUF, Paris, 2024.

Stéphane Taillat

areion24.news

Le SRC cherche un nouveau chef... mais

 

Des collaborateurs très insatisfaits, des Cantons mécontents de la collaboration, et une grande réforme qui piétine: le Service de renseignement de la Confédération (SRC) est en crise. Usé par des critiques incessantes, son chef Christian Dussey annoncé au mois de janvier 2025 sa démission pour l'année suivante.

Mais personne ne souhaite attendre aussi longtemps. Le SRC est un pilier central de la défense nationale helvétique et il se doit d'être rapidement remis sur les rails. C'est en tout cas ce qu'estime le nouveau ministre de la Défense Martin Pfister, lequel a institué une commission de sélection spéciale, afin de trouver au plus vite un successeur à Christian Dussey. Le message est clair: le temps presse.

Mais il semble désormais que la question de la succession ne pourra pas se régler aussi rapidement. «La recherche est manifestement difficile», explique-t-on au sein du Département de la défense (DDPS). «Il est bien possible que le processus soit retardé.» En fait, l'élection aurait dû se tenir à la fin du mois de juin, lors de l'ultime séance du Conseil fédéral avant le début des vacances d'été. Mais à la surprise générale, aucune décision n'a été prise: «Au SRC, tout le monde s'impatiente», explique-t-on.

Les favoris seraient hors course

Le problème, c'est que le nombre de candidats au poste serait très limité. «Au vu de la situation initiale, ils ne se bousculent pas au portillon», rapportent des sources bien informées. Les favoris cités publiquement seraient, eux, déjà hors course. 

C'est notamment le cas du Valaisan Jacques Pitteloud, rapporte son entourage. Le représentant permanent de la Suisse auprès de l'OTAN avait déjà été pressenti en 2021 pour succéder à Jean-Philippe Gaudin, fraîchement évincé de la tête du SRC. Ancien agent des services secrets, Jacques Pitteloud est pourtant considéré comme un homme capable de gérer avec brio les cas délicats. Mais il a également été impliqué dans plusieurs affaires.

Alors qu'il officiait en tant qu'ambassadeur de la Suisse au Kenya, il avait notamment été accusé de tentative de contrainte et d'abus d’autorité par des hommes d’affaires kényans, avant d'être définitivement blanchi en 2018 par le Tribunal fédéral. Début 2020, soit un an après avoir pris la tête de l'ambassade suisse aux Etats-Unis, il s'était fendu d'une blague malvenue sur le Covid au Forum économique de Davos, ce qui lui avait valu quelques gros titres de la presse helvétique.

Une boulette insuffisante toutefois pour entacher son excellente réputation. «Il serait une solution très intéressante pour la direction du SRC», explique un initié. «Mais pas non plus une solution indiscutable.» Contacté par Blick, Jacques Pitteloud ne souhaite pas s'exprimer.

Le poste ne séduit pas

Un autre nom était également cité parmi les favoris: celui de Gabriel Lüchinger, le chef de la division Sécurité internationale du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Considéré comme un «touche à tout», de la politique, il intervient régulièrement au nom du Conseil fédéral lorsque des dossiers internationaux se compliquent. C'est notamment lui qui a organisé le sommet sur l'Ukraine au Bürgenstock en juin 2024. Depuis avril 2024, il est l'envoyé spécial de la Suisse pour les Etats-Unis.

Mais là aussi, l'idée de voir Gabriel Lüchinger prendre la tête du SRC ne semble plus d'actualité. Des sources internes expliquent que le poste ne l'intéresserait pas outre mesure. Le haut fonctionnaire pourrait ainsi poursuivre sa carrière autrement, lui qui est régulièrement sollicité pour prendre la tête de certains services clés de la Confédération.

Sollicité par Blick, Gabriel Lüchinger ne souhaite pas réagir non plus. Mais il «espère personnellement que l'on parviendra bientôt à stabiliser le SRC à long terme, dans l'intérêt de la sécurité de notre pays». A l'heure qu'il est, une candidature issue des corps de police cantonaux serait en pole position. Ce n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour le SRC. Après tout, le travail du service secret se déroule en grande partie dans les cantons.

msn.com

L’ex patron de la Sonatrach Ould Kaddour aurait dérobé 54 millions $

 

Abdelmoumen Ould Kaddour, ancien président-directeur de la société générale algérienne Sonatrach, a-t-il planqué 54,4 millions de dollars via des comptes bancaires et des sociétés en Suisse ? Berne rappelle que la Confédération et l’Algérie ont signé un accord d’entraide judiciaire en matière pénale en juin 1966. Il est donc bien fini le temps où les banques helvétiques ne répondaient pas aux commissions rogatoires.

 Abdelmoumen Ould Kaddour, aujourd’hui âgé de 73 ans, a été le patron de la Sonatrach de mars 2017 à avril 2019, date où il a été démis de ses fonctions. La justice algérienne reproche à ce brillant ingénieur, formé aux États-Unis, quelques broutilles : dilapidation de fonds publics, abus de fonction, conflit d’intérêts, privilège d’un tiers dans un marché public. Pour échapper à la justice, Abdelmoumen Ould Kaddour se réfugie aux Émirats arabes unis. Manque de chance, Abou Dhabi a signé avec Alger une convention d’entraide judiciaire. L’ancien PDG est extradé en août 2021 et condamné à dix ans de prison en appel en décembre 2022.  

Son fils, Nassim Ould Kaddour a, lui, écopé à dix ans de prison par contumace. Résident en France, il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Mais comme pour son père avec les Émirats, la Suisse, via le Tribunal pénal fédéral, l’a débouté de tous ses recours le 6 juin 2025.

La justice algérienne lui reproche d’avoir dissimulé les commissions illégales reçues par son père via des comptes en Suisse, aux Émirats arabes unis, et des sociétés fictives au Liban. L’arrêt du 6 juin évoque « l’origine délictueuse de la somme de 54,390 434 millions de dollars.

Le fiston, débouté sur toute la ligne

Pour faire simple, le 9 août 2022, le juge d’instruction du Pôle pénal économique et financier de la Cour d’Alger a sollicité l’entraide des autorités helvétiques. Le motifs : dilapidation de fonds publics, abus de fonction, conflit d’intérêts dans le but d’obtenir un avantage indu à autrui dans le cadre de la passation d’un marché public et blanchiment de capitaux. Bien évidemment, Nassim Ould Kaddour s’oppose à la transmission des documents bancaires aux autorités algériennes. « Il a notamment invoqué le caractère politique de la procédure, affirmant être poursuivi uniquement en raison des fonctions occupées par son père », précise le site suisse Gotham City, toujours très informé, qui a révélé l’arrêt de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (*). 

Nassim Ould Kaddour est débouté par le Ministère public de la Confédération (MPC) en décembre 2024. Un mois plus tard, il interjette recours auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Il se prétend menacé « du fait d’une situation politico-juridique spéciale ». La justice helvétique n’est guère convaincue : le fils de l’ancien PDG de la Sonatrach ne réside-t-il pas actuellement en France ? Il ne peut donc pas prouver qu’il serait exposé « au risque de mauvais traitement ou de violation de ses droits de procédure ». Le Tribunal rappelle que « le recourant a été condamné par défaut, notamment, à une peine privative de liberté de dix ans pour des actes qui, transposés en droit suisse, correspondent à l’infraction de blanchiment d’argent ». Finalement, dans cet arrêt de 16 pages, Nassim Ould Kaddour est débouté sur toute la ligne.

Il faut encore se demander si son avocat, le Genevois Christian Lüscher, peut encore sortir une carte de sa main afin de s’opposer une nouvelle fois à la transmission des documents bancaires à l’Algérie, et gagner encore quelques mois.

(*) « L’Algérie traque les comptes suisses du clan Ould Kaddour », 23 juillet 2025 

Ian Hamel

mondafrique.com

Le Japon face à un monde qui vacille : vers le chemin de la maturité ou du désespoir ?

 

Alors que le monde est secoué par les politiques menées par l’administration Trump depuis son retour à la Maison-Blanche en janvier 2025, la politique japonaise est en proie à des troubles internes et externes, entrainant une étrange stagnation.

Une alternance politique avortée

Sur la scène politique intérieure, les élections générales qui ont suivi la dissolution en octobre 2024, ont abouti à un gouvernement minoritaire dirigé par le Premier ministre Shigeru Ishiba, qui avait été élu comme président du Parti libéral-démocrate (PLD) le mois précédent. En effet, à la suite d’affaires de détournement de fonds politiques impliquant plus de 80 députés (1) (révélées sous l’administration Kishida), ainsi qu’à deux années de baisse des revenus réels (bien que son taux d’inflation soit deux fois moins élevé qu’en Europe), le parti au pouvoir a perdu 67 sièges et donc la majorité. Le partenaire de coalition du PLD, le parti bouddhiste Komeïtô, a également perdu huit sièges, laissant le parti au pouvoir avec seulement 215 sièges sur 465. Il s’agissait du troisième gouvernement minoritaire au Japon, après ceux de 1954 et de 1994.

Cependant, cette situation n’a pas abouti à une alternance. Non seulement parce que le résultat de l’élection était une surprise, mais aussi parce que les principaux partis d’opposition n’ont pas réussi à s’unir pour former un gouvernement. Bien que le premier d’entre eux, le Parti démocrate constitutionnel, ait obtenu 148 sièges, soit un gain de 52 sièges, d’autres partis, en allant du parti néolibéral le Parti de l’Innovation jusqu’au Parti communiste, n’ont pas été en mesure de s’unir derrière un programme commun. De plus, au Japon, où le Sénat dispose d’un fort pouvoir de veto, l’absence de majorité à la chambre haute entrainerait rapidement une paralysie de gouvernance. En partant de ce constat, la stratégie du Parti démocrate serait donc d’attendre que le PLD perde sa majorité à la chambre haute — dont les élections se tiennent en juillet prochain — afin de réaliser le changement de gouvernement lors des prochaines élections de la Diète. Mais, cela présuppose un vaste rapprochement entre les différents partis d’opposition, une stratégie maintes fois défendue, mais jamais réalisée depuis le retour du PLD au pouvoir, en 2012.

Le gouvernement Ishiba, désormais minoritaire, a été contraint de faire des compromis sur les demandes du Parti de l’Innovation et du Parti démocrate du peuple, dont le total de sièges est passé de 11 à 28 entre 2021 et 2024. Le budget a été finalement adopté en acceptant la proposition du Parti de l’Innovation de rendre les universités gratuites par le biais d’allocations au foyer. La diversité des positions politiques des partis d’opposition a finalement placé le PLD dans une position avantageuse.

Le facteur Trump : un défi existentiel ?

Après la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine, le Premier ministre Shigeru Ishiba a demandé une rencontre officieuse avec le nouveau locataire de la Maison-Blanche. Mais cela lui a été continuellement refusé en raison de la loi Logan, qui interdit au président élu de négocier avec des dirigeants étrangers avant son investiture. Étant donné que Donald Trump avait déjà rencontré ses homologues italien ou argentin, ce n’était qu’une excuse illustrant le peu d’importance qu’il accordait au Japon. Toutefois, le Premier ministre japonais a été le deuxième dirigeant étranger à rencontrer le président Trump en février, après Benyamin Netanyahou.

L’une des principales préoccupations dans l’opinion publique nippone était de savoir si le nouveau président approuverait le rachat de US Steel par Nippon Steel, auquel l’administration Biden faisait obstacle. Bien que le président Trump eut déclaré qu’il serait favorable à l’idée, à condition qu’il s’agisse « d’un investissement » plutôt que d’une prise de contrôle, et sans en préciser la nature, il était clair que l’administration Ishiba avait été lésée. En effet, lors de la conférence de presse conjointe, le président américain a confondu Nippon Steel avec le constructeur automobile Nissan, et il a mentionné le nom de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe à trois reprises. Alors que le nouveau locataire de la Maison-Blanche préfère être franc et direct, contrairement à son homologue japonais qui est distant et attaché aux principes, Donald Trump n’avait peut-être pas l’intention de faire de son homologue japonais un partenaire de négociation, au regard de son mandat qui s’annonce probablement de courte durée.

Dans une perspective plus large, Trump 2.0 représente un défi quasi existentiel pour le Japon de l’après-guerre. Le rapprochement entre les États-Unis et la Russie concernant la guerre en Ukraine, et les pressions exercées par Trump sur le président ukrainien Zelensky ont ébranlé l’Europe. Par ailleurs, la critique ouverte du vice-président américain J. D. Vance à l’égard de la démocratie européenne lors de la conférence de Munich sur la sécurité en février 2025 (2), est venue illustrer que la discorde n’était pas seulement de l’ordre des intérêts nationaux, mais aussi de ses valeurs et ses fondements. Face à ce nouveau contexte, il semble désormais inévitable que les pays européens s’unissent dans plusieurs domaines, comme l’illustrent les différentes initiatives menées par le président français Emmanuel Macron. Mais le Japon n’aura pas cette chance. En effet, alors que le pays est entouré par trois États que l’amiral américain Samuel Paparo, commandant de l’US Indo-Pacific Command, qualifie de « Triangle des fauteurs de trouble » (3) — à savoir la Russie, la Corée du Nord et la Chine —, Tokyo a pour seul allié les États-Unis. Bien que les relations avec la Corée du Sud se soient considérablement améliorées depuis l’entrée en fonction de l’administration Yoon, comme l’a illustré le sommet trilatéral de Camp David en aout 2023 (4), le chaos politique qui divise le pays laisse planer le doute (5). Car même si le Japon a également renforcé ses relations avec l’Australie, les Philippines et d’autres pays en termes de politique de défense, cela reste évidemment insuffisant pour résister à la posture expansionniste de la Chine.

Le Japon face au « Triangle des fauteurs de trouble »

Si dans le cadre du concept d’« Indo-Pacifique libre et ouvert », la coopération en matière de défense avec les pays européens comme la France ou l’Allemagne a également été poursuivie, le parapluie nucléaire protégeant le Japon ne peut être fourni que par les Américains. Si l›on fait un retour historique, nous constaterons que les États-Unis ont été la mère nourricière du Japon d›après-guerre. La Constitution japonaise a été rédigée par les New Dealers américains, et la reconstruction d’après-guerre a été réalisée grâce à l’aide économique et à la guerre de Corée menée par les Américains (6). Si le Japon s’est enrichi grâce au régime de libre-échange par la suite, le principe de non-armement et l’interdiction de disposer d’une capacité offensive pour les forces nippones ont également été imposés par les occupants américains, ce qui a contraint le pays à accepter le stationnement de troupes américaines dans l’ensemble de l’archipel.

Le Japon, principale victime du retour de Trump ?

Or aujourd’hui, en tant que pays occidental et en raison des valeurs historiques projetées par les États-Unis, le Japon considère comme des valeurs absolues les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie. Si l’on emprunte une célèbre formule de l’historien américain John W. Dower, le Japon avait proactivement « embrassé sa défaite ». En d’autres termes, le Japon est le pays démocratique qui pourrait être le plus touché par l’administration Trump, qui en est venue à nier les propres valeurs démocratiques défendue par les siens au XXe siècle, et à retirer son hégémonie dans le monde.

La politique tarifaire de l’administration Trump n’a même pas fait du Japon une exception. La seule opportunité pour le Japon serait que l’administration américaine, étouffée par ses idées antichinoises, demeure dans une position de confrontation vis-à-vis de Pékin, offrant à Tokyo, situé sur la ligne de front avec la Chine, une position stratégique lui permettant d’être respecté et écouté par Washington. Les principes de l’alliance américano-japonaise ont été réaffirmés (7), apparemment en échange de promesses japonaises en matière d’achats d’armes et d’investissements aux États-Unis. Toutefois, rien ne garantit qu’à l’avenir, l’Amérique de Trump n’abandonnera pas Taïwan et n’essaiera pas de conclure un accord avec la Corée du Nord, comme elle l’a tenté en 2018. 

Un enfant abandonné par un parent glisse généralement soit dans la maturité, soit dans la délinquance. Le commandant suprême des forces alliées chargées de l’Occupation, MacArthur, avait laissé entendre en 1951 que « si les Anglo-Saxons ont 45 ans, le Japon en a seulement 12 ». Le pays va-t-il enfin s›engager sur la voie de la maturité, ou va-t-il sombrer dans le désespoir ? Si les conditions restent les mêmes, une situation d’équilibre devrait demeurer. 

Notes

(1) https://​www​.courrierinternational​.com/​a​r​t​i​c​l​e​/​c​o​r​r​u​p​t​i​o​n​-​a​u​-​c​-​u​r​-​d​-​u​n​-​s​c​a​n​d​a​l​e​-​p​o​l​i​t​i​c​o​-​f​i​n​a​n​c​i​e​r​-​t​r​o​i​s​-​f​a​c​t​i​o​n​s​-​d​u​-​p​a​r​t​i​-​a​u​-​p​o​u​v​o​i​r​-​a​u​-​j​a​p​o​n​-​s​o​n​t​-​d​i​s​s​o​u​tes

(2) https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20250214-a-munich-la-d%C3%A9mocratie-selon-jd-vance-sid%C3%A8re-les-europ%C3%A9ens

(3) https://​www​.defenseone​.com/​t​h​r​e​a​t​s​/​2​0​2​5​/​0​2​/​c​h​i​n​a​-​r​e​h​e​a​r​s​i​n​g​-​w​a​r​-​i​n​d​o​-​p​a​c​i​f​i​c​-​c​o​m​m​a​n​d​e​r​-​s​a​y​s​/​4​0​3​0​11/

(4) https://​www​.lemonde​.fr/​i​n​t​e​r​n​a​t​i​o​n​a​l​/​a​r​t​i​c​l​e​/​2​0​2​3​/​0​8​/​1​9​/​l​e​s​-​e​t​a​t​s​-​u​n​i​s​-​l​e​-​j​a​p​o​n​-​e​t​-​l​a​-​c​o​r​e​e​-​d​u​-​s​u​d​-​r​e​s​s​e​r​r​e​n​t​-​l​e​u​r​-​c​o​o​p​e​r​a​t​i​o​n​-​c​o​n​t​r​e​-​l​a​-​m​e​n​a​c​e​-​c​h​i​n​o​i​s​e​-​e​t​-​n​o​r​d​-​c​o​r​e​e​n​n​e​_​6​1​8​5​9​3​7​_​3​2​1​0​.​h​tml

(5) Jean-Yves Colin, « Crise de régime en Corée du Sud ? », Diplomatie no 132 (mars-avril 2025).

(6) Franck Michelin, « 1945-1952 : le Japon sous protectorat américain », Diplomatie no 132 (mars-avril 2025).

(7) https://​www​.lesechos​.fr/​m​o​n​d​e​/​a​s​i​e​-​p​a​c​i​f​i​q​u​e​/​l​e​-​j​a​p​o​n​-​e​t​-​l​e​s​-​e​t​a​t​s​-​u​n​i​s​-​a​f​f​i​c​h​e​n​t​-​l​e​u​r​-​f​e​r​m​e​-​i​n​t​e​n​t​i​o​n​-​d​e​-​r​e​n​f​o​r​c​e​r​-​l​e​u​r​-​a​l​l​i​a​n​c​e​-​2​1​4​5​869

Toru Yoshida

areion24.news