Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 5 avril 2025

Birmanie : l’« Opération 1027 »… et maintenant ?

 

En novembre 2020, la Birmanie organisait ses deuxièmes élections libres depuis la transition démocratique de 2010-2011 : nouveau triomphe de la National League for Democracy (NLD) d’Aung San Suu Kyi. Bien que les observateurs aient attesté de la transparence du scrutin, l’armée birmane (Tatmadaw) contesta ces résultats, et le 1er février 2021, le Senior General Min Aung Hlaing déclara l’état d’urgence et s’installa au pouvoir, à la tête d’un Conseil administratif d’État (State Administration Council, SAC).

La résistance s’est alors organisée : sur le plan politique, un Gouvernement d’unité nationale (National Unity Government, NUG) clandestin se met en place ; sur le plan militaire, les Ethnic Armed Organizations (EAO), qui défendent de longue date les minorités ethniques des périphéries montagneuses sont rejointes par des centaines de nouvelles structures, les People’s Defence Forces (PDF), qui émergent dans les basses terres centrales de peuplement bamar.

La guerre civile se concentre dans deux vastes zones : la première prend en écharpe la moitié nord du pays, de l’État d’Arakan (à l’ouest, sur la frontière bangladaise), aux États Kachin et Shan (au nord-est, sur la frontière chinoise), via les collines de l’État Chin, et les plaines de Sagaing et Magway. La seconde zone, nord-sud, court le long de la frontière thaïlandaise à l’est du pays, de l’État Kayah jusqu’à la pointe du Tanintharyi, tout au sud, en passant par les États Karen et Mon.


Au nord : la junte aux abois

Le 27 octobre 2023, dans les collines du Nord de l’État Shan, la guerre prend un véritable tournant : la Three Brotherhood Alliance, comprenant la Myanmar National Democratic Alliance Army (MNDAA), la Ta’ang National Liberation Army (TNLA) et l’Arakan Army (AA), lance une offensive coordonnée. En quelques semaines, ces EAO prennent des villes-clés, des postes-frontières, des centaines de positions militaires ; elles capturent des arsenaux, des blindés, des centaines de prisonniers.

Le but principal de la MNDAA, qui mène cette offensive : reconquérir son fief de Laukkai, sur la frontière chinoise, dont elle avait été expulsée en 2009. Le régime de l’époque l’avait alors confié à ses alliés locaux, chefs de syndicats criminels. Leur activité principale, surtout depuis le coup d’État : les arnaques en ligne (online scamming), essentiellement aux dépens des citoyens chinois. La Chine a longtemps poussé le SAC à sévir, mais en vain. Elle aurait donc — tacitement — encouragé la MNDAA à reprendre Laukkai et à ramener une certaine stabilité sur la frontière. Tel était censé être le périmètre de l’« Opération 1027 ».

En réalité, l’effondrement de la Tatmadaw prend tout le monde de court : ni le régime, ni la résistance, ni la Chine ne s’y attendaient. La Three Brotherhood Alliance redessine donc en profondeur l’État Shan, bien plus qu’escompté par la Chine. Elle s’empare ainsi de presque tous les postes-frontières de la région — alors que la Chine a toujours préféré traiter avec des États souverains. Elle prend également le contrôle partiel de l’importante autoroute Mandalay – Muse vers la frontière et détruit des ponts importants, bloquant l’essentiel des flux transfrontaliers.

Le 11 janvier 2024, la Chine convoque des négociations à Kunming. Les EAO, cherchant à prolonger leur conquête, sont peu réceptives à l’idée d’un cessez-le-feu, et Pékin doit donc user de menaces pour leur faire signer cet « accord d’Haigeng ». En février, la MNDAA et la TNLA, historiquement proches de la Chine, invitent U Yee Mon (ministre de la Défense du NUG, le gouvernement d’opposition) à Kunlong, tout près de la frontière. Pour Pékin, qui considère le NUG comme une force pro-occidentale, c’est un signe de défiance.

Le 25 juin, la TNLA relance les hostilités, sous le nom d’« Opération 1027 – Phase 2 ». Elle prend les derniers cantons du Nord-Ouest shan, dont celui de Mogok, réputé pour ses mines de rubis. Elle est désormais à un jet de pierre de Pyin Oo Lwin, siège de prestigieuses académies militaires, cœur symbolique de la Tatmadaw  et seulement à 50 km à l’est de Mandalay, le second pôle urbain du pays.

Dans le piémont, des PDF prennent l’initiative juste au nord de Mandalay, s’emparent de plusieurs localités et parviennent à 2-3 km au nord de la ville. En parallèle, d’autres groupes de résistance mènent des offensives au sud-ouest. Ces poussées venant de l’est, du nord et du sud-ouest alimentent les rumeurs d’offensive générale — spéculations en réalité peu raisonnables : même alliés, ces groupes de résistance n’ont pas les moyens de prendre une métropole de 2 millions d’habitants, lourdement défendue. À partir de septembre, le SAC mène des contre-offensives efficaces sur ces trois fronts pour soulager la pression.

En parallèle, le 29 juin, la MNDAA attaque Lashio, capitale de l’État Shan du Nord et siège du prestigieux Regional Military Command (RMC) pour le Nord-Est birman ; le 3 aout, elle s’empare de ce QG  une première dans l’histoire récente  et le 5 aout, finalise son contrôle de la ville.

À partir de septembre, il n’y a presque plus aucun combat au sol dans le Nord de l’État Shan ; MNDAA et TNLA ont atteint quasiment tous leurs objectifs territoriaux, et de ce point de vue, l’« Opération 1027 » est terminée. Elles cherchent désormais à renforcer leur emprise et à se préparer à la contre-offensive que le SAC est déjà en train de monter. Mais cette stratégie est mise à mal par les frappes aériennes quasi-quotidiennes sur les villes qu’elles contrôlent. Le but : empêcher le retour des civils, et laisser les EAO régner sur des champs de ruines.

Alors que l’« Opération 1027/1 » avait été menée par la MNDAA et la TNLA sans réelle implication du NUG, la phase 2 se distingue par une coopération plus poussée, notamment à travers les PDF liées au gouvernement de l’ombre, qui portent le combat autour de Mandalay.

Tandis que la Chine avait donné son accord tacite à l’« Opération 1027/1 » — en tout cas dans un premier temps, avant que la situation ne lui échappe —, elle était opposée à une phase 2, a fortiori si elle impliquait le NUG. Dès la reprise des combats fin juin, elle prend des mesures de rétorsion : coupure des réseaux électriques, téléphoniques et Internet transfrontaliers, suspension des derniers flux commerciaux vers les territoires MNDAA et TNLA. Fin aout, l’envoyé spécial chinois rencontre la United Wa State Army (UWSA), l’EAO la plus puissante du pays (en cessez-le-feu depuis 1989), mais aussi parrain et fournisseur d’armes de la Three Brotherhood Alliance. La UWSA est très proche de Pékin, mais cette fois, le message est clair : elle doit stopper tout soutien à ses vassaux, faire pression pour stopper les hostilités, et même convaincre la MNDAA de se retirer de Lashio. Faute de quoi, la UWSA connaitra le même sort que ses protégés : un blocus complet. La situation est inédite pour la UWSA, et préoccupante pour la MNDAA et la TNLA, menacées d’asphyxie et vulnérables à la contre-offensive du SAC. Notons enfin que le Nord-Shan fournit des armes à de multiples groupes de résistance à travers le pays ; si ces flux venaient à se tarir, c’est la dynamique de tout le conflit qui en serait affectée.

Au nord de la Birmanie, dans l’État Kachin, la Tatmadaw est là aussi en difficulté. Le 7 mars 2024, la Kachin Independence Army (KIA) lance une vaste offensive pour briser la ceinture de fortifications ennemies autour de sa capitale Laiza et, au-delà, se créer un sanctuaire sur la rive est du fleuve Irrawaddy, jusqu’à la frontière chinoise. À la mi-novembre 2024, elle a presque atteint cet objectif, prenant notamment Chipwi, cœur de l’extraction des terres rares, d’une importance stratégique pour la Chine. Tout comme dans l’État Shan, Pékin tente de mettre la KIA au pas en fermant tous ses postes frontières. Là aussi, la KIA va devoir faire preuve de résilience pour éviter l’asphyxie.

Accélération du conflit dans l’Ouest du pays

De l’autre côté du pays, dans l’État d’Arakan, sur la frontière avec le Bangladesh, la fin de l’année 2023 a aussi vu une accélération du conflit. Le 13 novembre, l’Arakan Army (désormais renommée Arakha Army) relance les hostilités et prend à son tour ville sur ville. Elle s’empare notamment de Mrauk-U, capitale de l’ancien royaume d’Arakan et foyer identitaire de l’ethnie arakanaise ; elle prend même Paletwa, dans l’État Chin voisin, ouvrant une précieuse interface frontalière avec l’Inde, mais suscitant l’ire de plusieurs communautés chin.

À court de solutions, la Tatmadaw attise les tensions entre communautés arakanaise bouddhiste et musulmane rohingya. Alors même qu’elle s’était livrée à des violences de masse vis-à-vis des Rohingyas en 2016-2017, l’armée les enrôle désormais de force. Mi-avril, alors que l’AA s’approche de la ville de Buthidaung, soldats birmans et supplétifs rohingyas mettent le feu aux quartiers arakanais. Lorsque l’AA prend la ville le 17 mai, ses soldats se vengent en incendiant les quartiers rohingyas, faisant redouter un instant une vague de violences inter-communautaires.

Tout au nord de l’Arakan, sur la frontière bangladaise, l’AA attaque Maungdaw mais se heurte depuis de longs mois à une ultime garnison, le Border Guard Police Battalion 5 (BGP-5). Ses difficultés sont notamment dues au harcèlement de ses lignes logistiques par la Rohingya Solidarity Organization (RSO) et autres groupes armés rohingyas, qui recrutent dans les camps de réfugiés au Bangladesh avec le soutien du SAC et la complicité des autorités bangladaises. Cette guérilla anti-AA devrait représenter un facteur d’instabilité de long terme sur la frontière.

Tout au Sud, l’AA progresse aussi. En juillet, elle prend la plage touristique de Ngapali, son aéroport et sa base navale. Les combats font également rage à Ann, siège du Regional Military Command (RMC) Ouest. À la mi-novembre 2024, la chute d’un deuxième RMC (après Lashio) apparait probable.

Toujours dans l’Ouest du pays, dans les collines chin qui jouxtent la frontière indienne, les rebelles poursuivent leur poussée. Néanmoins, la résistance est très fragmentée. Le clivage le plus marquant oppose les factions purement chin à celles qui, soutenues et armées par l’AA voisine, lui servent de relais dans la région. Ces deux camps se livrent parfois même à des combats fratricides qui préfigurent les défis de la Birmanie post-SAC.

Enfin, les développements spectaculaires dans les périphéries ne doivent pas éclipser les combats et les raids meurtriers de Birmanie centrale, dans les plaines de Sagaing et Magway. Ici, le régime ne contrôle guère que les villes, tandis que les campagnes sont sous le contrôle d’une nébuleuse de PDF — une géographie qu’elles ne parviennent cependant pas à recomposer : prendre une ville et la garder reste un dur plafond de verre.

À l’est : la junte limite les dégâts

Alors que le SAC fait face à de multiples revers dans la diagonale nord du pays, la dynamique lui est moins défavorable dans le second axe de conflit, le long de la frontière thaïlandaise.

Au nord de cet axe, dans l’État Kayah, la Karenni National Defence Force (KNDF) s’est vite affirmée, a pris le contrôle des campagnes et assiégé la Tatmadaw dans les villes. Le 11 novembre 2023, dans la foulée de l’« Opération 1027 », elle lance l’« Opération 1111 » pour arracher Loikaw, la capitale régionale. En janvier 2024, le SAC ne contrôle plus qu’un maigre réduit autour de l’aéroport, mais garde du ressort : il coupe les lignes logistiques de la KNDF en provenance — elles aussi — du Nord-Shan. La résistance se débat, ouvre de nouveaux fronts pour garder ces canaux ouverts, mais les munitions s’épuisent, et en juin-juillet, elle doit se retirer de Loikaw. Aujourd’hui, le SAC prépare la suite de la contre-offensive, menaçant le cœur même de la résistance.

Dans l’État Karen, 2024 commence mal pour le SAC : son plus proche vassal, la puissante Karen Border Guard Force (BGF), annonce prendre ses distances et recouvrer sa neutralité. En février-mars, la résistance, qui rassemble la Karen National Liberation Army (KNLA) et de nombreuses PDF, attaque Myawaddy, poste-frontière stratégique avec la Thaïlande. Fin mars, alors que la ville est sur le point de tomber, la Border Guard Force — revenue in extremis dans le giron du SAC — s’interpose, gelant le conflit et suspendant Myawaddy dans un statut ambigu, entre contrôle gouvernemental et insurgé. Début avril, le général Soe Win, numéro 2 de la junte, lance en personne la puissante « Colonne Aung Zeya » pour reprendre la ville. Cependant, harcelée par une résistance bien établie, elle peine à couvrir les 40 km qui les séparent de sa cible : à la mi-novembre 2024, elle n’est toujours pas arrivée à destination.

Tout au sud, dans la péninsule du Tanintharyi, la résistance a pris de l’ampleur. Début 2024, dans l’euphorie de l’« Opération 1027 », elle s’empare de longs segments de la National Highway no 8. Néanmoins, mi-2024, le SAC lance une contre-attaque et reprend — avec difficulté — du terrain.

En résumé, bien que le SAC reste dans une situation très complexe dans ce Sud-Est birman, il peut au moins reprendre l’initiative et lancer des contre-attaques. Cela est en partie dû au fait que depuis de longs mois déjà, les autorités thaïlandaises bloquent avec zèle les flux clandestins d’armes et de munitions à travers la frontière. Maintenant qu’une seconde interface poreuse — avec la Chine — se ferme, la résistance birmane va devoir faire preuve d’inventivité.

La débâcle du SAC à la fin 2023 était largement liée aux manques d’effectifs — depuis 2021, la Tatmadaw a en effet subi pertes et désertions. Pour le SAC, il faut freiner cette érosion : le 11 février 2024, il impose la conscription, à hauteur de 5000 jeunes hommes tirés au sort tous les mois. L’émigration, déjà très importante, s’envole, poussant les autorités à resserrer les critères de départ. La première promotion finit sa formation le 28 juin ; à date de mi-novembre 2024, c’est 20 000 hommes qui ont déjà rejoint les rangs de l’Armée, soit plus que tous les soldats tués au front depuis 2021. Certes, ces recrues sont récalcitrantes, peu motivées et mal formées ; mais ces 20 000 doigts sur la gâchette représentent un apport salutaire pour la Tatmadaw ; à raison de 60 000 personnes par an, cette conscription pourrait lui permettre de geler efficacement le front et même de reprendre localement l’avantage. 

Politique : quelles élections en vue ?

En février 2021, la Tatmadaw avait pris le pouvoir sous prétexte que les élections de novembre 2020 avaient été truquées, et avec la promesse d’en organiser de nouvelles. Le scrutin était attendu pour l’été 2023, mais dès janvier, les attaques de la résistance contre l’appareil électoral forcent à le repousser sine die, et le sujet disparait. Il resurgit néanmoins début 2024, dans la foulée de l’« Opération 1027 », avec cette fois fin 2025 en ligne de mire. Le modèle : les élections de 2010, elles aussi truquées et non reconnues par l’Occident, mais qui avaient mis au pouvoir l’ancien général Thein Sein, porteur d’authentiques réformes. Après le scepticisme initial, la communauté internationale avait renoué avec les autorités birmanes, avec en point d’orgue la visite d’Hillary Clinton à Rangoun en 2012. Cependant, il semble difficile de rééditer l’exploit aujourd’hui : le contexte est très différent, et le SAC a pulvérisé bien des lignes rouges.

Du côté du NUG, on observe une lente montée en puissance. D’une part, une poignée de villes sont tombées aux mains de PDF qui lui sont affiliées, dessinant une esquisse d’empreinte territoriale. D’autre part, le soutien explicite de la Chine au SAC, et la pression qu’elle exerce sur les EAO du Nord pour les mettre au pas les rapprochent (très prudemment) du NUG. Néanmoins, les défis du NUG restent nombreux : son appareil administratif, judiciaire ou fiscal reste embryonnaire, et les défis pour fournir des services sociaux dans les « territoires libérés » restent nombreux. Par ailleurs, le projet de Constitution fédérale, destinée à remplacer celle de 2008, reste au point mort, marqué par les dissensions entre factions.

Sur le plan social, la Birmanie s’enfonce dans une crise sans précédent. Au début des années 2000, le taux de pauvreté était d’environ 50 %. À la veille du Covid-19, il était tombé à 25 %. Mais en avril 2024, un rapport du PNUD établit qu’il a rebondi à 50 %, avec en plus 25 % de la population qui vit tout juste au-dessus de son seuil. Le pays a donc perdu en quelques années les fruits de 20 ans de développement.

En septembre 2024, le typhon Yagi frappe le Sud de la Chine, le Vietnam, le Nord de la Thaïlande et vient mourir dans l’Est de la Birmanie entre le 9 et le 11 septembre. Les dégâts sont considérables : des villages et des routes sont emportés, des milliers d’hectares de champs sont dévastés et 433 personnes sont tuées. Une telle catastrophe illustre la fragilité d’une société exsangue, plus vulnérable que jamais. Dans les jours qui suivent, la faiblesse de la réponse du SAC donne à voir son manque de ressources et de compétences, tandis que les blocages imposés à l’aide vers les foyers d’opposition démontrent une militarisation des aléas naturels. 

International : le pari de la Chine

En 2024, le développement majeur se trouve du côté de la Chine. De 2021 à fin 2023, Pékin avait gardé de prudentes distances avec le régime, et même tacitement approuvé l’« Opération 1027 » pour lutter contre le crime transnational. Cependant, depuis lors, la déroute du SAC a démontré que le régime court à sa perte sous la direction de Min Aung Hlaing, qu’une victoire de la résistance est une possibilité, et que le cas échéant, la Birmanie post-SAC pourrait pencher vers l’Occident. Un accord pragmatique semble donc avoir été noué : la Chine soutient le SAC pour éviter la défaite et le mettre dans une dynamique militaire plus positive. En échange, le SAC organise des élections qui, quel que soit leur niveau de transparence, seront reconnues par quelques États alliés, et qui devraient permettre d’enclencher une nouvelle dynamique politique — si possible sans Min Aung Hlaing.

Depuis l’été 2024, Pékin multiplie les initiatives en faveur du SAC : blocus complet des territoires tenus par la résistance, transfert de 6 avions de chasse FTC-2000, rumeurs insistantes d’un prêt de trois milliards de dollars. Début novembre, Min Aung Hlaing fait même sa première visite officielle en Chine depuis 2021. Certes, il n’est pas reçu en visite d’État à Pékin, mais dans le cadre de sommets régionaux en province. S’il rencontre le Premier ministre Li Qiang et non le président Xi Jinping, cela constitue néanmoins une victoire politique pour le dirigeant birman. 

Ce soutien explicite de la Chine au SAC suscite l’indignation des Birmans, qui y voient une ingérence étrangère pour faire pencher la balance d’un combat déjà inégal. Le 18 novembre 2024, une explosion de faible ampleur se produit au consulat chinois de Mandalay. Aucune revendication n’est émise, et le calme revient vite, mais l’épisode illustre bien la tension croissante autour de l’influence chinoise. 

En parallèle, le SAC continue d’entretenir des relations très cordiales avec la Russie et l’Inde, qui multiplient les visites de haut niveau. En Thaïlande, la relative instabilité politique rend peu lisible la stratégie vis-à-vis de la Birmanie.

Au Bangladesh, la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina en aout 2024 et l’arrivée de Muhammad Yunus au gouvernement intérimaire ont nourri les espoirs d’un traitement plus humain de la question rohingya, dont un million de membres vivent comme réfugiés autour de Cox’s Bazaar, mais il n’en est rien. Le soutien aux groupes armés rohingya anti-AA ne fait même qu’alimenter le conflit.

Au niveau multilatéral, l’ASEAN, poussée en première ligne par la communauté internationale depuis 2021, semble s’être désintéressée de ce conflit insoluble. En 2023, la présidence indonésienne avait été très discrète, officiellement pour construire la confiance. En 2024, la présidence laotienne a été encore plus discrète et, en cette fin de mandat, n’a guère de résultat tangible à présenter. En 2025, Vientiane va passer le flambeau à Kuala Lumpur, qui a toujours été combative sur la question birmane.

Enfin, il y a du mouvement au poste d’Envoyé Spécial de l’ONU pour la Birmanie. La Singapourienne Noeleen Heyzer a connu un court et frustrant mandat (octobre 2021 – juin 2023). Après presqu’un an de vacance, l’ancienne ministre des Affaires étrangères australienne Julie Bishop est enfin nommée à ce poste en avril 2024. Elle choisit la discrétion, à tel point que l’on n’apprend qu’après coup sa visite secrète à Nay Pyi Taw vers octobre, et sa rencontre avec Min Aung Hlaing. 



Tim Gascon

Le MI5 fête ses 115 ans avec une exposition inédite à Londres

 

C’est une première pour le MI5: les renseignements intérieurs britanniques, nés il y a 115 ans, dévoilent dans une exposition à Londres, quelques-uns de leurs secrets historiques, avec des confessions d’agents doubles et bien sûr des gadgets d’espions.

Karl Muller a été l’une des premières grandes prises du MI5, en 1915. Cet espion allemand avait été repéré par les agents britanniques, mais c’est un simple citron, montré dans l’exposition «MI5: Official Secrets», qui l’a fait tomber.

5 000 employés

Muller a affirmé qu’il utilisait cet agrume, trouvé dans son manteau lors de son arrestation, pour se nettoyer les dents. Le citron lui servait en réalité d’encre invisible: dans une lettre a priori banale interceptée par le MI5, il informait ses supérieurs des mouvements des troupes britanniques pendant la guerre. Il a été exécuté peu après à la Tour de Londres.

Le MI5 avait été fondé quelques années plus tôt sur fond de peur d’une invasion allemande. Vernon Kell, un officier de l’armée, en a été le premier chef. Aujourd’hui, le MI5, le cousin du MI6, les services extérieurs rendus célèbres par James Bond, compte plus de 5 000 employés.

Des choses extraordinaires

«Ayant travaillé pour le MI5 pendant près de trente ans, je peux vous dire que la réalité de notre travail est souvent différente de la fiction», a expliqué le directeur du MI5, Ken McCallum, lors de la présentation de l’exposition, organisée avec les Archives nationales, à Kew, dans l’ouest de Londres.

«La vie du MI5, c’est l’histoire d’êtres humains ordinaires qui, ensemble, font des choses extraordinaires pour assurer la sécurité de notre pays», a-t-il ajouté.

Un obus de mortier

L’exposition qui ouvre samedi ne cache pas certains épisodes peu glorieux de l’agence. La section consacrée à la guerre froide comprend une mallette laissée dans un club londonien par le diplomate britannique, agent double russe dès la Seconde Guerre mondiale, Guy Burgess, lorsqu’il s’est enfui à Moscou en 1951 par peur d’être découvert. Elle porte ses initiales. Son passeport est montré pour la première fois.

L’exposition présente aussi une note confirmant que le secrétaire privé d’Elizabeth II avait parlé à cette dernière au début des années 70 du fait qu’Anthony Blunt, son conseiller artistique, était un agent soviétique. La reine a réagi «très calmement et sans surprise», est-il précisé.

Parmi les objets les plus récents exposés: un obus de mortier tiré dans le jardin du 10 Downing Street, la résidence du Premier ministre britannique, par l’IRA, l’Armée républicaine irlandaise, en 1991.

Exposition gratuite

L’exposition est ponctuée de commentaires d’agents du MI5, anonymes. «Les agents continuent d’être l’une des plus importantes sources de renseignements du MI5», écrivait l’un d’eux en 2024. Mais la gestion des agents reste «complexe», ajoutait-il, posant plusieurs questions: «Quelle est leur motivation?», «Disent-ils la vérité?», «Comment savez-vous s’ils travaillent pour l’autre côté?».

Pour ceux qui rêvent du MI5, des tests sont proposés, avec une question centrale: «Pourriez-vous être un espion?». Il y a un test de mémoire: «Vous avez dix secondes pour retenir le plus d’informations possible». Un autre permet d’évaluer ses compétences en décodage. L’exposition, qui est gratuite, se termine le 28 septembre.

AFP

Le directeur de la NSA limogé

 

Wendy Noble, numéro deux de la NSA, un puissant service d'écoute et de cyberespionnage, a également été remerciée, selon le Washington Post, citant des responsables américains sous couvert d'anonymat. Contacté par l'AFP, le ministère américain de la Défense, dont dépend l'agence, n'a pas répondu dans l'immédiat.

Le général Haugh, qui était également à la tête des opérations de cyberdéfense du Pentagone (Cyber Command), avait pris ses fonctions de directeur de la NSA il y a un peu plus d'un an seulement.

«A un moment où les Etats-Unis font face à des cybermenaces sans précédent (...), en quoi le fait de le licencier met-il les Américains plus en sécurité?», s'est interrogé sur X le sénateur démocrate de Virginie, Mark Warner.

«Le général Haugh est un leader honnête et franc qui respectait la loi et mettait la sécurité nationale au-dessus de tout. Je crains que ce soient précisément ces qualités qui aient pu conduire à son licenciement sous cette administration», a également réagi le député démocrate Jim Himes.

Influenceuse complotiste

Selon le New York Times, l'influenceuse complotiste Laura Loomer aurait demandé le limogeage de Timothy Haugh au président américain Donald Trump lors d'une rencontre à la Maison Blanche mercredi. «Le directeur de la NSA Tim Haugh et sa directrice adjointe Wendy Noble ont fait preuve de déloyauté envers le président Trump. C'est la raison pour laquelle ils ont été renvoyés», a-t-elle écrit sur X.

Donald Trump a reconnu jeudi être à l'écoute de Laura Loomer, qu'il a qualifiée de «grande patriote». «Elle fait des recommandations et parfois j'écoute ces recommandations», a-t-il déclaré. «Elle a toujours quelque chose à dire et c'est généralement constructif».

Depuis son retour au pouvoir en janvier, le dirigeant républicain a lancé une vaste réorganisation de l'armée, limogeant notamment le chef d'état-major Charles Brown.

bluewin.ch

Trump dynamite le libre échange

 

Depuis son élection, le 4 novembre, et surtout depuis son investiture, le 20 janvier, Donald Trump provoque tsunami sur tremblement de terre. La tentative d’assassinat dont il a été victime le 13 juillet dernier à Meridian (Pennsylvanie), l’a habité de la conviction qu’il est investi d’une mission divine avec les pleins pouvoirs. Il aurait le droit, voire le devoir de tout dire, tout faire, d’humilier ses partenaires, de dénigrer ses alliés ! Chaque jour, il nous réserve son lot de surprises avec une brutalité digne d’Attila.

Tabula rasa !

Cette phrase de l’Internationale, « du passé, faisons table rase », semble être devenue la devise de l’Internationale réactionnaire en cours de constitution.

Laissons de côté les sujets internes pour n’examiner que les problématiques internationales.

Donald Trump, homme de paix ?

« Tel un cabri » pour reprendre l’expression du General de Gaulle, Donald Trump ne cesse de proclamer qu’il veut la paix, qu’il ne souhaite que la paix, qu’il n’a jamais entraîné son pays dans une guerre…

Que peut-on retenir de son 1er mandat ? Indiscutablement, son formidable succès des Accords d’Abraham ! Mais, il ne faut pas oublier que malgré toutes les concessions, il n’a rien obtenu du président Nord-Coréen. De même, avec sa volonté de quitter rapidement l’Afghanistan et de trouver un accord avec les Talibans, il leur a ouvert la voie du retour à Kaboul, même si son successeur porte une part de responsabilité.

En fait, depuis les guerres de George Bush Jr en Afghanistan, et surtout en Irak, un consensus s’est établi à Washington qu’il fallait mettre fin aux guerres impériales. Pendant que les Américains guerroyaient de par le monde, les Chinois renforçaient leur économie.

Nombreux sont aujourd’hui ses zélateurs qui réclament pour lui le « prix Nobel de la paix », ne serait-ce que pour faire mieux que son ennemi Barack Obama. Ce dernier avait obtenu cette distinction seulement huit mois après son investiture. L’Académie d’Oslo avait tenu à saluer « … ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples… », ses discours qui n’ont été ni précédé ni suivi d’actes pendant huit ans.

Donald Trump a raison de vouloir mettre fin à 3 ans de guerre meurtrière en Ukraine et y instaurer la paix.

Le refus du président Volodymyr Zelensky de s’enfuir de son pays en février 2022, le courage des Ukrainiens et le retrait des troupes russes ont conduit l’Occident à se ranger derrière Kiev. Une aide qui a donné des ambitions aux Ukrainiens surtout après le retrait russe de Kherson, le 11 novembre 2022.

Alors qu’il s’agissait d’un repli stratégique derrière le Dniepr, il a été interprété à tort comme une débandade de l’armée russe. S’ensuivit le sentiment qu’il était possible de bouter les Russes hors d’Ukraine, y compris de la Crimée et le début d’une contre-offensive.

Nous avons eu droit à des débats sans fin, attisés par les chaines d’information continue, sur les livraisons de chars, de défenses anti-aérienne, d’avions… Pourtant, jamais, l’Occident n’aurait dû encourager une telle contre-offensive car, quelles qu’aient été les faiblesses de l’armée russe, le rapport humain demeurait toujours en sa faveur. Il y a un consensus pour considérer qu’une telle attaque ne peut se faire sans un rapport humain de 1 à 5, voire 7. On était loin du compte, très loin du compte. L’armée ukrainienne, malgré quelques grignotages, a buté sur les 3 lignes de défense russes ; fin décembre 2023, après 7 mois, le constat d’échec s’est imposé !

Depuis 15 mois, le conflit s’enlise malgré les succès ukrainiens en mer d’Azov et sur le sol russe dans la région de Koursk et les avancées limitées des russo-coréens. L’impasse était totale.

Il convient de saluer la démarche de Trump d’essayer de ramener les belligérants à la table des négociations. L’intention est plus que louable. Le bât blesse avec la méthode.

Sans que ce soit risible, son seul ami est aujourd’hui Vladimir Poutine !

Deux mois et demi après son investiture, Trump n’a rien obtenu, ni paix, ni cessez le feu. Il a pourtant mis M. Zelensky en situation de faiblesse en l’humiliant mais surtout en lui supprimant la livraison de renseignements, ce qui a permis à l’armée russe de récupérer les territoires perdus dans la région de Koursk, et en remettant en cause l’aide américaine.

Trump cherchait-il vraiment la paix en Ukraine ?

N’a-t-il pas plutôt cherché à troquer avec Poutine l’Ukraine contre ses propres visées territoriales sur le Canada, le Groenland ou le canal de Panama ? Au passage, il a fait main basse sur les terres rares ukrainiennes.

Le détricotage du droit international

Les 4 votes américains au Conseil de sécurité et à l’Assemble générale (AG) des Nations Unies, le 24 février et le 2 mars 2025 marquent une double rupture :

  • Pour marquer le 3ème anniversaire de l’agression russe, l’Ukraine a présenté, le 24 février, à l’AG une résolution réclamant le retrait des troupes russes des territoires ukrainiens et l’arrêt des hostilités. L’administration Trump a voté contre avec la Russie, la Biélorussie, la Corée du Nord, la Hongrie, le Nicaragua, le Mali, et 11 autres pays ; en revanche, 93 ont voté pour, et 65 se sont abstenus.

Le 24 février, une résolution américaine au Conseil de sécurité réclamant la fin immédiate du conflit sans rappeler l’exigence du respect de l’intégrité territoriale de l’Ukraine était votée par les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Algérie, le Guyana, la Pakistan, le Sierra Leone…

Deux autres résolutions à l’AG, le 2 mars, enregistraient cette nouvelle cartographie onusienne et l’explosion du camp occidental.

  • Deux des principes fondamentaux du droit international, l’intégrité territoriale et l’inviolabilité des frontières ont volé en éclat en quelques jours. Depuis 1944, l’intangibilité des frontières a permis d’éviter de nombreux conflits en Afrique, nonobstant leurs incohérences du fait de découpages coloniaux arbitraires.

Sous prétexte de vouloir obtenir une « paix » rapide en Ukraine, le président américain n’y concourt pas ; la reddition sans conditions qu’il préconise mettra en évidence l’injustice d’une solution imposée et alimentera les ressentiments et les désirs de revanche. Il eût mieux valu qu’il retire purement et simplement son soutien diplomatique, financier et militaire à l’Ukraine, sans chercher à imposer la victoire poutinienne, et encore moins à faire croire qu’il est un « faiseur de « paix ».

En bafouant ces principes fondamentaux du droit international, Donald Trump pourrait justifier de nombreuses revendications et guerres latentes.

La dépréciation, voire la fin de la crédibilité américaine

Donald Trump nous a renvoyés à l’état de nature où la force prévaut sur le respect de certaines règles constituant des barrières contre la violence et la barbarie. Telle la « licence pour tuer » accordée à James Bond, Donald Trump a donné un blanc-seing à tous les dictateurs qui rêvent de conquêtes militaires.

 

Qui serait légitime demain pour :

  • Empêcher la Chine d’envahir Taïwan, contenir ses menées expansionnistes en mer de Chine contre le Japon, les Philippines, le Vietnam…, la retenir pour s’approprier avec la Corée du Nord la Corée du Sud… Les dernières manœuvres militaires chinoises autour de Taïwan laissent présager le pire !
  • Contenir l’expansionnisme iranien sur tout le Proche Orient
  • Retenir la Turquie dans ses objectifs à Chypre, en Lybie ou en Syrie…
  • Calmer certaines ardeurs de pays africains… ?

En préconisant et favorisant un retour au « tohu bohu », Donald Trump va pouvoir mener ses propres opérations de conquêtes. Au-delà de ses visées territoriales, c’est toute la crédibilité de la dissuasion américaine, y compris nucléaire, qui est sapée.

Donald Trump était censé nous donner des leçons dans l’art de la négociation. Tout lâcher dans le cadre d’un exercice de télé-réalité pendant que les collaborateurs de Poutine rappellent le maintien de tous leurs objectifs russes… Contraindre Volodymyr Zelensky à « se soumettre ou se démettre » … Exiger a posteriori que les États-Unis soient remboursés de leur soutien sur la base de chiffres exagérés… ne relèvent pas d’un négociateur exceptionnel.

Donald Trump n’inscrit pas son pays dans une continuité historique, quelles que soient ses intentions louables de mettre fin à un bain de sang en Ukraine et à épargner le contribuable américain. Il gère les affaires de l’État en joueur de poker alors qu’il a en face de lui un maître russe d’échecs et un praticien chinois de go.

La remise en cause de la gouvernance mondiale

En déclenchant une guerre commerciale mondiale, Donald Trump a ouvert la boite de Pandore d’une déstabilisation profonde du système économique mondial.

Rappelons-nous ! Lorsque l’Américain Harry Dexter White et le britannique John Maynard Keynes ont commencé en 1942 à travailler sur l’architecture économico-financière de l’après-guerre, ils avaient convenu que, dans l’entre-deux-guerres, l’augmentation des droits de douane et son corollaire avec la multiplication des dévaluations compétitives avaient été considérées comme un des facteurs de l’antagonisme entre les nations, un des ferments de la guerre.

Ce constat avait conduit à créer le Fonds monétaire international (FMI), gardien des changes et à signer les Accords généraux sur le commerce et les tarifs (General aggreement on trade and tariffs, GATT), chargés de désarmer les protections douanières.

La perte d’influence du FMI s’est effectuée en deux étapes :

  • Les Accords de la Jamaïque en 1975 avec la fin des changes fixes ont été le point d’aboutissement de la période ouverte par Washington en 1971. Incapables de contrôler ses déficits, les États-Unis, pour solder le coût de la guerre du Vietnam, « ont cassé le thermomètre » avec la fin de l’étalon-or, la convertibilité du dollar en or, et, in fine, la remise en cause des changes fixes. Toute la construction de l’après-guerre avec ses disciplines a été jetée aux orties.

N’ayant plus d’objet, le FMI s’est réinventé en devenant le financeur des pays en développement. « De gardien des changes », le FMI est devenu un « faiseur de plans d’ajustement structurel ».

  • Le dumping monétaire chinois Depuis plus de deux siècles et Adam Smith, le père de l’économie politique, tous s’accordent à considérer que l’échange international est profitable sous réserve que certaines règles soient respectées dont le retour à l’équilibre extérieur par la modification des prix relatifs et des taux de change.

Un pays en déficit structurel doit déprécier sa monnaie pour que la modification des prix relatifs lui permette de retrouver de la compétitivité. En sens inverse, un pays en excédent structurel doit apprécier sa monnaie pour écorner sa compétitivité et permettre le retour à l’équilibre. À défaut l’échange n’est pas équitable.

Alors que l’Empire du Milieu ne cesse d’accumuler des excédents commerciaux et que ses partenaires cultivent les déficits, les autorités de Pékin continuent de manipuler leur monnaie en la dépréciant, au lieu de la réévaluer.

Le constat peut être identique tant pour l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle est en panne depuis plusieurs années ne serait-ce que parce que Washington n’a pas désigné son représentant à l’instance d’arbitrage.

Alors que les Accords de Marrakech en 1994 avec le passage du GATT à l’OMC constituaient une véritable avancée de la gouvernance mondiale, les coups de boutoir des tentatives protectionnistes américaines et les différents dumpings chinois ont bloqué l’institution… Aujourd’hui, Trump a enterré l’OMC, le libre-échange, voire la mondialisation.

Mais n’oublions pas que l’échange international repose sur les prix relatifs qui sont fonction de la compétitivité, des droits de douane, mais aussi du taux de change. Aussi, la guerre commerciale déclarée par Donald Trump ouvre la perspective d’une vraisemblable guerre monétaire.

Un FMI sans intérêt, une OMC en état de « mort cérébral », une machine onusienne complétement déclassée par les deals entre les trois grands et par ses propres dérives (cf. ma chronique du 7 octobre 2024 « la faillite du machin ») … C’est toute la gouvernance mondiale créée après 1945 qui est battue en brèche.

Seule la Banque mondiale pourrait peut-être continuer à jouer son rôle malgré l’absence de « success story » en matière de développement et la contestation de banques régionales ou continentales au premier rang desquelles la banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (BAII) ; cette dernière a été créée par Xi Jinping en 2013 pour consolider « les routes de la soie » et la mainmise de l’Empire du Milieu sur les pays asiatiques.

Mais, si Washington diminuait ses financements comme ils ont remis en cause ceux de l’USAID, l’avenir de la Banque mondiale serait problématique.

Les fausses certitudes de Donald Trump

Donald Trump a raison de vouloir combattre les déficits jumeaux américains, le déficit du budget fédéral frère du déficit de la balance commerciale. Rappelons-nous que dès 1960, le général de Gaulle critiquait ces déficits et l’absence de discipline des Américains dans la gestion de leurs comptes.

Donald Trump a raison de vouloir combattre la désindustrialisation des États-Unis et d’éviter que l’industrie ne se limite au complexe militaro-industriel.

Mais, Donald Trump occulte :

  • Le coût des guerres. Selon certaines estimations de chercheurs américains, les guerres en Afghanistan, Irak et Syrie auraient coûté au contribuable américain 6 000 Md$ sans compter les 2 000 Mds du service aux vétérans, près de 20 % des 36 000 Mds de dette publique fédérale américaine.
  • La perte de compétitivité de l’économie américaine, notamment à cause du coût salarial et d’un dollar sur apprécié pour permettre les souscriptions de bons du Trésor américain.
  • L’imbrication des pays dans les chaines de valeur des multinationales et les droits de douane vont perturber les productions. L’exemple de l’automobile est, à cet égard, intéressant. L’administration Trump est revenue sur les premières annonces pour le Canada et le Mexique ; les chaînes de production sont en partie installées dans ces deux pays ; les pièces et véhicules font de nombreux allers-retours au cours de leur fabrication.
  • Les difficultés de l’industrie automobile américaine ou d’entreprises comme Boeing ne résultent pas des droits de douane, mais d’erreurs stratégiques.

Tout ces effets auraient pu être limités si nous avions respectés les règles du commerce international à savoir que tout déséquilibre commercial doit être corrigé par une modification des changes.

Par ailleurs, Donald Trump sous-estime que :

  • L’augmentation des droits de douane entraine certes une hausse des recettes de l’État fédéral, mais qui n’est pas proportionnelle à cause de la probable baisse des importations
  • L’augmentation des droits de douane se traduit mécaniquement par une hausse des prix des produits importés, et, en attendant qu’une production locale prenne le relais, cela alimentera une inflation
  • La guerre commerciale ouverte par Donald Trump va automatiquement entrainer une diminution des échanges internationaux et donc des productions, ce qui est de nature à provoquer un mouvement récessif également impacté par l’incertitude créée pour les opérateurs économiques.

La conduite de l’économie mondiale va devenir de plus en plus difficile d’autant que les instances de coordination auront du mal à fonctionner.

Vers un réveil de l’Europe ?

Aujourd’hui, Trump bouscule l’Europe.

La fin de la protection américaine la met à la portée d’un prédateur. Le risque russe n’est pour autant pas immédiat tant Moscou est à la peine en Ukraine ; mais, les prétentions russes sont toujours présentes.

La mobilisation de l’Europe est compliquée par la présence dans l’Union de pays favorables à la Russie comme la Hongrie ou peu sensibles à la menace russe comme l’Espagne et l’Italie.

Les exemples de division sont nombreux. L’un d’entre eux est particulièrement éclairant ; le Danemark envisage de faire une commande « historique » de F35 alors que les visées sur le Groenland sont de plus en plus pressantes !

Avoir invité la Turquie à la conférence de Lancaster House avait probablement pour objectif d’afficher, avec la présence de Justin Trudeau, la tenue de la 1ère réunion de l’OTAN sans les Etats-Unis. Néanmoins, cela est revenu à oublier qu’Ankara a envahi et occupé la moitié de Chypre depuis l’été 1974, à fermer les yeux sur la violation de l’intégrité territoriale d’un pays européen.

L’augmentation de droits de douane va bousculer l’économie européenne. Mais l’Europe a tous les moyens juridiques, économiques et financiers pour faire face à cette agression américaine. Cela exige union et volonté. Si l’Europe veut écrire sa propre histoire, il est grand temps de ne pas se comporter comme les bourgeois de Calais !

L’heure de vérité a sonné pour l’Europe.

Dov Zerav

mondafrique.com

Le GIGN s’associe à Swiss P Defence pour développer une cartouche de type 6,5 mm Grendel

 

À l’occasion du dernier SOFINS [Special Operations Forces Innovation Network Seminar], le salon dédié aux force spéciales organisé par le Cercle de l’Arbalète au camp de Souge, le fabricant suisse de munitions de petit calibre SwissP Defence a fait savoir qu’il venait de signer un accord de partenariat avec le Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale [GIGN] en vue de développer une nouvelle cartouche de type 6,5 mm Grendel.

Cette munition de 6,5 x 39 mm a été conçue par l’armurier Bill Alexander, le tireur sportif Arne Brennan et le balisticien finlandais Janne Pohjoispää pour améliorer la puissance, la précision et la portée du fusil d’assaut AR-15. Dévoilée en 2003, il avait été démontré, lors d’essais, que ses performances étaient supérieures à celle du calibre 7,62 mm Otan, notamment grâce à un coefficient balistique plus élevé.

Pour rappel, le GIGN utilise le calibre 7,62 x 39 mm avec le fusil d’assaut CZ Bren 2, acquis auprès de l’armurier tchèque Ceska Zbrojovka, en 2017. Il s’agissait de disposer d’une arme au pouvoir d’arrêt, c’est-à-dire ayant la capacité à mettre un adversaire protégé par un gilet pare-balles hors de combat dès le premier impact, supérieur à celles alors en dotation.

Récemment repris par le groupe italien Berreta Defense Technologies, SwissP Defence explique que la 6,5 mm Grendel « allie précision maximale, portée accrue et performances optimisée pour répondre aux besoins du GIGN ». Pour son PDG, cette coopération avec « constitue une étape importante dans le développement de [la] technologie liées aux munitions » de l’entreprise.

La cartouche 6,5 mm Grendel développée par SwissP Defence se déclinera en trois versions : FMJ pour l’entraînement, Styx Action pour les tirs d’arrêt et Target, pour les tirs de précision à longue distance.

« Le GIGN est l’une des forces spéciales les plus performantes au monde et impose des exigences très élevées à ses équipements. Ensemble, nous créons une cartouche qui établit de nouvelles normes en matière de performance et de fiabilité », a commenté un membre de l’unité d’élite de la Gendarmerie nationale. « La 6,5 mm Grendel sera décisive pour nos opérations futures », a-t-il ajouté.

À noter que l’usine suisse de SwissP Defence, implantée dans le canton de Berne, pourrait être délocalisée prochainement, Beretta souhaitant s’affranchir du régime suisse d’exportation des armes et des munitions, qu’il juge trop strict. Et cela alors que l’armurier était la propriété de la Confédération jusqu’en 2022. D’où la polémique sur une éventuelle dépendance de l’armée suisse pour en matière de munitions de petit calibre.

« Une garantie de site de cinq ans a été convenue au moment de la reprise du site par Beretta. Mais une fois le délai écoulé, rien n’empêchera le propriétaire de tirer la prise, ce qui inquiète bon nombre d’élus », a en effet récemment résumé le journal Blick, en mars dernier.

opex360.com