Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 20 décembre 2024

Meurtre de Lina : plus de huit millions d'informations traitées

 

Plus de huit millions et demi d'informations traitées, des centaines d'auditions, des milliers de pièces de procédure... et un soupçon de chance. La masse d'investigations pour retrouver le corps de Lina, adolescente disparue à Plaine en septembre 2023 a été colossale pour les enquêteurs de la gendarmerie. "C'est une enquête un peu hors du commun par l'ampleur des investigations qu'elle a nécessitées", explique ce vendredi le général Dominique Lambert, sous-directeur de la police judiciaire à l'AFP, au lendemain de l'annonce des résultats de l'autopsie, qui laissent supposer que la jeune fille a été étranglée.

300 voitures fouillées, 400 auditions

"Plus de 300 voitures ont fait l'objet d'une étude approfondie, dont une vingtaine des constatations de police technique très poussées. Il y a eu plus de 400 auditions, plus de 6.000 pièces de procédure, et la base de données d'analyse criminelle de ce dossier contient pratiquement 8 millions et demi d'informations, ce qui est énorme", continue le général. Pour les enquêteurs, la disparition de Lina sur un chemin boisé, "c'est la pire hypothèse", souligne le général Lambert, "Celle du rôdeur de passage, qui n'était jamais passé dans le coin, qui n'y est jamais repassé, qui n'a aucun lien personnel, familial, amical quelconque dans le coin. Pourquoi Samuel Gonin est-il passé à cet endroit-là, à ce moment-là ? Malheureusement, on ne le saura jamais".

Ce qui a débloqué l'enquête, c'est de retrouver la voiture de Samuel Gonin rappelle l'enquêteur. Une voiture qui va être retrouvée près de Narbonne, où Samuel Gonin avait été arrêté en janvier dernier. La Ford Puma est restée des mois en fourrière. Ce véhicule est arrivé dans le radar des enquêteurs parce qu'il était passé dans le tunnel de Schirmeck, à quelques kilomètres du lieu de disparition de Lina, le matin des faits. Il a fait partie des centaines de véhicules vérifiés. Le propriétaire de la voiture volée avait été remboursé par son assurance, et "l'assureur allemand n'a pas récupéré le véhicule", relève M. Lambert. "C'est ça qui a fait que le véhicule a été laissé en déshérence dans cette fourrière. Dans une enquête comme ça, il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail, et puis un tout petit peu de chance à un moment".

"Le coup de chance de la voiture"

"Le coup de chance dans ce dossier, c'est que la voiture de Samuel Gonin, n'a pas été réclamée par l'assureur et qu'elle est restée en fourrière. Sinon cette piste-là n'aurait jamais abouti : sans la voiture, on n'aurait pas pu établir de lien objectif entre Samuel Gonin et les faits." L'homme, qui avait sombré dans une vie de drogue et d'errance, "avait travaillé chez Ford pendant un temps" et connaissait donc bien ce modèle qu'il avait volé. Il en avait désactivé le système de géolocalisation. "C'est aussi ça qui a retardé l'identification de la voiture", poursuit le général Lambert. Mais grâce au système multimédia embarqué, les enquêteurs disposent de points de passage et d'arrêt du véhicule, à défaut de son parcours précis.

Des recherches poussées sont menées dans plusieurs endroits où Samuel Gonin s'est arrêté après la disparition de Lina, avant que le corps ne soit finalement découvert dans un petit cours d'eau, près de Nevers, à près de 500 kilomètres de chez elle. "Le corps était dissimulé dans le lit d'une rivière. Il était très difficile à voir. Mais les recherches sur les différents points d'arrêt de la voiture ont été extrêmement méticuleuses", insiste le général Lambert. "Les enquêteurs qui l'ont trouvé sont ceux qui progressaient dans le cours d'eau. On peut penser que le corps était à cet endroit-là depuis le début."

Les investigations sont maintenant presque achevées : "Il reste à terminer de mettre en forme la procédure. Il y a quelques ultimes vérifications en cours sur la voiture. De toutes façons, on ne pourra pas aller beaucoup plus loin en l'absence de possibilité d'avoir plus de détails de la part de M. Gonin", regrette le général Lambert.

L'adolescente est sans doute morte étranglée avec les lanières d'un tote-bag

Lina est vraisemblablement morte par strangulation, étranglée par les anses d'un tote-bag. C'est ce que révèle ce jeudi soir le procureur de la République de Strasbourg dans un communiqué. L'adolescente de 15 ans avait disparu en septembre 2023 alors qu'elle avait quitté à pied son village de Plaine dans le Bas-Rhin, pour se rendre à la gare de Saint-Blaise-la-Roche. Son corps avait été retrouvé en octobre dans un cours d'eau près de Nevers. Depuis, une autopsie et de nombreuses analyses ont été pratiquées sur son corps pour déterminer les causes de la mort et tenter d'en savoir plus sur les circonstances de sa disparition.

Leur conclusion donc : Lina est morte étranglée par les lanières d'un tote-bag. Mais les experts restent cependant très prudents. La cause du décès de l'adolescente n'a pas pu être déterminée formellement. Il faut dire, précise le procureur de la République de Strasbourg, que le corps a séjourné plus d'un an dans l'eau et était donc très dégradé au moment de sa découverte. Seule conclusion formelle possible : Lina n'est pas morte noyée.

Vu l'état du corps, impossible donc de pratiquer des examens gynécologiques. Aucune trace d'ADN de Samuel Gonin, le tueur présumé, n'a par ailleurs pu être retrouvé sur les vêtements de la victime. Aucune autre lésion que les traces laissées par les anses du sac en tissu sur le cou de la victime n'ont par ailleurs été découvertes.

Tout plaide donc pour une action solitaire de cet homme qui s'est depuis donné la mort affirme le procureur. La justice a aussi tenté d'établir des liens entre la disparition de Lina et d'autres faits similaires, avec le même auteur, mais sans succès. D'autres investigations sont encore en cours. Et selon toute probabilité, l'information judiciaire sera clôturée d'ici la fin du premier semestre 2025.

Antoine Balandra

francebleu.fr

Colis piégés à Genève: derrière les dispositifs piégés, d’énormes demandes de rançon

 

L’affaire des dispositifs piégés a connu de spectaculaires avancées en cette fin de semaine. Ce vendredi, la «Tribune de Genève» a révélé que Patek Philippe, la manufacture horlogère dont des employés avaient été visés par l’explosion d’un sac-poubelle à Saint-Jean (le 20 août), et d’une boîte aux lettres à la Petite-Boissière (le 25 novembre), avait fait l’objet de menaces et d’astronomiques demandes de rançon.

Dans le même temps, on apprenait qu’avant ces deux explosions, un premier dispositif piégé avait été placé début avril dans une boîte à lait à Plan-les-Ouates. Cette nuit-là, à minuit et demi, un père de famille a ouvert ladite boîte à lait. De quoi déclencher un dispositif piégé, en l’occurrence une arme à feu conçue avec une imprimante 3D. La munition a percuté la porte de la boîte, sans la traverser. Une forte détonation a retenti, accompagnée d’un nuage de fumée et d’une odeur de pétard. Au sol, ont été retrouvés une douille et des déchets en plastique.

Deux frères arrêtés et mis en prévention

Mercredi, deux frères avaient été interpellés en lien avec ces faits, l’un âgé de 26 ans à Genève, l’autre, de 32 ans, en Valais. Leur rôle exact dans cette affaire demeure inconnu, mais on connaît les motifs pour lesquels ils ont été mis en prévention: tentative de meurtre, mise en danger de la vie d’autrui (pour rappel, les deux dernières explosions avaient blessé un homme aux jambes et grièvement blessé une fillette – aujourd’hui sortie de l’hôpital – au ventre), usage d’explosifs et tentative d’extorsion et de chantage.

Le téléphone du cadet a borné dans les trois lieux précités, pas forcément au moment des faits. Les enquêteurs émettent trois hypothèses: le hasard lié au fait que le Genevois effectue des livraisons; la coactivité ou l’utilisation de son natel par son aîné pour brouiller les pistes.

Dizaines de millions réclamés à Patek Philippe

Dans sa demande de mise en détention, le Ministère public de la Confédération (MPC) énumère les demandes de rançons envoyées à Patek Philippe: le 4 juillet, 5 millions d’euros en monero (une cryptomonnaie) à verser dans les cinq jours, sous peine de tuer quelqu’un d'ici au 30 octobre, mais aussi 10 millions d’euros à verser avant le 30 octobre, sous peine de tuer une seconde personne.

Le 28 novembre, une troisième demande est adressée à un administrateur de la manufacture horlogère, atteignant cette fois 20 millions d’euros en monero. Cette missive précise que les précédentes demandes sont restées lettre morte - «Vous avez pris la décision de ne pas protéger vos employés» – et fait référence à l’action «menée lundi», soit celle de la Petit-Boissière, ainsi qu’au fait d’avoir posé trois appareils. Dans ce courrier, le ou les auteurs menacent de s’en prendre à «un ressortissant chinois», sans exclure l’un des employés de Patek Philippe.

Migros et Favarger aussi menacés

La manufacture horlogère n’a pas été la seule visée: le 2 mai, Migros Genève a reçu une demande de rançon en monero indiquant que «cinq engins de mort» avaient été posés dans des boîtes aux lettres depuis janvier, dont un «à 100 mètres du magasin Migros de Plan-les-Ouates», une référence explicite à l’épisode du mois précédent.

Enfin, les documents du Parquet fédéral contiennent une énumération de demandes de rançon remontant à plusieurs années. Une lettre anonyme provenant de Belgique a été envoyée au chocolatier genevois Favarger le 4 avril 2019, réclamant 300’000 euros en bitcoins sous peine d’introduire du poison dans les produits de l’entreprise.

Une missive à la police vaudoise

Migros Zurich a reçu une lettre en allemand fin avril 2020, exigeant le versement de 1,5 million de dollars US, sans quoi un client ou un employé du groupe Migros serait tué. Puis, un nouveau courrier anonyme, précisant que Migros Zurich n’avait pas payé, a été adressé à Migros Genève le 28 juin 2020, le montant passant à 3 millions de francs suisses en bitcoins. Le même jour, une missive similaire est parvenue à l’état-major de la police vaudoise.

Les deux frères sont pour l’heure incarcérés. L’avocat de l'aîné, Me Vincent Spira a déclaré que son client niait toute implication dans les faits susmentionnés. Des demandes de mise en liberté sont pendantes auprès du Tribunal des mesures de contrainte.

Marie Prieur

20min.ch

L’Algérie premier fournisseur de gaz de l’Europe

 

En octobre 2024, le pays est devenu le premier fournisseur de gaz de l’Union européenne, devançant ainsi la Russie, selon un rapport du média russe Russia Today qui se base sur les dernières données d’Eurostat, la plateforme européenne de statistiques.

Ce changement de position s’inscrit dans un contexte de tensions géopolitiques exacerbées par la guerre en Ukraine. En effet, la Russie avait temporairement repris la tête des exportations de gaz vers l’UE en septembre, après avoir perdu cette position suite à l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Mais en octobre, l’Algérie a repris l’avantage en augmentant ses exportations de gaz vers l’Europe, atteignant un montant de 1,3 milliard d’euros, soit une hausse de 200 millions d’euros par rapport au mois précédent (1,1 milliard). En conséquence, l’Algérie a représenté 21,6 % des importations européennes de gaz en octobre, devant la Russie, qui a vu ses exportations chuter de 6 %, passant de 1,4 milliard à 1,3 milliard d’euros.

mondafrique.com

Les soucis judiciaires d’Alain Duménil, la bête noire de la DGSE

 

Dans quelques mois, il sera le personnage clef d’un procès hors-norme visant l’ancien patron des renseignements extérieurs (DGSE), Bernard Bajolet. L’homme d’affaires Alain Duménil accuse des espions de l’avoir menacé pour récupérer des fonds investis par la DGSE, il y a plus de vingt ans, dans un petit groupe de luxe. Lors du procès, cette ancienne gloire de la finance, reconvertie dans l’immobilier, devrait se présenter comme la victime d’une « vendetta » ourdie par les services secrets français. Mais des sociétés liées au millionnaire de 75 ans sont visées par plusieurs procédures judiciaires. Selon nos informations, le parquet de Paris mène deux enquêtes préliminaires, restées jusqu’à présent confidentielles, pour de possibles faits d’abus de biens sociaux et de fraude fiscale.

Dans la première, ouverte en 2023, les magistrats se penchent notamment sur deux sociétés : Paris Beausite Immobilier et la SAS du 155 Malesherbes, qui sont détenues par une société néerlandaise, domiciliée au Luxembourg et gérée officiellement par un proche d’Alain Duménil. Selon nos informations, il existe des doutes sur la réalité du travail effectué par plusieurs femmes salariées par ces sociétés : des contrats de travail de six mois, rémunérés 2 000 à 2 500 euros bruts mensuels, d’après des bulletins de salaire de 2019, consultés par Challenges, pour des postes de secrétaire administrative ou de collaboratrice comptable. Il s’agit aussi de vérifier si ces sociétés ont payé certaines de leurs dépenses personnelles. Des mails internes évoquent notamment un séjour à Saint-Tropez, à l’été 2018, pris en charge par la SAS du 155 Malesherbes, pour 15 781 euros.

Interrogé par Challenges, Alain Duménil dit apprendre l’existence de cette enquête. « Je n’ai jamais proposé de contrat fictif à qui que ce soit et je ne vois pas comment je pourrais faire des abus de biens sociaux dans des sociétés dont je ne suis ni dirigeant, ni administrateur, ni actionnaire. La seule société que je dirige est Acanthe Développement et, entre les contrôles permanents des commissaires aux comptes, du fisc et de l’Autorité des marchés financiers, je ne vois pas comment un euro pourrait être dépensé de travers ! A fortiori des frais médicaux, des études ou des vacances. Il y a peut-être eu des gens interrogés qui ont voulu rejeter la faute sur moi, mais je ne suis en rien concerné et d’ailleurs j’observe que personne n’est venu m’interroger. » L’homme d’affaires dénonce des « ragots » destinés à lui nuire et menace quiconque les colporterait, de plaintes pour dénonciation calomnieuse ou diffamation.

Paris Beausite Immobilier et la SAS du 155 Malesherbes ont été placées en liquidation judiciaire à l’automne 2024. En 2013, les deux sociétés avaient déjà été visées par un rapport de Tracfin, la cellule de renseignement de Bercy, qui a ensuite été transmis à la justice. Consulté par Challenges, le document évoque un « empilement de sociétés holdings en France et à l’étranger laissant supposer une volonté d’opacifier le montage juridique. » Les agents de Tracfin soupçonnent ces sociétés d’appartenir à Alain Duménil sans pouvoir le certifier.

Mais le rapport fait état de flux financiers non déclarés vers les comptes personnels de l’ancien gérant de Paris Beausite Immobilier, qui sera donc condamné pour blanchiment par le tribunal correctionnel de Valence en 2017. Ce gérant était aussi chargé de surveiller les résidences d’Alain Duménil avant de se fâcher avec lui et d’être écarté. « Il était régisseur, nous avons trouvé des irrégularités dans ses comptes, il a été licencié », nous précise l’homme d’affaires, qui n’a pas été inquiété par la justice dans cette affaire de blanchiment.

Démêlés avec le fisc

La seconde enquête a été ouverte suite une plainte du fisc en novembre 2021 visant SIF Développement. Avant sa liquidation judiciaire en 2020, cette société était détenue par l’une des filiales d’Acanthe Développement, la principale foncière d’Alain Duménil, qui apparaissait comme son bénéficiaire effectif. Après lui avoir infligé un redressement fiscal, Bercy lui réclamait plus d’un million au titre de l’impôt sur les sociétés. Mais le fisc n’a jamais vu un centime. Les magistrats cherchent donc à vérifier si les dirigeants de l’entreprise n’ont pas organisé frauduleusement son insolvabilité par compensation de créances au sein du groupe. « Je sais qu’il y a une enquête mais je ne sais pas quel est le problème, ni d’ailleurs s’il y en a un et encore moins en quoi je suis concerné », répond Alain Duménil, qui accumule les contentieux avec l’administration fiscale.

Comme l’a révélé le Canard Enchaîné, Bercy a aussi engagé des procédures contre Acanthe et Alliance Développement Capital. Elle estime que le millionnaire détient, en secret, plus de 60 % du capital des sociétés, qui ne pourraient donc pas bénéficier d’une exonération d’impôt sur les dividendes. Selon les comptes publiés, les « propositions de rectification » s’élèvent à 21 millions pour les années 2018 à 2023. Si le fisc portait plainte, le parquet pourrait remonter aux années antérieures, ce qui alourdirait la facture. Dans un droit de réponse au Canard Enchaîné, Alain Duménil affirme que le contrôle est toujours en cours : « Les rectifications sont contestées et débattues avec l’administration, qui n’a pas encore arrêté sa position définitive ». Il dément détenir plus de 60 % du capital, ayant cédé une partie des titres à un assureur luxembourgeois.

Bras de fer avec la DGSE

Ces enquêtes viennent s’ajouter à une troisième affaire instruite par un juge parisien : la faillite du groupe de luxe Alliance Designers, qui a fait d’Alain Duménil le grand ennemi de la DGSE. Le service secret, qui possède, depuis la Seconde Guerre mondiale, un « patrimoine privé » censé garantir son autonomie en cas d’invasion étrangère, avait investi une partie de ses fonds dans France Luxury Group. En grandes difficultés au début des années 2000, cette entreprise a appelé à la rescousse Alain Duménil, qui détenait déjà les costumes Smalto. Lors du rapprochement, les sociétés liées à la DGSE obtiennent des titres de Smalto Holding, rebaptisée Alliance Designers. Les différentes entités devaient fusionner et s’introduire en Bourse, permettant au service de récupérer ses billes. Mais Alain Duménil s’est livré à un tour de passe-passe qui a ramené ses participations à zéro.

« Les pertes du groupe étaient bien pires que ce que l’on m’avait présenté, j’ai dû remettre plus d’argent et procéder à une recapitalisation à laquelle ils ont refusé de participer », justifie ce dernier auprès de Challenges. L’opération a été jugée frauduleuse par la justice commerciale. Mais, entre-temps, Alliance Designers est devenue une coquille vide et placée en liquidation en 2011. Après l’ouverture d’une information judiciaire, Alain Duménil a été mis en examen en 2016. Il est accusé d’avoir aggravé le passif du groupe par des « opérations anormales » et d’avoir détourné ses actifs, en transférant Smalto à d’autres sociétés. Sa mise en examen a depuis été confirmée par la Cour d’appel. L’enquête, qui touche à sa fin, pourrait déboucher sur un procès.

Une légion d’honneur retrouvée

C’est ce bras de fer juridico-financier qui est à l’origine du procès pour tentative d’extorsion de Bernard Bajolet, dont la date sera connue le 23 janvier. L’épisode remonte cette fois à mars 2016. Deux espions ont fait arrêter Alain Duménil à l’aéroport de Roissy et l’auraient menacé, en lui montrant des photos de sa famille, pour le forcer à virer 15 millions sur un compte aux Bahamas. Les révélations de la presse ont poussé la DGSE à publier un communiqué inédit, qualifiant leur adversaire de « délinquant ». De son côté, l’ex-banquier accuse aussi les services secrets d’avoir commandité des agressions contre lui à Neuilly-sur-Seine et Saint-Tropez. C’est ce qu’il a déclaré, en mars 2023, dans l’émission Secrets d’Info sur France Inter. En réaction, selon nos informations, le ministère des Armées a porté plainte contre lui pour diffamation en avril 2023.

Au cœur de cette sombre mêlée judiciaire, Alain Duménil a tout de même obtenu un succès procédural. En 2019, le parquet de Paris avait ouvert une enquête pour abus de biens sociaux après les révélations du Nouvel Obs sur les 500 000 euros de « cadeaux » offerts par Smalto à l’ex-ministre Jack Lang. Or, en avril 2023, elle a été classée sans suite en raison de faits insuffisamment caractérisés. Autre petite victoire symbolique : suspendu temporairement, il y a dix ans, de l’ordre de la légion d’honneur en raison de ses condamnations – il avait alors houspillé le Grand chancelier de la Légion d’honneur - le trublion a récupéré sa breloque en octobre. Elle lui avait été décernée initialement par… un ancien directeur général des impôts.

David Bensoussan

Antoine Izambard

challenges.fr

La Russie a commencé à transférer des équipements militaires de la Syrie vers la Libye

 


En 1971, l’Union soviétique [URSS] signa un accord avec la Syrie afin d’avoir un accès à la Méditerranée en disposant d’un « point d’appui matériel et technique » à Tartous. Il s’agissait alors de pallier une éventuelle fermeture des détroits du Bosphore et des Dardanelles par la Turquie, membre de l’Otan.

L’implosion de l’URSS, en 1991, ne mit pas un terme à cet accord, la Russie ayant repris le relais. Et, à la faveur de l’intervention militaire décidée par le Kremlin pour soutenir le régime de Bachar el-Assad, le point d’appui de Tartous devint une base navale à part entière, avec, à la clé, l’agrandissement des installations portuaires afin de pouvoir accueillir jusqu’à onze navires simultanément.

Outre Tartous, Moscou obtint également de Damas l’autorisation d’établir une base aérienne permanente à Hmeimim, localité située à un cinquantaine de kilomètres plus au nord.

Depuis, ces deux implantations militaires en Syrie servent de point d’appui logistique pour les opérations menées par la Russie [via le groupe paramilitaire anciennement appelé Wagner] en Afrique, et plus particulièrement au Sahel. Mais pas seulement… car ils permettent également aux forces navales russes d’assurer une présence permanente en Méditerranée, ce qui n’est pas sans poser quelques « soucis » à certains pays riverains [mais pas seulement].

 » Le dispositif russe est de nature à restreindre fortement la liberté d’action de la France et de ses partenaires dans la zone. […] Les déploiements de nos capacités en Méditerranée orientale sont désormais régulièrement sources d’interactions, d’intensité variable, avec les forces russes », avaient en effet relevé les ex-députés Jean-Jacques Ferrara et Philippe Michel-Kleisbauer, dans un rapport publié en février 2022.

Ainsi, un an plus tôt, l’état-major russe avait envoyé à Hmeimim trois bombardiers Tu-22M3 « Backfire », pouvant emporter des missiles anti-navires supersoniques Kh-32, alors que les porte-avions Charles de Gaulle et HMS Queen Elizabeth étaient attendus en Méditerranée orientale.

Cela étant, n’ayant que très mollement soutenu le régime de Bachar el-Assad lors de l’offensive fulgurante menée par l’organisation Hayat Tahrir al-Cham [HTS] et les groupes rebelles affiliés à la Turquie, la Russie doit s’attendre à faire le deuil de ses deux bases en Syrie. D’ailleurs, selon l’imagerie satellitaire, elle a d’ores et déjà évacué le port de Tartous et s’apprête à en faire autant à Hmeimim.

Aussi, au regard de l’importance stratégique de ces deux bases, la chute de Bachar el-Assad peut être vue comme une « défaite » pour la Russie. Ce que le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a nié, lors d’une conférence de presse donnée le 19 décembre.

« On essaie de présenter ce qui s’est passé en Syrie comme une défaite de la Russie. Je vous assure que ce n’est pas le cas », a-t-il en effet déclaré. Et d’ajouter :  » Nous sommes venus en Syrie il y a dix ans pour éviter qu’une enclave terroriste y soit créée, comme en Afghanistan. Dans l’ensemble, nous avons atteint notre objectif. Ce n’est pas pour rien que, aujourd’hui, de nombreux pays européens et les États-Unis souhaitent établir des relations avec eux [les nouveaux dirigeants syriens, ndlr] ».

Au passage, on note que M. Poutine n’a toujours pas rencontré Bachar el-Assad, alors que celui-ci s’est réfugié à Moscou. « Je lui parlerai certainement », a-t-il seulement dit. Ce qui donne une idée des rapports entre les deux hommes.

Pour autant, si elle a « lâché » son allié syrien, c’est que la Russie a une solution de repli. Et elle l’a certainement trouvée en Libye, où la situation politique demeure inextricable.

Pour rappel, ce pays compte deux exécutifs rivaux qui ne sont pas plus légitimes l’un que l’autre. Ainsi, établi à Tripoli, le gouvernement d’unité nationale [GNU], dirigé par Abdel Hamid Dbeibah, se prévaut du soutien de la Turquie tandis que le gouvernement dit de « stabilité nationale », installé à Benghazi, contrôle la Cyrénaïque [est] et le Fezzan [sud] avec l’appui de l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, elle-même soutenue par plusieurs puissances étrangères, dont la Russie.

Ces derniers mois, Moscou, par l’intermédiaire de son vice-ministre de la Défense, Iounous-Bek Ievkourov, a multiplié les contacts avec le maréchal Haftar, officiellement pour évoquer la « coopération » et la « coordination » en matière de « formation et de maintenance des armes et équipements russes » livrés à l’ANL. Mais ces échanges auraient aussi porté sur l’implantation d’une base navale russe dans le port de Tobrouk.

Où en est ce projet ? Dans un entretien donné au quotidien La Repubblica [le 17/12], le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, a affirmé que la Russie était « en train de transférer des ressources de sa base syrienne de Tartous vers la Libye ». Et, selon le Wall Street Journal, il s’agirait de « systèmes de défense aérienne » S-300 et S-400, acheminés par des avions cargo vers les sites militaires contrôlés par l’ANL. En outre, Moscou envisagerait de moderniser le port de Tobrouk et d’avoir aussi un accès à celui de Benghazi.

« La Russie semble voir dans son ancien partenaire en Libye un moyen de conserver son influence dans la région et de soutenir une présence navale dans la zone, où les États-Unis et d’autres membres de l’Otan ont des bases et des navires de guerre », résume le journal financier américain.

D’où la mise en garde du chef du GNU. « Nous ne voulons pas que la Libye devienne une arène pour le règlement de conflits internationaux », a déclaré M. Dbeibah, sans confirmer le transfert d’unités russes. « Aucune personne dotée d’une once de patriotisme n’accepterait qu’une puissance étrangère vienne imposer son hégémonie et son autorité sur le pays et le peuple », a-t-il ajouté, lors d’une conférence de presse donnée ce 20 décembre.

« Une telle présence étrangère ne peut s’inscrire que dans le cadre d’accords entre pays pour la formation, l’instruction ou le matériel », a-t-il continué. « Mais que des forces entrent par la force et contre la volonté du peuple libyen, nous le rejetons totalement », a-t-il insisté.

Quoi qu’il en soit, la Russie ne perdrait sans doute pas au change en disposant de facilités militaires dans l’est de Libye, le port de Tobrouk lui permettant d’avoir une vue « imprenable » sur la Méditerranée centrale [Catane est à 1 000 km] et orientale [Athènes est à 650 km], voire d’y installer une bulle de déni et d’interdiction d’accès susceptibles de gêner les mouvements de l’Otan.

opex360.com