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lundi 14 juillet 2025

Quels enjeux agricoles mondiaux en 2025 ?

 

Vous avez sorti en février 2025 la 31e édition du rapport Déméter. Alors que l’on assiste à un bouleversement des relations internationales et des rapports de force, quel en est l’impact général sur le secteur de l’agriculture et de l’alimentation ?

L’agriculture est une activité ancestrale et universelle indispensable pour nourrir plusieurs fois par jour les 8 milliards d’habitants sur la planète, et les 1,5 à 2 milliards de personnes supplémentaires attendues d’ici 2050 (1). Parallèlement, l’urbanisation croissante et la hausse des revenus modifient les habitudes de consommation, tandis que les relations internationales se tendent et que les effets du changement climatique s’accélèrent. Par leur caractère vital et stratégique, les ressources agricoles et alimentaires peuvent être instrumentalisées et utilisées comme outils d’influence et d’expression de la puissance des États.

Dans un monde de plus en plus mondialisé et interconnecté, les denrées agricoles parcourent la planète — sous forme brute ou transformée —, créant des jeux de dépendance entre nations. Les pays ne pouvant produire de tout, tout le temps, ils importent auprès d’États qui dégagent des surplus vendus sur les marchés mondiaux. Cette hyper-concentration des ressources entre les mains de certains acteurs et les interdépendances qui en découlent favorisent la déstabilisation des équilibres alimentaires et agricoles, qui peuvent être affectés par des désaccords politiques, des défaillances logistiques, des maladies, des aléas climatiques, etc. Les ressources nécessaires à la production peuvent également être des outils d’influence, comme l’énergie (engins agricoles, industrie agroalimentaire) ou les engrais (azote, potasse, phosphate, gaz). Par ailleurs, la maitrise des outils technologiques (IA, puces, matières premières, etc.) et des innovations (machinisme, semences, génétique, etc.) alimente les tensions et sera indispensable pour s’adapter face au changement climatique.

L’agriculture et l’alimentation peuvent donc être au cœur des conflits et des tensions, que ce soit à échelle locale, nationale ou mondiale (2), et les effets du changement climatique (événements météorologiques extrêmes plus fréquents et imprévisibles, montée du niveau de la mer, pluies, sécheresses, modification des zones de production, déplacements de populations, etc.) accentueront la pression sur les ressources et le risque de compétition pour garantir sa propre sécurité alimentaire.

Le Déméter 2025 propose des réflexions sur l’ensemble de ces variables — géoéconomiques, technologiques et scientifiques, climatiques, géopolitiques, sociodémographiques — avec un regard prospectif et des analyses à l’horizon 2050 pour préparer les futurs possibles et que les fictions alimentaires dialoguent avec les réalités agricoles.

Alors que l’on assiste à une multiplication des catastrophes climatiques, vous avez alerté sur les conséquences du changement climatique sur les rendements agricoles et la sécurité alimentaire mondiale. Quelles mesures urgentes doivent être prises pour adapter l’agriculture à ces nouvelles conditions climatiques ?

Le changement climatique affecte déjà le secteur agricole (inondations au Pakistan, incendies en Californie, sécheresses en Méditerranée, criquets ravageurs en Afrique, maladies, etc.) et ses conséquences sont amenées à s’amplifier, avec le risque d’accentuer les pressions sur les ressources et de renforcer les tensions à toutes les échelles. Pour limiter l’ampleur du phénomène, il est essentiel de poursuivre et d’intensifier les efforts d’atténuation et de décarbonation, à l’aide par exemple des énergies renouvelables, de la biomasse ou du marché carbone. Si de nombreux pays sont engagés avec l’objectif d’une neutralité carbone à moyen et long terme (2060 pour la Chine par exemple), d’autres États font marche arrière, comme les États-Unis que Donald Trump a sortis des accords de Paris dès son investiture en janvier 2025. Face à la montée des régimes autoritaires et le risque de dépriorisation des questions de durabilité, les démocraties semblent les mieux profilées pour lutter contre le changement climatique.

Au-delà de la seule atténuation, il est nécessaire de se placer dès à présent dans une gestion de l’inévitable : l’adaptation. Entre raréfaction des ressources et modification des zones de production (remontée vers le Nord, montée de la mer et perte de littoraux, migrations et disponibilité de la main-d’œuvre, etc.), l’agriculture devra continuer de produire pour assurer la sécurité alimentaire dans un environnement différent de celui que l’on connait aujourd’hui. L’adaptation passera donc notamment par la sélection de cultures et d’espèces adaptées et résistantes aux conditions climatiques à venir, par la modification des pratiques agricoles et donc par la recherche et l’innovation. Il sera également intéressant dans les prochaines années de regarder l’évolution de la géo-ingénierie (ensemencement des nuages pour qu’il pleuve par exemple), dont les conséquences météorologiques sont encore méconnues, qui pourrait aggraver les tensions de voisinage.

Quelles seront, selon vous, les principales puissances agricoles émergentes à l’horizon 2050 ? Comment envisagez-vous leur influence sur les marchés agricoles ?

S’il est difficile de prédire avec précision quelles seront les principales puissances agricoles émergentes ou établies d’ici vingt-cinq ans, il n’est pas impossible de dégager quelques tendances et de regarder de plus près certains pays. L’évolution de la demande alimentaire (quantité et qualité), les stratégies nationales (stocks, diminution des exportations au profit de la consommation interne, etc.), les capacités de production et l’adaptation au changement climatique seront autant de facteurs à prendre en compte. L’ouvrage propose ainsi de mettre en lumière les enjeux agricoles dans plusieurs États, dont l’Inde, le Pakistan, la région d’Asie centrale et les monarchies du Golfe. Si ces pays présentent des situations contrastées, ils pourraient tous jouer un rôle plus important demain sur les marchés agricoles mondiaux selon les stratégies qu’ils adopteront. L’Inde se positionne comme premier exportateur mondial de riz et dispose d’un fort potentiel agricole ; son voisin, le Pakistan, est le cinquième pays le plus peuplé et joue un rôle important sur les marchés (deuxième producteur de lait de vache, de viande bovine et ovine, cinquième pour la canne à sucre et huitième pour le blé) ; en Asie centrale, où les situations sont très contrastées entre les cinq républiques, certaines agricultures se démarquent (blé au Kazakhstan, coton en Ouzbékistan et Turkménistan, fruits et légumes dans la vallée de Ferghana) ; enfin, dans les monarchies du Golfe (Arabie saoudite, Émirats arabes unis et Qatar notamment), l’agriculture et l’alimentation s’imposent comme des leviers d’influence inattendus et même paradoxaux, portés par la puissance financière et la capacité d’investissement de ces pays, qui renouvellent l’ambition de développer un leadership agroalimentaire tout en s’affichant comme des « laboratoires » du changement climatique. Toutefois, ces États doivent faire face à de nombreux défis qui touchent le secteur agricole : croissance démographique (1,7 milliard d’habitants attendus en Inde en 2050 contre 1,4 milliard actuellement), difficultés sociales et économiques des agriculteurs, dépendances commerciales, crises géopolitiques et géoéconomiques et aléas climatiques.

Anticiper le monde agricole de 2050, c’est aussi regarder vers l’Afrique, continent pluriel où la croissance démographique s’accompagnera d’une hausse de la demande alimentaire, le « Sud global » ou les BRICS+, dont les neuf pays membres représentent 18 % des échanges agricoles et alimentaires (3), ou encore le Nord, vers des territoires aujourd’hui peu favorables à l’agriculture mais qui pourraient l’être davantage demain, comme le Groenland (4) ou la Sibérie. Plus généralement, les évolutions liées au changement climatique et les capacités d’adaptation des pays rebattront les cartes sur la scène agricole mondiale.

La Chine, à l’instar de l’Union européenne (UE), s’affirme de plus en plus comme une puissance normative dans le secteur agroalimentaire. Comment cette montée en puissance redessine-t-elle les rapports de force et les équilibres commerciaux à l’échelle mondiale ?

La montée en puissance normative de la Chine se construit en opposition à l’Occident et plus précisément aux États-Unis, leurs principaux rivaux. Le commerce constitue l’un des piliers de leur stratégie, avec le développement des nouvelles routes de la soie, terrestres et maritimes, qui relient l’Europe et contribuent à étendre leur influence normative, économique et logistique à travers le globe, la volonté d’internationaliser leur monnaie et à la positionner en rivale du dollar, mais aussi avec les droits de douane qui se multiplient entre la Chine et les États-Unis. En raison de l’importance des échanges agricoles dans la stratégie de sécurité alimentaire de Pékin, le pays peut influencer de manière significative les prix et les flux commerciaux planétaires. Depuis le début des années 2000, la Chine importe massivement des produits agricoles pour assurer sa sécurité alimentaire et mise sur une politique de stocks massifs, de céréales principalement. Si elle possède une balance commerciale excédentaire de 1 000 milliards de dollars en 2024, elle est le premier importateur mondial de produits agricoles et alimentaires et accuse un déficit agroalimentaire de 150 milliards de dollars. Par ailleurs, pour sécuriser ses approvisionnements et développer son influence normative, le pays mise sur de grands groupes agroalimentaires internationaux, tels que COFCO, sur des accords, investissements et contrôles en Amérique du Sud (soja, maïs, viandes), en Asie du Sud-Est (huile de palme, hévéa), en Afrique subsaharienne (réserve de sols, minerais), ainsi que sur une alliance conjoncturelle avec la Russie et l’Iran (importations de céréales, tournesol, etc.).

Dans le secteur des innovations et des technologies, la Chine cherche à s’imposer de plus en plus. Elle possède ainsi d’anciennes et fortes capacités de recherche et développement (R&D) en riz, hybride notamment, et en blé tendre, en particulier en génomique et édition de gènes. Pékin développe aussi son expertise dans le secteur de l’intelligence artificielle (DeepSeek, par exemple, concurrence les modèles états-uniens) qui pourrait être utilisée en agriculture (précision, captage de données, drones, etc.).

En revanche, la montée en puissance de la Chine sera confrontée à plusieurs défis d’ici 2050, notamment le vieillissement de sa population — 40 % des Chinois auront plus de 60 ans en 2050, contre 21 % en 2025 —, le creusement des inégalités, l’artificialisation des terres, la disponibilité en eau, la pollution ou encore le changement climatique.

Vous avez souligné que « le futur alimentaire de la planète passera forcément par la mer ». Quels sont les défis et les opportunités associés à l’exploitation des ressources marines pour nourrir la population mondiale croissante ? À cet égard, la France semble se trouver dans une situation paradoxale, disposant de la deuxième plus grande ZEE au monde lui conférant un potentiel considérable en matière de ressources marines mais restant fortement dépendante des importations pour ses produits de la mer. Quels sont les principaux enjeux pour la France afin de renforcer sa souveraineté alimentaire et mieux valoriser ses ressources maritimes ?

La maritimisation de la sécurité alimentaire du monde, c’est plusieurs choses : des produits de la mer qui débarquent sur les tables de consommateurs — ne pas perdre de vue que les productions agricoles ne sont pas les seules à être attendues pour satisfaire les appétits — ; des échanges commerciaux puisque 80 % des flux internationaux agricoles et alimentaires transitent sur l’océan ; de l’eau de mer dessalée pour produire de l’eau potable, qui reste le premier aliment consommé au monde et le plus vital de tous ; des données qui circulent sous la mer à travers des câbles qui permettent le fonctionnement de nos modes de vie numérique, sachant que les mondes agricoles et alimentaires ont recours aux données, massivement !

L’océan, plus que jamais, nourrit le monde. C’est un sujet pour la France par conséquent, car notre nation, qui fait de 2025 l’année de la mer et qui dispose d’une ZEE considérable, est un nain en produits alimentaires bleus… Nous sommes très en retard sur l’aquaculture et nos pêcheries sont fragilisées par toute une série de transitions ces dernières années (aires marines à protéger, quotas de captures pour les stocks de poissons, Brexit, inflation du prix du carburant, Covid-19, etc.). Résultat : les produits de la mer sont le premier poste de dépendance alimentaire de la France. À l’heure où certains parlent de préservation ou de reconquête de souveraineté alimentaire, n’oublions pas ce défi bleu ! Le saumon, après le café, est le second produit accusant un lourd déficit commercial. On en importe pour plus de deux milliards d’euros par an. Nous faisons des coquillages pour les fêtes, mais les Français en semaine se ruent sur du saumon ou des crevettes, que nous ne produisons pas. Nous pourrions peut-être retrouver de la cohérence vis-à-vis de ces marchés et remettre pêche, aquaculture et agriculture dans la même dynamique de sécurité alimentaire à construire, d’autant que la France pourrait ici montrer toutes les complémentarités productives entre métropoles et territoires ultramarins.

Enfin, comment l’UE peut-elle renforcer sa souveraineté alimentaire tout en respectant ses engagements environnementaux et climatiques face à la concurrence internationale ? Comment voyez-vous l’évolution de la PAC (Politique agricole commune) face à ces défis et aux attentes sociétales croissantes ?

L’UE place désormais la compétitivité durable au cœur de sa stratégie d’ici 2030. Sans doute parce qu’elle observe que nous sommes entrés dans un temps géopolitique des hippopotames, féroces, véloces et polygames (5). Cela ne veut pas dire un recul sur les questions climatiques ; cela doit signifier de rééquilibrer les approches et de faire plus que jamais du combinatoire. Il est impossible d’investir dans le vert en tombant dans le rouge économique, socialement ou géopolitiquement. Pour réussir des transitions, il faut des moyens, des cohérences et des motivations. Les agriculteurs européens ont besoin de constance et de confiance, mais surtout d’avoir de la profitabilité dans leurs activités pour être sans cesse plus engagés et impactants dans leur contribution à la durabilité environnementale. Cela vaut pour eux comme pour les entreprises du secteur. La prochaine réforme de la PAC aura à définir cette compétitivité durable, tout en intégrant de nouvelles variables géopolitiques et géoéconomiques car le monde bouge, change et innove, là où l’Europe s’ankylose et pourrait demain choisir de se diviser pour mieux rebondir. Double erreur alors : agilité et solidarité sont deux facettes d’une même pièce pour une UE à même de rester puissante économiquement et engagée écologiquement.

Notes

(1) Sébastien Abis, Veut-on nourrir le monde ? Franchir l’Everest alimentaire en 2050, Armand Colin, 2024.

(2) Lire à ce sujet Pierre Blanc, « Les paysans et la guerre : analyse d’une relation tragique », dans Sébastien Abis (dir.), Le Déméter 2024. Mondes agricoles : cultiver la paix en temps de guerre, IRIS éditions, Club Demeter, 2024.

(3) En valeur, moyenne 2022-2023. Données de l’OMC.

(4) Lire à ce sujet Claire de Marignan, « Le Groenland est-il la nouvelle Terre promise ? », L’Opinion, 26 janvier 2025 (https://​www​.lopinion​.fr/​i​n​t​e​r​n​a​t​i​o​n​a​l​/​l​e​-​g​r​o​e​n​l​a​n​d​-​e​s​t​-​i​l​-​l​a​-​n​o​u​v​e​l​l​e​-​t​e​r​r​e​-​p​r​o​m​ise).

(5) Sébastien Abis, « Nourrir le futur à l’ombre des hippopotames », IRIS, 5 février 2025 (https://​www​.iris​-france​.org/​n​o​u​r​r​i​r​-​l​e​-​f​u​t​u​r​-​a​-​l​o​m​b​r​e​-​d​e​s​-​h​i​p​p​o​p​o​t​a​m​es/).

 Camille Manfredi 

Sébastien Abis

Anaïs Marie

areion24.news

Réconcilier le Sahel et les pays côtiers : le besoin d’une intégration régionale pour combattre les groupes djihadistes

 

Alors que la lutte contre un ennemi commun aurait dû renforcer la coopération régionale et internationale, l’Afrique de l’Ouest se déchire entre les pays du Sahel qui ont choisi la Russie comme partenaire et les pays du golfe de Guinée devenus la priorité des États-Unis. Or, la désintégration régionale entrave les échanges, ce qui appauvrit les populations locales vivant dans les zones transfrontalières, précisément où les djihadistes opèrent, aux dépens de la transhumance — une solution qui fait aujourd’hui partie du problème.

Au Sahel, les groupes djihadistes affiliés à l’État islamique ou Al-Qaïda usent des griefs locaux pour gagner le soutien d’une partie de la population. Cette stratégie visant à conquérir la base pour un dessein global a été payante. Arrivés par le Nord du Mali en 2012, la présence des groupes djihadistes s’étend à présent à presque l’entièreté du Mali et du Burkina Faso, et au Sud-Ouest du Niger, tandis que le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire sont victimes de leurs incursions.

Pour endiguer l’implantation de ces groupes en Afrique de l’Ouest, la solution doit être à la fois locale et régionale, militaire et socioéconomique. Une partie de la solution se trouve dans le rétablissement de la transhumance régionale, activité commerciale essentielle pour les communautés locales et pour la (re)construction de l’intégration régionale.

Ruptures sociales et diplomatiques

Dans le département béninois de l’Alibori, à la frontière avec le Burkina Faso et le Niger, les jeunes admettent ravitailler les djihadistes présents de l’autre côté de la frontière, tout comme dans le parc W à cheval sur les trois pays. Certes, c’est illégal, mais ils payent et fournissent la moto et le carburant. Une aubaine pour des jeunes chômeurs se sentant oubliés de leurs gouvernants et dont les possibilités de petites rémunérations se sont amenuisées depuis la fermeture des frontières (1). Aux éleveurs, les djihadistes ont promis d’autoriser le bétail à paitre dans les zones protégées du Parc W, comme ils l’ont fait dans les pays voisins (2). Les éleveurs pastoraux et transhumants sont de l’ethnie peule, comme les insurgés, ce qui les place entre le marteau et l’enclume. Favorisés voire défendus par les djihadistes dans les conflits locaux avec les agriculteurs, ils sont aussi les premiers à être interpellés dans les actions antiterroristes du gouvernement, ce qui exacerbe les tensions au niveau local. Au Burkina Faso, les Volontaires de la défense de la patrie (VDP), une milice d’autodéfense créée par le gouvernement, a ciblé les Peuls et ont abusé de leur pouvoir pour s’enrichir. Au final, ces discriminations ont pu convaincre une partie des Peuls de rejoindre les groupes djihadistes.

La progression de ces groupes dans les régions isolées du Mali d’abord, du Burkina Faso ensuite, et dans une moindre mesure au Niger, a eu raison de l’ordre constitutionnel et a bouleversé le pouvoir national. Depuis leur invasion du Mali en 2012, ce pays a connu trois coups d’État et est actuellement géré par un gouvernement militaire putschiste. Le régime constitutionnel du Burkina Faso a lui aussi été renversé par un putsch militaire en janvier 2022, lui-même renversé huit mois plus tard par ses propres officiers. En juillet 2023, c’est au tour du Niger de voir son président se faire évincer manu militari du pouvoir. Parmi d’autres griefs tels que la mauvaise gouvernance ou la crise socioéconomique, chaque putschiste a justifié le renversement pour punir le gouvernement en place de son manque de résultat dans la défense du territoire national. Ces coups d’État ont aussi marqué une cassure dans l’intégration régionale, divisant l’Afrique de l’Ouest en un bloc sahélien désormais dirigé par des militaires putschistes et un bloc de pays côtiers sentant la menace djihadiste se rapprocher.

En effet, répondant à l’appel de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de sanctionner les régimes putschistes et craignant les débordements, le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire ont fermé leurs frontières avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. La rupture régionale a atteint son acmé à l’été 2023, après que la CEDEAO, sous l’impulsion du Nigéria, du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, a menacé les putschistes nigériens d’une intervention armée s’ils ne libéraient pas le président Bazoum. La menace n’a toutefois pas été mise à exécution par peur d’un embrasement généralisé, surtout après que les militaires burkinabés et maliens au pouvoir se sont montrés solidaires des Nigériens. Mais la rupture régionale s’est précisée davantage lorsque les trois pays putschistes ont annoncé, en janvier 2024, se retirer de la CEDEAO et former l’Alliance des États du Sahel (AES). Une telle déclaration plongeant la CEDEAO dans une crise existentielle, l’organisation montra rapidement des signes d’ouverture, en levant les sanctions contre le Niger deux mois après l’annonce de son retrait et de dialogues en organisant des réunions diplomatiques avec les pays dissidents (3).


Comparaison des sols de la région entre 2020 et 2024

La désintégration régionale de l’Afrique de l’Ouest bouleverse aussi la stabilité internationale. En effet, après leur prise du pouvoir, les militaires de l’AES ont coupé leurs alliances d’abord avec la France, avec les États-Unis ensuite, pour se rapprocher de la Russie. Ce changement d’alliance a obligé le bloc occidental à repenser sa stratégie de lutte contre les groupes djihadistes en Afrique de l’Ouest, considérés comme « la plus grande menace existentielle pour la stabilité de la région » (4). Dans ce contexte, la stratégie américaine pour 2022-2032 est d’appuyer tout spécialement le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée et le Togo pour contrer les groupes djihadistes. Au niveau européen, excepté la France et la Suède, les États membres souhaitent conserver des relations diplomatiques avec l’AES (5). D’ailleurs, la Belgique et l’Allemagne maintiennent leur coopération au développement et l’Italie coopère toujours avec l’armée nigérienne (6).

Pour une lutte efficace contre les groupes djihadistes, le maintien de la coopération au développement doit faire partie de la stratégie. Par ailleurs, cette coopération devra investir dans la transhumance. Cette activité, loin de l’image d’Épinal des calendriers photos, contribue, quand elle est bien gérée, à l’intégration régionale des pays de l’Afrique de l’Ouest et renforce la cohésion sociale au niveau local.

La transhumance : la solution fait partie du problème

La transhumance se définit comme la mobilité de troupeaux de bovins, caprins et ovins sur une dizaine ou plusieurs centaines de kilomètres au gré des saisons. Depuis les années 1970, les transhumants sahéliens s’établissent de manière régulière dans les pays côtiers durant la saison sèche, là où ils peuvent trouver des pâtures et de l’eau que leurs régions arides du Mali, du Niger et du Burkina Faso ne peuvent qu’offrir durant la saison des pluies. Toutefois, la perception que les transhumants sont la cause de l’insécurité n’a cessé d’augmenter ces trente dernières années. Leur venue engendre des conflits meurtriers avec les agriculteurs, pour qui la destruction de leur champ menace les besoins de subsistance économique et alimentaire. Pour le pouvoir local et national, l’éleveur est assimilé à son ethnie, touarègue dans le Sahel, peule dans l’Afrique subsaharienne (7), ce qui en fait un « étranger », absent et illégitime pour participer aux prises de décisions. Cette perception se traduit par une occupation des sols favorable aux agriculteurs qui a causé la disparition des « terres pastorales » ouvertes aux troupeaux, et des couloirs de transhumance, sortes d’autoroutes de brousse dédiées au déplacement des animaux. La carte ci-dessus démontre l’extension des terres cultivées en seulement quatre ans au détriment des pâturages, tendance dont l’observation était déjà présente il y a soixante ans (8), ce qui a pour effet de marginaliser la communauté nationale et d’appauvrir les populations peules et touarègues. Pour ces dernières, leur marginalisation et le désinvestissement de Bamako et Niamey expliquent en partie les rébellions touarègues, dont certaines branches se rapprocheront d’Al-Quaïda. Par exemple, Iyad Ag Ghali, le leader de Ansar Eddine, le premier groupe djihadiste arrivé au Mali en 2012, est lui-même touareg, originaire de l’Azawad, la région au Nord du Mali, et a prêté allégeance à Al-Quaïda, après avoir été refusé à la tête du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) (9).

Ci-dessus : Schémas illustrant la disparition progressive des routes de transhumance au profit d’espaces inoccupés propices aux activités illégales. (© Banderouche et al.)


Comme solution aux conflits entre agriculteurs et éleveurs et au débordement des groupes djihadistes, le Bénin a interdit en 2019 la transhumance régionale, le Togo l’a suspendue depuis 2020 (10) et la Côte d’Ivoire a interdit le convoyage à pied de bétail (11). En interdisant la transhumance, c’est une nouvelle fois le pastoraliste, peul ou touareg, qui est pénalisé, ce qui renforce son sentiment d’abandon par les pouvoirs nationaux et contribue à assimiler le Peul ou le Touareg aux groupes armés, et facilite aussi grandement le recrutement de combattants. De même, c’est ignorer l’apport à l’économie et à la sécurité alimentaire locale, nationale, régionale. En effet, la transhumance est un moteur d’intégration économique régional puissant. Les produits d’élevage sont les plus échangés en Afrique de l’Ouest, et l’élevage représente 44 % du PIB du secteur agricole malien, et 5 % de l’ivoirien (12). La venue de transhumants a permis aux populations rurales locales de diversifier leur production et de créer leur propre filière de bétail au point que les échanges entre agriculteurs et éleveurs sont devenus essentiels aux économies locales et nationales. De plus, la transhumance joue aussi un rôle essentiel dans l’apport de régime de protéines dans les régions plus isolées. Enfin, les systèmes agropastoraux et pastoraux du Sahel, c’est-à-dire fondés sur l’élevage extensif intégrant les déplacements du troupeau, fournissent 80 % de la viande.

Les avantages environnementaux, sociaux et sécuritaires de l’élevage extensif sont largement sous-estimés. D’un point de vue environnemental, le modèle extensif respecte le temps de régénération de la terre et donc n’utilise aucun intrant toxique ou chimique. Ainsi, l’équilibre naturel est non seulement préservé, mais les productions animales s’avèrent plus économiques et durables (13). De plus, ce modèle met en valeur des terres hostiles où d’autres types d’élevage ne pourraient survivre, ce qui est primordial dans un contexte où les conflits autour de la terre s’intensifient à cause de la pression démographique. Un élevage intensif en Afrique de l’Ouest, comme il est parfois suggéré, ne montre aucune capacité d’adaptation comparable à l’élevage extensif. Au contraire, il augmenterait la dépendance de la région aux importations d’intrants venant de l’étranger et polluerait des sols qui auraient pu servir à l’agriculture. Compte tenu des effets du changement climatique, il est nécessaire de réaffirmer que l’élevage extensif est le modèle le mieux adapté à l’Afrique de l’Ouest.

D’un point de vue sécuritaire, la mobilité des transhumants constitue une garantie d’occupation de l’espace sans laquelle la prolifération d’activités nouvelles, illégales, voire violentes, peut intervenir en toute liberté. Néanmoins, l’extension de l’espace occupé n’est possible que si les éleveurs peuvent rejoindre des villes d’échanges (voir figure ci-dessus). Or, celles-ci ont peu à peu disparu, abandonnées par les pouvoirs étatiques, ce qui a eu pour effet de laisser des espaces inoccupés plus grands qui ont permis la prolifération des routes de trafiquants de migrants ou de drogue. La Mauritanie, qui partage plus de 2 000 kilomètres de frontière avec le Mali, a soutenu le développement économique de ces villes d’échanges, avec la coopération européenne, pour faciliter la transhumance et affirmer la présence de l’État sur l’ensemble du territoire, ce qui a grandement contribué à l’absence d’attaques djihadistes ces dix dernières années. De plus, la mission de l’armée mauritanienne a été élargie. En plus d’assurer la sécurité du territoire national, les unités nomades se déplaçant en dromadaire ont repris du service pour assister les populations locales vivant dans les coins les plus reculés. En gagnant la confiance des populations agropastorales, l’armée mauritanienne maintient son réseau d’informateurs sur de potentiels trafics illégaux (14), ce qui contraste avec la situation dans les pays sahéliens et côtiers où les transhumants qui avaient été les premiers informateurs des mouvements djihadistes sont devenus les premiers suspects.

Recommandations

Pour atteindre leurs objectifs globaux, les groupes djihadistes ont misé sur une stratégie qui partait de la base, du niveau local. Cela signifie que la lutte contre ces groupes doit se jouer également aux niveaux local et régional. Du point de vue local, la coopération au développement européenne et de ses membres doit soutenir les États ouest-africains à réinvestir les zones rurales et cibler en particulier la jeunesse dans ses programmes. Du point de vue régional, les antagonismes actuels entre les pays côtiers et ceux du Sahel doivent être surmontés pour redynamiser l’intégration régionale militaire et socioéconomique car ces divisions bénéficient avant tout aux groupes djihadistes et appauvrissent les populations vivant dans les zones transfrontalières. Enfin, le succès de la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans les pays côtiers repose aussi sur le maintien des activités agropastorales et du mode de vie transhumant, également facteur de préservation de l’environnement et de résilience économique.

Notes

(1) Timbuktu Institute, « Au-delà de la criminalité : Perceptions juvéniles de la radicalisation et de l’extrémisme violent au Nord du Bénin », 5 septembre 2024 (https://​rebrand​.ly/​6​f​6​fc5).


(3) Boubacar Haïdara, « CEDEAO : quelles chances pour un retour des pays de l’AES ? », Journal du Mali, 31 mai 2024 (https://​rebrand​.ly/​t​w​y​b​fpp).

(4) Agence américaine de développement international (USAID), « The U. S. Strategy to Prevent Conflict and Promote Stability in Coastal West Africa », 11 mars 2024 (https://​rebrand​.ly/​6​8​k​k​rnf).


(6) Giorgia Audiello, [« L’armée italienne est la dernière armée occidentale encore présente au Niger (et elle ne partira pas) »], L’Indipendente, 15 mai 2024 (https://​rebrand​.ly/​8​1​c​bf5).

(7) Pierre Jacquemot, « Le pastoralisme a-t-il un avenir en Afrique ? », WillAgri, 10 février 2023 (https://​rebrand​.ly/​7​e​b​af4).

(8) Robert Capot-Rey, « Note sur la sédentarisation des nomades au Sahara », Annales de géographie, T. 70, n°377, 1961 (https://​rebrand​.ly/​5​u​j​n​jnd).

(9) C. Bensimon, M. Zerrouky et al., « Iyad Ag-Ghali, l’ennemi numéro un de la France au Mali », Le Monde, 27 juillet 2018 (https://​rebrand​.ly/​6​7​3​d44).

(10) République togolaise, « Transhumance : vers une régulation plus stricte pour éviter les conflits », 4 septembre 2024 (https://​rebrand​.ly/​1​3​f​0d8.).


(12) IOM, « Regional Policies and Responses to Manage Pastoral Movements withing the ECOWAS Region », 2019 (https://​rebrand​.ly/​2​i​z​0​h7q).

(13) A. Banderdouche et al., L’agropastoralisme, un rempart au terrorisme. L’exemple de la Mauritanie, RIMPRAP juin 2019 (https://​rebrand​.ly/​7​8​q​g​ue3).

(14) Anouar Boukhars, « Keeping Terrorism at Bay in Mauritania », Africa Center for Strategic Studies, 16 juin 2020 (https://​rebrand​.ly/​1​8​3​cf0).

Guillaume de Brier

areion24.news

Affaire Epstein: le FBI voulait calmer les rumeurs sur le suicide d'Epstein, mais c'est raté


 

D'innombrables théories du complot entourent le suicide de Jeffrey Epstein. Le banquier d'affaires et délinquant sexuel condamné avait été retrouvé mort dans sa cellule de prison en 2019. Jeffrey Epstein était accusé d'avoir abusé de nombreuses filles et mineures et de les avoir présentées à des célébrités comme le prince britannique Andrew. Le ministère américain de la Justice et la police fédérale américaine (FBI) ont mené de longues enquêtes et ainsi voulu mettre fin aux spéculations sur sa mort.

«Aucune liste de clients compromettante»

«Après une enquête minutieuse, le FBI est arrivé à la conclusion que Jeffrey Epstein s'est suicidé dans sa cellule de prison», ont déclaré les autorités dans un communiqué conjoint publié lundi, initialement rapporté par le portail d'information Axios. Elles ont également précisé qu'aucune «liste de clients compromettants» de Jeffrey Epstein n'avait été trouvée.

Les enregistrements vidéo de la prison n'ont montré aucune tentative d'intrusion dans la cellule d'Epstein. De plus, aucune preuve n'a été trouvée selon laquelle Jeffrey Epstein aurait tenté de faire chanter des personnalités. En parallèle, un grand nombre de photos et vidéos prouvent que Jeffrey Epstein a fait «plus d'un millier de victimes», poursuit le communiqué.

Les médias sociaux en ébullition

Mais les spéculations sur sa mort continuent sur les réseaux sociaux, même après la publication des enregistrements vidéo. Premier problème: les deux portes visibles sur l'enregistrement vidéo ne montrent pas l'entrée de la cellule de Jeffrey Epstein, mais deux autres portes de la prison. La porte de sa cellule n'apparaît pas sur l'enregistrement vidéo. Seuls les escaliers menant à sa cellule sont visibles. Bien qu'une autre caméra ait été installée dans sa cellule, elle a cessé de fonctionner environ dix jours avant sa mort.

Il manque une minute

Deuxième problème: selon l'horodateur, il manque plus d'une minute d'images dans la vidéo de surveillance de près de 11 heures. En effet, l'horodateur passe soudainement à minuit, à 23h58 et 58s. Le FBI, qui a diffusé la vidéo, n'a pas fait de déclaration à ce sujet, ce qui alimente encore les spéculations sur le suicide de Jeffrey Epstein.



Valentin Köpfli 

dimanche 13 juillet 2025

Trump risque de se prendre l'affaire Epstein dans les dents

 

Les républicains avaient placé de grands espoirs en Donald Trump. En tant que président américain réélu, il devait s'attaquer à ses adversaires politiques et aux élites en place. Les dossiers sur Jeffrey Epstein semblaient être un excellent atout pour y parvenir, les républicains espéraient y trouver les noms d'opposants célèbres impliqués dans ses parties de jambes en l'air avec des mineurs.

Mais ce plan est tombé à l'eau. Trump refuse de révéler cette liste, alors qu'il avait promis de la publier pendant sa campagne électorale. De quoi mettre en colère ses plus fidèles partisans. L'affaire Epstein risque d'avoir un effet boomerang pour le président des Etats-Unis.

Après l'augmentation de la dette publique et l'engagement militaire à l'étranger, à présent, Trump déçoit ses partisans avec l'élucidation de l'affaire Epstein. En parallèle, le tribunal a déjà rendu publiques des pièces de ce dossier, parmi lesquelles se trouvent des procès-verbaux de vol, des preuves et une liste de 254 victimes, dont les noms ont été caviardés pour protéger les personnes.

Dans le dossier figurent les noms de Bill Clinton, du prince Andrew, de Michael Jackson et de Donald Trump, même si cela ne signifie pas que ces personnes sont accusées de malversations.

Trump retourne sa veste

Il est évident que d'autres célébrités ont participé aux soirées sexuelles d'Epstein et, possiblement, abusé de mineurs. Pendant sa dispute avec Trump, Elon Musk avait laissé entendre que le président américain figurait lui-même sur cette liste.

Lors de sa campagne électorale, Donald Trump avait promis de publier la liste complète, mais il semble avoir retourné sa veste. La Maison Blanche a déclaré qu'il n'y avait pas de «liste de clients» ou de nouvelles informations compromettantes.

Pour ne rien arranger, Kash Patel, chef de la police fédérale (FBI), et la ministre de la Justice Pam Bondi ont aussi soudainement fait marche arrière, après avoir d'abord alimenté les spéculations sur une «liste de clients» d'Epstein tenue secrète.

Les fans de Trump déçus

Ce retournement de veste a été mal accueilli par les partisans de Trump, qui leur avait pourtant promis une transparence radicale et la fin de l'élite corrompue. Steve Bannon est aux premières loges de ces détracteurs, ainsi que l'idéologue conspirationniste Alex Jones. Pour eux, Trump n'a pas tenu parole. 

Les théories du complot autour de la liste Epstein ou du «Deep State» – un soi-disant Etat fantôme dans lequel les services secrets, les agences de sécurité et les fonctionnaires ministériels forment une sorte de gouvernement de l'ombre – étaient jusqu'à présent un phénomène marginal au sein des républicains. Mais depuis, selon Philipp Adorf, spécialiste des Etats-Unis à l'université de Bonn, une partie importante de l'électorat conservateur donne du crédit à ces récits.

«Si Donald Trump est associé à des soupçons de dissimulation, il court le risque d'être entraîné dans les mêmes logiques de conspiration qu'il a instrumentalisées politiquement auparavant», analyse Philipp Adorf. Alors que Trump a utilisé l'affaire d'Epstein pour s'en prendre à l'élite corrompue, il pourrait aujourd'hui être considéré partie de cette élite.

Des élections de mi-mandat risquées

Avec une telle attitude, Trump se met, lui et ses alliés politiques, en mauvaise posture. «Ces contradictions pourraient non seulement saper la confiance des électeurs, mais aussi réduire le potentiel de mobilisation au sein de l'électorat républicain pour les prochaines élections de mi-mandat», précise Philipp Adorf. Les fans frustrés de Trump pourraient tout simplement rester chez eux au lieu d'aller voter.

En d'autres termes, les élections de mi-mandat du 3 novembre 2026 pourraient être un échec pour Trump. Et la course est serrée: pour obtenir la majorité à la Chambre des représentants, les démocrates ne sont qu'à trois sièges des républicains.

Guido Felder

blick.ch

vendredi 11 juillet 2025

Cinq présidents africains infantilisés par Donald Trump

 

Le vieux slogan de Paris Match, « le poids des mots, le choc des photos », n’a jamais trouvé illustration plus magistrale et plus brutale. Donald Trump, assis derrière le bureau ovale, entouré de cinq chefs d’État africains debout, la casquette MAGA au premier plan…


La scène a fait irruption sur les réseaux sociaux, déclenchant en un éclair un tsunami de réactions. Colère, dépit, vertige, effondrement, stupeur : les réactions sont à la hauteur de la violence de l’image. Si Donald Trump en prend pour son grade, les présidents africains qui ont accepté de se livrer à cet exercice d’humiliation publique ne sont pas épargnés.

Un rapport de force d’un autre âge

Ces commentaires virulents sont légitimes car ce face-à-face inédit entre Donald Trump et cinq chefs d’État africains constitue non seulement une rupture diplomatique, mais expose aussi crûment une asymétrie de pouvoir d’un autre temps. Là où le protocole bilatéral suggère l’égalité, ce format collectif impose hiérarchie et soumission. Ce choix de mise en scène, loin d’être anodin, rappelle combien certains héritages de l’histoire continuent de peser sur la représentation des relations internationales et hantent encore les relations Nord-Sud.

C’est peu de dire que les présidents africains ne sont pas sortis grandis de cette séquence. Qu’est-ce qui a pris au président sénégalais Bassirou Diomaye Faye de proposer à Trump la construction d’un club de golf à Dakar ? Quant au Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani, pourquoi  s’est-il lancé dans un plaidoyer pour vanter toutes les richesses que son pays aurait à offrir à la grande Amérique ? Face à un Trump désinvolte, les dirigeants africains ont semblé prisonniers d’un jeu de rôles, incapables de renverser la dynamique et d’imposer un minimum de dignité diplomatique.

L’arrogance de l’inculture

Donald Trump a bien tort de sembler ravi de cette séquence. Son inculture et son impréparation ont éclaté au grand jour. Incapable de se concentrer plus de trente secondes sur les échanges, il a expédié la discussion en demandant à chaque président africain de simplement dire qui il était et de quel pays il venait, signe flagrant de son manque de préparation et d’intérêt pour ses interlocuteurs.

Sa question au président du Libéria – « Où avez-vous appris l’anglais ? » – a sidéré l’assistance, révélant une ignorance profonde de l’histoire africaine : le Libéria, fondé par les Américains pour y reloger les esclaves affranchis, a bien évidemment l’anglais pour langue officielle. Ce type de bévue laisse des traces indélébiles.

Personne ne sort gagnant de cette rencontre. Une image, parfois, vaut mille regrets.

mondafrique.com