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mardi 2 décembre 2025

Pete Hegseth, accusé de crime de guerre

 

La pression monte à la Maison Blanche. Des révélations explosives du «Washington Post» sont venues entacher, vendredi 28 novembre, la campagne militaire acharnée que l'administration Trump mène contre le trafic de drogue depuis septembre dans les Caraïbes. 

Lors de la première attaque américaine sur un navire qui voguait au large des côtes de Trinité-et-Tobago, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth aurait donné l'ordre de tuer tous les survivants. Pour certains responsables américains, membres du Congrès et experts en droit de la guerre, un tel ordre constituerait un «crime de guerre». 

«Tuez-les tous!» aurait ordonné Pete Hegseth au commandant des forces spéciales supervisant l'attaque du 2 septembre contre les trafiquants de drogue présumés. C'est alors qu'un missile s'est abattu sur le navire suivi de près par les forces américaines, qui s'est rapidement embrasé. Malgré l'assaut, deux passagers ont survécu et se sont agrippés à l'épave en flammes. Conformément aux ordres reçus précédemment, l'amiral Frank M. Bradley a ordonné une seconde frappe. Les deux hommes ont été abattus dans l'eau. 

Crime de guerre?

Jusqu'alors gardé secret, l'ordre du secrétaire à la Défense (renommé ministère de la Guerre), donne une toute nouvelle dimension aux opérations militaires américaines contre le «narcoterrorisme» qui a déjà fait plus de 80 victimes. Si cette campagne était déjà jugée illégale, cette nouvelle révélation pourrait exposer les principaux responsables à des poursuites judiciaires. 

Les deux survivants ne représentant plus une menace directe contre les Etats-Unis, les avoir tués «équivaut à un meurtre», déclare Todd Huntley, ancien avocat militaire qui a conseillé les forces d'opérations spéciales au cœur de la campagne antiterroriste américaine. «L'ordre de tuer tous les occupants du bateau s'ils n'étaient plus en mesure de se battre reviendrait essentiellement à un ordre de ne faire aucun quartier, ce qui constituerait un crime de guerre», assure ce dernier.

Alors que les démocrates dénoncent depuis des mois ces opérations navales menées sans consultation du Congrès comme étant illégales, cette nouvelle déclaration a créé une onde de choc auprès des autorités américaines qui demandent désormais des réponses, même au sein du camp trumpiste. De hauts responsables républicains se sont joints aux démocrates pour exprimer leur inquiétude et exiger un contrôle renforcé du Pentagone, rapporte le «New York Times».

Pete Hegseth nie en bloc

Deux jours après les révélations du quotidien américain, Donald Trump a déclaré que le secrétaire à la Défense assure ne jamais avoir donné l'ordre de tuer tous les membres de l'équipage, relate le «Washington Post» dimanche 30 novembre. Des propos que le président américain a soutenu: «Il n'a pas dit ça, et je le crois à 100%.» 

Dans la foulée, Pete Hegseth a dénoncé sur X les «fausses informations» diffusées par le média et assuré que «ces frappes très efficaces sont conçues pour être des frappes létales et cinétiques. Chaque trafiquant que nous tuons est affilié à une organisation terroriste désignée», mentionnant dans un autre post que les Etats-Unis n'étaient qu'au début de cette tuerie. 

Un bouc émissaire tout trouvé

Face à l'ampleur des révélations, la Maison Blanche a réagi, en affichant clairement son soutien au secrétaire à la Défense. A l'heure où l'enquête se resserre sur ces potentiels crimes de guerre, les responsables du Congrès et du Pentagone redoutent que l'administration Trump cherche à faire de l'amiral Frank M. Bradley un bouc émissaire.

La porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt a confirmé que Pete Hegseth avait autorisé l'opération, sans toutefois révéler qui était à l'origine de la seconde frappe qui a tué les deux survivants. Elle a précisé que l'amiral «a agi dans le cadre de ses fonctions et de la loi, dirigeant l'opération de manière à garantir la destruction du bateau». Cette allocution qui laisse planer le doute quant à l'identité de l'initiateur de la frappe a provoqué la colère des responsables militaires, inquiets d'être tenus seuls responsables. 

Certains collaborateurs envisagent même de quitter l'administration, toujours selon le «Washington Post». De son côté, Pete Hegseth a joué la subtile carte de la compassion, en affirmant soutenir Frank M. Bradley et laissant donc sous-entendre qu'il se décharge de toute responsabilité judiciaire.

La pression augmente avec le Venezuela

Au-delà de l’affaire Hegseth, ces frappes s’inscrivent dans une confrontation directe avec Caracas, alors que l’administration Trump accuse Nicolás Maduro de diriger un «cartel de la drogue» et présente l’offensive militaire dans les Caraïbes comme une réponse au narcotrafic. Dans ce climat de tensions croissantes, Donald Trump devait réunir lundi son Conseil de sécurité nationale pour évoquer le Venezuela, sans que la Maison Blanche ne précise s’il avait arrêté une décision sur une éventuelle intervention. 

Devant des milliers de partisans à Caracas, Nicolás Maduro a affirmé qu’il «refusait la paix des esclaves» et a accusé les Etats-Unis de mener contre lui une campagne de «terrorisme psychologique». Le chef démocrate Chuck Schumer, lui, menace de bloquer toute opération militaire non approuvée par le Congrès.

Léa Perrin

blick.ch