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lundi 24 novembre 2025

La Suisse envisage de réduire son achat de F-35A… pour en commander dix de plus ultérieurement

 

Cet été, l’actualité militaire suisse a été marquée par la vive polémique sur l’achat de trente-six chasseurs-bombardiers F-35A Block 4 auprès de Lockheed Martin, le département de la Défense, de la Protection de la population et des Sports [DDPS] ayant fini par admettre que ces avions allaient coûter bien plus cher que les six milliards de francs suisses [CHF] prévus, à cause d’un quiproquo sur la notion de « prix fixe » avec les autorités américaines.

Pour rappel, pour Washington, un « prix fixe » signifie que la Suisse devra payer la même somme que celle versée par le Pentagone à Lockheed Martin pour ses F-35A. Or, le DDPS avait compris qu’il n’aurait à s’acquitter que de la somme inscrite en toutes lettres sur le devis soumis lors de l’appel d’offres.

Quoi qu’il en soit, cette polémique a pris de l’ampleur après la décision de l’administration américaine d’augmenter les droits de douane sur les exportations suisses aux États-Unis de 39 %.

Trois camps s’opposent encore aujourd’hui. D’abord, il y a ceux qui plaident pour annuler la commande de F-35A, quitte, pour certains, comme l’historien militaire, Mauro Mantovani, à déléguer la protection de l’espace aérien de Confédération à la France car elle « aurait tout intérêt à ce que la Suisse ne serve pas de porte d’entrée à un éventuel agresseur ».

D’autres estiment, au contraire, qu’il faudrait commander davantage de F-35A afin d’amadouer l’administration américaine tout en renforçant la force aérienne suisse. « À l’avenir, cinquante avions de combat seront le nombre adéquat pour la Suisse », a ainsi estimé l’ancien astronaute suisse Claude Nicollier, rejoint par Stefan Holenstein, officier de milice et président de l’Association des sociétés militaires suisses [ASMS].

Enfin, considérant qu’il est trop tard pour lancer un nouvel appel d’offres étant donné que les F/A-18 Hornet suisses arriveront bientôt au bout de leur potentiel, certains estiment qu’il faut s’en tenir au choix fait en 2021, en réduisant le nombre d’avions commandés afin de respecter le montant de l’enveloppe autorisée pour le programme Air 2030. L’actuel chef du DDPS, Martin Pfister, est de ceux-là.

Ainsi, en août, un comité a été installé afin de vérifier si les « exigences actuelles en matière de défense aérienne correspondent toujours aux bases sur lesquelles reposait l’évaluation du F-35A » et de réévaluer « l’équipement cible de la défense aérienne, en tenant compte de la situation financière et de politique de sécurité ».

Finalement, et alors qu’un accord sur les droits de douane a été trouvé avec Washington [ceux-ci seront ramenés de 39 à 15 %], M. Pfister envisage d’acquérir trente F-35A au lieu de trente-six, ce qui permettrait de respecter la limite budgétaire imposée.

Mais ce chiffre ne sera pas gravé dans le marbre puisque, selon le journal suisse Blick, il serait question de passer ultérieurement une nouvelle commande portant sur dix exemplaires de plus. Ainsi, sous réserves de disposer des crédits nécessaires, la force aérienne suisse pourrait disposer, à terme, de quarante F-35A.

« Moins d’avions de chasse dans un premier temps, pour en obtenir davantage à terme : la manœuvre de M. Pfister pourrait s’avérer judicieuse. D’une part, il évite l’opposition prévisible de la gauche s’il dépense plus de six milliards […]. D’autre part, la possibilité d’un achat additionnel ultérieur apaise les experts civils et militaires qui réclament une force aérienne plus puissante », résume Blick.

Il reste désormais à M. Pfister de convaincre le Conseil fédéral [le gouvernement] d’adopter cette stratégie. La Suisse peut-elle faire autrement ? Dans un entretien accordé au site d’informations Watson.ch, le directeur d’Armasuisse, Urs Loher, a suggéré qu’il n’y a pas d’autres voies.

« Pour le nombre d’appareils [F-35A], il existe en principe trois options. Soit la Suisse en achète moins, soit un crédit supplémentaire est accordé, soit nous renonçons aux principes de compensation. Avec la décision de poursuivre l’assemblage de quatre appareils par Ruag, cette dernière option est en réalité écartée », a en effet déclaré M. Loher.

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