Le 1er mars 2025, le second tour d’une présidentielle s’est tenu en Abkhazie, État non reconnu par la communauté internationale. Élu avec 55,6 % des voix, le prorusse Badra Gounba entend renforcer les liens économiques et politiques de l’entité avec Moscou. La Géorgie dénonce l’illégalité du scrutin et la violation de sa souveraineté.
Située sur la côte orientale de la mer Noire, l’Abkhazie est un territoire de 8 660 kilomètres carrés (l’équivalent du département de l’Aveyron) pour quelque 245 000 habitants (en 2020), qui s’est autoproclamé indépendant de la Géorgie en 1992. Bénéficiant du statut de république autonome au sein de la République socialiste soviétique de Géorgie (1921-1991), les Abkhazes sont pourtant minoritaires (18 % de la population avant 1989) face à la majorité géorgienne (sans oublier les minorités russe, arménienne et grecque). Tbilissi envoie alors l’armée pour mettre fin au mouvement sécessionniste abkhaze. Moscou s’interpose militairement, gelant le conflit jusqu’en 2008, sans toutefois reconnaître l’indépendance du territoire. La guerre se solde par la mort d’environ 10 000 personnes et le départ d’Abkhazie de 300 000 Géorgiens. En 1994, le Kremlin pousse les parties à signer un traité de paix, tandis que la Géorgie donne des gages en adhérant à la Communauté des États indépendants (CEI) et en autorisant l’installation de facilités militaires russes, dont la base de Goudaouta. Elle espère ainsi recouvrer son intégrité territoriale.
Mais, déçu par l’attitude russe, le gouvernement géorgien se tourne vers les États-Unis, intéressés par ce pays situé entre la mer Caspienne et la mer Noire pour le transit des hydrocarbures via l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC, ouvert en 2005). En 2002, le président Edouard Chevardnadze (1992-2003) obtient des Américains l’envoi de 200 instructeurs pour former des bataillons de l’armée géorgienne à la lutte antiterroriste et demande l’adhésion à l’OTAN. Il est balayé par la « révolution des roses » en 2003 à la suite d’élections législatives contestées, ce qui renforce l’orientation diplomatique du pays vers Washington.
Dès lors, les tensions avec la Russie vont crescendo, Moscou essayant par différents moyens – embargos sur les produits agricoles, fermeture de la frontière russo-géorgienne, suspension des livraisons de gaz, menaces militaires… – de faire pression sur sa voisine. Le 7 août 2008, Tbilissi lance un assaut militaire sur l’Ossétie du Sud pour faire plier cette province séparatiste. La Russie réplique en repoussant les forces géorgiennes et occupe également l’Abkhazie, dans un conflit éclair de neuf jours qui a fait environ 800 morts. Moscou reconnaît alors l’indépendance de ces deux régions.
Bénéficiant d’un climat méditerranéen propice à une agriculture diversifiée (vergers, vignobles, théiers…), l’Abkhazie dispose aussi de ports en eau profonde (Otchamtchire, Gagra, Soukhoumi), d’infrastructures routières et ferroviaires, d’aéroports et de sites touristiques parmi les plus prisés du Caucase. La majorité de la population possède la nationalité russe, parle russe, utilise le rouble et dépend économiquement des relations de son territoire avec les régions frontalières russes. Une emprise qui se renforce avec la reprise, en mai 2025, des liaisons aériennes entre Moscou et Soukhoumi, trente-deux ans après leur suspension.
L’Abkhazie, terre géorgienne sous contrôle russe
