Pour vaincre un adversaire, l’action militaire n’est pas forcément nécessaire : il suffit de l’affaiblir et le déstabiliser par différents moyens, comme en soutenant des mouvements politiques subversifs, voire des groupes terroristes, en instrumentalisant les flux migratoires [ce que la Russie est accusée de faire] ou encore, via des relais, en encourageant le trafic de drogue.
Ainsi, aux États-Unis, les surdoses liées à la consommation de drogues causent, chaque année, plus de 100 000 décès. Les opioïdes, comme le fentanyl, sont impliqués dans 80 % des cas, la cocaïne l’étant dans les 20 % restants [27 569 décès en 2022, ndlr]. Au-delà des aspects sanitaires, évidemment préoccupants, notamment pour la jeunesse, cette situation nourrit la criminalité et, partant, pose un problème de sécurité intérieure.
La consommation de drogues de synthèse, comme le fentanyl, a pratiquement décimé toute une génération aux États-Unis. Cinquante fois plus puissantes et moins chères que les opiacés d’origine végétale, elles font des ravages tant dans les grandes villes que dans les campagnes, comme l’a décrit le vice-président américain, J.D Vance, dans son livre Hillbilly Elegy.
Or, parce qu’elle est le premier producteur mondial des précurseurs chimiques du fentanyl, la Chine est accusée par les États-Unis de jouer un rôle central dans la diffusion de cette drogue de synthèse, via les cartels sud-américains qui l’achemine vers l’Amérique du Nord.
D’où la volonté de l’administration du président Trump d’y mettre un terme, en usant de la force militaire. Deux pays sont plus concernés que les autres : le Venezuela, dont le président, Nicolas Maduro, est accusé par Washington d’être de mèche avec le Cartel de Los Sols et Tren de Aragua, et la Colombie, à qui les États-Unis reprochent de ne pas en faire assez contre la production de cocaïne.
Par ailleurs, le Venezuela cultive des liens étroits avec la Chine, la Russie et l’Iran, ce qui, aux yeux de Washington, est une circonstance aggravante. En outre, depuis qu’est à la tête de la Colombie [il est le premier président issu de la gauche], Gustavo Petro plaide pour un rapprochement avec Caracas, l’une de ses premières décisions ayant d’ailleurs consisté à rétablir des relations diplomatiques qui avaient été rompues en 2019.
Quoi qu’il en soit, lors de son premier mandat [2017-21], le président Trump avait l’intention de lancer une vaste opération antidrogue en Amérique du Sud. Opération qui ne put être menée puisqu’il dut quitter la Maison Blanche. Mais depuis qu’il a retrouvé le bureau ovale, il entend reprendre les affaires où il les avait laissées.
En août, après avoir mis la tête du président Maduro à prix pour 50 millions de dollars, les États-Unis ont commencé à déployer une puissante force dans les caraïbes, avec pas moins de sept navires [dont l’USS Iwo Jima, susceptible de mettre en œuvre des chasseurs-bombardiers AV-8B Harrier], dix F-35B [basés à Porto Rico], des avions de patrouille maritime P-8A Poseidon et des drones. Au total, 10 000 militaires américains, appartenant essentiellement à l’US Marine Corps [USMC] sont engagés dans cette opération de lutte contre le « narcoterrorisme ».
Mais ce n’est pas fini. Aux vols ponctuels de bombardiers stratégiques B-52H Stratofortress et B-1 Lancer au large du Venezuela viendra s’ajouter ceux des aéronefs embarqués à bord du porte-avions USS Gerald R. Ford, lequel sera mis à disposition du commandement Sud des États-Unis [USSOUTHCOM] après son départ de la Méditerranée, où il se trouve actuellement avec son groupe aéronaval. C’est en effet ce qu’a annoncé Sean Parnell, un porte-parole du Pentagone, le 24 octobre.
« Pour appuyer la directive du Président visant à démanteler les organisations criminelles transnationales [OCT] et à lutter contre le narcoterrorisme […], le secrétaire à la Guerre a dirigé le groupe aéronaval Gerald R. Ford et son escadre aérienne embarquée vers la zone de responsabilité du Commandement Sud des États-Unis », a-t-il dit.
L’USS Gerald R. Ford « renforcera notre capacité à détecter, surveiller et perturber les acteurs et activités illicites qui compromettent la sécurité et la prospérité des États-Unis », a-t-il fait valoir.
Ce porte-avions a appareillé de la base navale de Norfolk, en juin dernier. Son groupe aéronaval se compose notamment des destroyers USS Winston S. Churchill, USS Bainbridge, USS Mahan, USS Mitscher et USS Forrest Sherman, les deux derniers étant respectivement déployés en mer d’Arabie et en mer Rouge. Aussi, il n’est pas certain qu’ils soient envoyés aux Caraïbes, où l’USS Gerald Ford devrait se trouver d’ici une bonne semaine.