Durant la Guerre froide, l’Union soviétique mit en service des missiles balistiques intercontinentaux RT-23 Molodets [code Otan : SS-24 Scalpel] qui, lancés verticalement à froid, pouvaient être installés sur une plateforme ferroviaire, ce qui permettait de les déplacer assez aisément tout en les rendant difficilement repérables parmi les trains de passagers ou de marchandises.
Au total, cinquante-six RT-23 Molodets sur rails étaient opérationnels au moment de l’implosion de l’URSS, dont trente-six se trouvaient en Ukraine. Depuis, tous ont été démantelés.
Cependant, dans les années 2010, la Russie s’inspira de ce concept pour lancer le projet « Bargouzine ». Ce dernier visait à créer cinq « régiment ferroviaires » dotés chacun d’un train pouvant emporter jusqu’à six missiles balistiques intercontinentaux « Iars » [code Otan : SS-29]. Finalement, ce plan fut gelé en 2017, faute des financements nécessaires.
Pour autant, cette idée fut reprise par la Corée du Nord qui, en 2021, annonça la création d’un « système de missiles de combat ferroviaire ». À l’époque, l’agence de presse officielle nord-coréenne avait avancé, photographie à l’appui qu’un « régiment ferroviaire de missiles » avait « pris part à un exercice avec la mission de frapper une zone cible à 800 km de distance après s’être déplacé vers la région montagneuse centrale au petit matin du 15 septembre ».
A priori, le missile tiré depuis cette plateforme ferroviaire était un KN-23, à la trajectoire semi-balistique [c’est-à-dire qu’il est possible de le manœuvrer à l’approche d’une cible]. « Le système de missiles transportés par voie ferrée constitue un moyen de contre-attaque efficace, capable de porter un coup dur à plusieurs reprises aux forces menaçantes », avait commenté un haut responsable militaire nord-coréen.
Au regard de l’importance de son réseau ferroviaire, l’un des plus importants du monde, avec ses 68 500 km et ses 8 000 gares, l’Inde ne pouvait que s’intéresser à ce mode de lancement de missiles, susceptible de lui apporter plus de flexibilité opérationnelle et de renforcer sa capacité de frappe en second [voire en premier]. En témoigne d’ailleurs l’essai que vient de réaliser l’Organisation de recherche et développement pour la défense [DRDO], en collaboration avec le Commandement des forces stratégiques indiennes [SFC].
En effet, le 24 septembre, cette dernière a dit avoir « réalisé avec succès le lancement d’un missile balistique à portée intermédiaire Agni-Prime à partir d’un système mobile sur rail, dans le cadre d’un scénario opérationnel complet ».
« Ce lancement, un première en son genre, a été réalisé depuis un lanceur mobile ferroviaire spécialement conçu pour se déplacer sur le réseau ferroviaire sans aucune condition préalable », a ajouté la DRDO. Et de préciser que ce système dispose de toutes les « fonctionnalités nécessaires à un lancement indépendant ».
L’Agni-Prime [ou Agni-P] est un missile balistique de moyenne portée à deux étages, à combustion solide et à capacité nucléaire. D’une portée de 2 000 km, il a été lancé, avec succès, pour la première fois en 2021. Depuis, il a fait l’objet de cinq autres tirs d’essais, celui à partir d’une plateforme ferroviaire compris.
« Suivie par diverses stations terrestres, la trajectoire du missile a été « parfaitement conforme aux objectifs de la mission », a souligné la DRDO, pour qui ce succès « permettra la mise en service de systèmes ferroviaires futuristes ».