Un quadrillage sécuritaire inédit depuis les années 1990 a paralysé Alger et sa périphérie, après la disparition de l’ancien chef de la DGSI, le général-major Abdelkader Haddad, dit Nasser El-Djinn, en fuite depuis son assignation à résidence.
Alger a vécu, les 18 et 19 septembre, au rythme d’un déploiement sécuritaire d’une ampleur rarement observée depuis la « décennie noire ». Postes de contrôle, barrages policiers et militaires, fouilles systématiques de véhicules et survols d’hélicoptères ont transformé la capitale et sa périphérie en zone verrouillée, provoquant d’interminables embouteillages. L’opération visait à retrouver Nasser El-Djinn, ancien patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), évaporé en pleine assignation à résidence.
Limogé en mai dernier, après avoir dirigé la DGSI de juillet 2024 à mai 2025, Abdelkader Haddad avait surpris par la brutalité de sa mise à l’écart. Proche du président Abdelmadjid Tebboune, il avait accompagné sa réélection à un second mandat en septembre 2024. Mais, rapidement arrêté, il avait été transféré de la prison militaire de Blida à celle de Béchar, avant d’être assigné dans une villa sécurisée de Dely-Ibrahim, sur les hauteurs d’Alger.
Son évasion, qualifiée d’« onde de choc » par plusieurs sources sécuritaires, ne semble possible qu’avec l’appui de complicités internes. Elle révèle, au-delà de la façade officielle d’un pouvoir stable, les lignes de fracture qui traversent l’appareil sécuritaire et militaire algérien.
La convocation en urgence du Haut conseil de sécurité (HCS), jeudi 18 septembre, a confirmé l’ampleur de la crise. L’agence officielle Algérie Presse Service a bien mentionné la réunion, mais sans livrer de détails sur son contenu. Ce silence contraste avec le déploiement massif constaté dans les rues, qui trahit une nervosité palpable au sommet de l’État.
L’affaire illustre une fois encore les rivalités qui minent le régime algérien marqué par des règlements de comptes internes où s’affrontent clans militaires et politiques. L’évasion de l’ex-patron de la DGSI, qui fut l’un des hommes les plus puissants du pays, risque d’accroître l’instabilité dans une période déjà tendue, alors que le pouvoir continue de vanter son projet d’« Algérie nouvelle ».
Selon plusieurs sources concordantes, un signalement de la fuite du général Abdelkader Haddad, alias Nacer el Djinn, a été transmis aux autorités espagnoles.
Dans le sillage de l’évasion du haut gradé, plusieurs arrestations et sanctions sont intervenues au sein de la DCSA, ce renseignement militaire qui est le bras armé de l’État major. Le chef de ce service prestigieux, le général chargé de l’arrestation et de la surveillance du général el Djinn, le général Mahrez Djeribi, aurait été écarté de ses fonctions d’après plusieurs sources crédibles. Or il s’agit d’un des gradés les plus proches du général Chengriha qui l’avait désigné voici quelques mois en mettant fin à sa retraite puis promu au grade de général en juillet dernier.
« Si la DCSA a vraiment joué un double jeu face à l’État-Major, alors que ce service est placé directement sous ses ordres et dispose des pouvoirs du piuissant DRS du général Toufik en fonctions jusqu’en 2015, note un bon connaisseur du sérail algérien, c’est que l’institution militaire est devenue un bateau ivre ».
Une vague d’arrestations
Le Lieutenant-colonel Hichem, officier du CPMI de Ben Aknoun (caserne Antar) au coeur de l’appareil sécuritaire, a été arrêté, tout comme Yahia Necib, procureur auprès du tribunal militaire de Blida et le fils du général Necib, ancien commandant des forces navales. Le colonel Fouad Boukhari, Procureur de la République adjoint près le tribunal militaire de Blida, démis de ses fonctions alors qu’il se trouvait en déplacement en Égypte. (Fils de l’ex directeur central de la justice militaire et actuel sénateur du tiers présidentiel le colonel Belkacem Boukhari)
Plus d’une quarantaine de personnes appartenant à l’entourage familial ou professionnel de Nacer el Djinn auraient été arrêtées.
Cette affaire révèle l’intensité d’un conflit interne majeur au sein des services de renseignement, de la justice militaire et de l’armée. Elle pourrait marquer une rupture nette dans le jeu d’alliances et de rivalités au sommet de l’État.
En attendant un communiqué officiel, une seule certitude demeure : la disparition de Nacer el Djinn plonge le cœur du régime algérien dans une nouvelle zone de turbulence, où la guerre des clans atteint un niveau explosif.