Pour certains, les sous-marins n’auraient plus d’avenir car, estiment-ils, il leur sera de plus en plus difficile de rester discrets avec l’évolution technologique des différents moyens mis en œuvre pour les détecter [sonars actifs, sonars passifs, bouées acoustiques, détecteurs d’anomalie magnétique, capteurs infrarouges, voire imagerie sous-marine].
Ce point de vue a notamment été soutenu par une équipe de l’Université nationale australienne, dans une étude intitulée « Océans transparents » et publiée en 2021. Selon cette dernière, les « technologies futures rendront les océans largement transparents » tandis que celles dédiées à la contre-détection ont une marge de progression désormais limitée.
Spécialiste de l’intelligence artificielle militaire, l’entreprise Helsing IA est sur la même ligne. En mai, elle a présenté son système Lura/SG-1 Fathom comme étant en mesure de rendre les océans « transparents », et donc de détecter les sous-marins, grâce à un logiciel d’IA associé à un essaim de « gliders » [ou planeurs sous-marins]. Selon elle, un tel dispositif permettrait de « détecter des cibles dix fois plus silencieuses que les systèmes existants » et « cela quarante fois plus rapidement qu’une oreille humaine ».
Sauf que, interrogé à ce sujet lors d’une audition parlementaire, le chef d’état-major de la Marine nationale, l’amiral Nicolas Vaujour, a émis de sérieux doutes sur les promesses du Lura/SG-1 Fathom. « Helsing fait de la publicité, non pas mensongère mais très optimiste », avait-il dit. « En passif pur, vous ne détectez pas tout. Un sous-marin nucléaire lanceur d’engins [SNLE], aujourd’hui, n’émet pas. Détecter un SNLE avec un glider, je ne veux pas dire qu’on n’y est pas encore mais il y a quand même loin de la coupe aux lèvres », avait-il ajouté.
En outre, une autre étude, publiée en 2024 par la Texas National Security Review, a démontré que l’évolution du climat allait rendre la détection des sous-marins encore plus compliquée étant donné que la hausse des températures et une salinité moins importante affecteront la propagation du son dans l’eau. En outre, « en raison de l’absorption accrue de dioxyde de carbone, certaines parties de l’océan deviendront plus acides. Or l’acidité influence à la fois la perte de transmission et le bruit ambiant », a-t-elle avancé.
Cela étant, les contre-mesures devraient également évoluer. En tout cas, le ministère des Armées y travaille. Ainsi, dans son bilan d’activités pour l’année 2024, l’Agence de l’innovation de défense [AID], indique que le pôle GIMNOTE, créé par le centre d’expertise et d’essai DGA Techniques navales, à Toulon, avait retenu le projet EUTERPE+, porté par la PME Acoudesign.
Étant donné la sensibilité du sujet, l’AID ne s’est pas attardée sur les détails. Toutefois, elle a précisé que ce projet vise à développer un « prototype capable de modifier ou de masquer la signature acoustique des sous-marins ».
Et d’ajouter : « Le principe est d’employer la vibration contrôlée de la coque pour absorber ou générer des sons. Ce dispositif pourrait renforcer significativement la furtivité en opération ».
A priori, ce projet repose sur la technologie SIISMAT [Système Invisible d’Insonorisation et de Sonorisation par les Matériaux], développée par Acoudesign. « Cette technologie transversale chef-d’œuvre d’ingénierie repose sur une boucle de quatre composants élaborés avec précisions pour transmettre aux matériaux choisis les vibrations optimales permettant une restitution sonore de haute qualité », fait-elle valoir.
Validé par le pôle d’innovation GIMNOTE, le projet EUTERPE+ va bénéficier d’un financement et d’un accompagnement pendant 20 mois. Il « illustre parfaitement la convergence entre l’acoustique, la mécatronique et l’innovation navale de défense », a conclu l’AID.