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mercredi 13 août 2025

La Suisse ouvre la voie à une possible réduction de sa commande de chasseurs-bombardiers F-35A

 

En Suisse, depuis que le département de la Défense, de la protection de la population et des sports [DDPS] a admis que les trente-six F-35A commandés à Lockheed Martin en 2022 coûteront bien plus cher que que les six milliards de francs suisses prévus, plusieurs camps s’opposent. Et la décision de l’administration américaine d’augmenter les droits de douanes de 39 % sur les exportations suisses aux États-Unis n’a fait que durcir les positions des uns et des autres.

D’abord, il y a ceux qui, par principe, sont hostiles à tout achat de nouveaux avions de combat pour remplacer les F/A-18 Hornet et les F-5 Tiger de la force aérienne suisse. Aussi plaident-il en faveur d’une résiliation du contrat notifié à l’industriel américain. Un autre camp affiche la même position… à la nuance près qu’il souhaite annuler l’achat des F-35A au profit d’une solution européenne, comme le Rafale de Dassault Aviation.

Pour d’autres, il est trop tard pour revenir en arrière. Et ils vont jusqu’à défendre l’idée qu’acheter davantage de F-35A encouragerait Washington à revoir sa décision sur les droits de douane. Telle est la position défendue par Stefan Holenstein, officier de milice et président de l’Association des sociétés militaires suisses [ASMS]. Selon lui, Berne devrait commander douze chasseurs-bombardiers supplémentaires, avec l’objectif d’amadouer le président Trump.

« Son organisation réclame depuis longtemps davantage d’avions de combat, et un budget de l’armée revu à la hausse. Cela permettrait selon lui d’allonger de façon décisive la capacité de résistance de l’armée de l’air. Une situation gagnant-gagnant pour la Suisse et les Etats-Unis, mais avec un coût des plus élevés », a résumé le site suisse d’information Watson.

Pour rappel, la hausse du prix des F-35A est le résultat d’un quiproquo entre Berne et Washington au sujet de la notion de « prix fixe ». Pour les Américains, elle signifie que la Suisse doit payer la même somme que celle versée par le Pentagone à Lockheed Martin pour ses propres F-35… Or, jusqu’ici, le DDPS avait soutenu qu’il ne paierait que la somme inscrite sur le « devis » soumis lors de l’appel d’offres.

D’ailleurs, le choix du chasseur-bombardier américain s’était justement joué sur le prix alors proposé par les États-Unis, l’offre soumise par ces derniers ayant été inférieure de près de 2 milliards de francs suisses par rapport à celle arrivée en seconde position. En outre, le DDPS avait expliqué que les coûts d’exploitation des F-35A seraient moindres car, grâce à leurs « capacités avancées », ces appareils n’auraient « pas besoin de voler autant » que leurs concurrents.

Cela étant, pourtant mis en garde par le Contrôle fédéral des finances sur cette notion de prix fixe, le DDPS avait oublié que les F-35A qu’il recevrait ne seraient pas portés à leur dernier standard, le Block 4 étant encore en cours de développement.

La semaine passée, le quotidien suisse Le Temps n’a pas hésité à parler d’un « scandale d’État« . « Qui rendra des comptes ? Le Conseil fédéral, l’administration militaire, le parlement ? Car l’affaire ressemble bien à un ‘fiasco' », a-t-il écrit, avant d’estimer que seule une commission d’enquête parlementaire pourra faire la lumière sur les tenants et les aboutissants de ce dossier.

Et d’insister : « Le F-35 est peut-être l’avion dont la Suisse a besoin. Mais il est temps d’expliquer à la population quels sont son véritable coût, sa véritable mission et ce que cela signifie pour la neutralité du pays. Après le fiasco des taxes de 39 % imposées à la Suisse, un scandale des chasseurs-bombardiers furtifs, dont une clique au sein de l’armée a voulu à tout prix, est de nature à créer la défiance face aux autorités. Ce n’est pas le moment ».

Quoi qu’il en soit, même après la douche froide qu’il a reçue avec les tarifs douaniers, le Conseil fédéral n’a nullement l’intention de revenir sur l’achat de F-35A. Il s’en est expliqué dans un communiqué publié ce 13 août, sans faire mystère des difficultés auxquelles il doit faire face, comme l’intransigeance de l’administration américaine.

« Les États-Unis ne sont pas disposés à modifier leur position, ce qui empêche la Suisse d’imposer le prix fixe pour l’avion de combat F-35A. Telle est la conclusion des discussions qui ont eu lieu cet été », a en effet admis le Conseil fédéral, après des discussions « intensives » avec la Maison Blanche et le Pentagone.

Sur la base de ces dernières, la « Suisse doit accepter que le prix par lot de production corresponde à la valeur négociée entre le gouvernement américain et Lockheed Martin », a-t-il ajouté. Ce qui fait que, actuellement, « il n’est pas encore possible de déterminer le coût exact de l’acquisition », lequel « dépendra largement de l’évolution future de l’inflation aux États-Unis, de l’évolution des prix des matières premières sur les marchés mondiaux et d’autres facteurs tels que les hausses de prix résultant des droits de douane imposés par les États-Unis à l’échelle mondiale ».

Cela étant, le Conseil fédéral entend maintenir « son projet d’acquisition de l’avion de combat F-35 » afin de « protéger la Suisse contre les menaces aériennes avec cet avion qui dispose d’une avance technologique importante par rapport à d’autres appareils et qui est désormais largement répandu dans les pays européens ». À n’importe quel prix ?

Il reviendra à un groupe de travail dirigé par le divisionnaire [équivalent de général] Christian Oppliger, qui prendra bientôt ses fonctions de commandant de la force aérienne suisse, d’y répondre. Plus précisément, il devra vérifier si les « exigences actuelles en matière de défense aérienne correspondent toujours aux bases sur lesquelles reposait l’évaluation du F-35A » et réévaluer « l’équipement cible de la défense aérienne, en tenant compte de la situation financière et de politique de sécurité ».

En clair, le Conseil fédéral ouvre la voie à une possible réduction du nombre de F-35A commandés. Cette hypothèse avait d’ailleurs été évoquée au début du mois de juillet. « Nous allons respecter le budget maximum prévu. Si le prix devait être supérieur, nous étudierions différentes options comme acheter moins d’avions », avait en effet déclaré Martin Pfister, le chef du DDPS, dans les pages de Matin Dimanche.

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