Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 10 mars 2025

Une Europe prise en étau entre Trump et Poutine

 

Des paroles aux actes, il y a un large fossé que l’Union Européenne ne pourra évidemment pas franchir malgré les bonnes paroles prononcées en faveur d’un soutien à l’Ukraine lors du sommet extraordinaire des Ving-Sept qui s’est réuni le jeudi 6 mars.

Lors d’une de ces grand messes qui célèbrent trop souvent une unité européenne fictive, l’UE s’est dite prête à dépenser jusqu’à 800 milliards  d’euros pour renforcer une politique commune de défense. Une vaste réforme des règles budgétaires communes permettrait, nous dit-on, d’atteindre cet objectif. La plupart des États ne bouclent pas leurs fins de mois? Peu importe! L’effort de guerre face à l’ennemi désigné, Vladimir Poutine, serait financé par l’endettement, forcément, malgré toutes les déclarations alarmistes sur ce chèque monumental tiré sur les générations futures.

Donald Trump, un électrochoc… sans lendemain 

Les déclarations de Donald Trump qui s’en est pris une fois de plus à l’OTAN et a dénoncé le devoir de secours entre alliés auraient été l’électrochoc salutaire. Peu importe que l’UE ait été incapable, depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, de construire une Europe de la Défense. Ces temps là ,nous dit-on, sont révolus. Poutine n’a qu’à bien se tenir! On veut croire qu’une Europe rassemblée se substituera à une Amérique défaillante qui a stoppé tout appui du renseignement américain à l’Ukraine et d’apprête à arrêter la livraison des armements. Le samedi 8 mars, le Monde, ce quotidien français de 55O Journalistes qui ignore l’usage du conditionnel, peut titrer: « L’UE ouvre la voie à un grand réarmement ».

Avec son talent incontestable de communicant, Emmanuel Macron n’a-t-il pas amorcé, lors de sa visite à Donald Trump à la Maison Blanche le lundi 3 mars, « un tournant » décisif de l’approche occidentale du dossier ukrainien. Et tant pis si le même jour, la Russie et les États Unis, signaient leur communauté de vue sur l’Ukraine par un vote commun à l’ONU.

Plus dure sera la chute 

Les Européens sont-ils vraiment prêts à mourir pour Kiev comme veut le croire Emmanuel Macron transformé en un chef de guerre sans plan de bataille? Qui peut le croire dans cette course au déni? Comment les opinions publiques occidentales pourraient-elles se laisser convaincre  par des forces politiques elles mêmes démunies face au chaos mondial et au retournement des alliances? Pourquoi des électeurs soutiendraient un tel effort de guerre alors qu’ils assistent au bouclage laborieux des budgets nationaux? Rien de plus aisé désormais pour les mouvements politiques de la droite extrême et de la gauche radicale fascinés par Trump et par Poutine que d’exploiter ces contradictions et ces rodomontades.

Imaginons l’inimaginable, à savoir que l’UE débourse les 800 milliards d’euros. Pour autant, cette Europe où coexistent des Italiens pro Trump, des Hongrois pro Poutine, des Français gesticulant et des Allemands pragmatiques, aura quelque peine à unir ses efforts en matière de défense. De toute façon, ce réarmement s’il se produisait par extraordinaire ne porterait ses fruits que d’ici plusieurs années, alors que le lâchage américain de l’Ukraine supposerait un soutien européen quasiment immédiat. 

Quelques jours après avoir titré sur « le tournant » impulsé par Emmanuel Macron à Washington et sur l’imminence d’un réarmement européen, « Le Monde » évoque ce week end la difficulté pour les formations politiques françaises de s’emparer des sujets internationaux et « sur la diminution du travail de réflexion du personnel politique ». « Il y a eu un avachissement », constate François Hollande, l’ancien président français qui était pourtant aux premières loges, voici si peu d’années, pour remédier à cette absence de hauteur au sein d’une classe politique française dont il fut et dont il est encore un des principaux acteurs.  

Nicolas Beau

mondafrique.com