Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 4 février 2025

Un Royaume-Uni désuni par le « Brexit » ?

 
Le 31 janvier 2020, après quatre années d’âpres négociations avec l’Union européenne (UE) faisant suite au vote, en juin 2016, pour le « Brexit » voulu par 51,8 % des électeurs britanniques, le retrait du Royaume-Uni se concrétise enfin. Quatre ans plus tard, où en est économiquement et socialement le pays ? Loin de la vision radieuse promise par ses partisans, le bilan est moins reluisant, entre croissance en berne et crises politiques.

Le Royaume-Uni a fait partie du premier élargissement de la communauté européenne en 1973 avec l’Irlande et le Danemark, mais n’a jamais été pleinement intégré, refusant de faire partie de l’espace de libre circulation de Schengen et de la zone euro. Les partisans du « Brexit » assuraient de libérer le potentiel du pays, cinquième puissance économique mondiale, en affirmant que l’appartenance à l’Union limitait sa capacité à prendre des décisions autonomes en matière de politique économique, d’immigration, de législation… Leurs principaux arguments étaient que la libre circulation permise par les traités européens entraînait un afflux de migrants vers le Royaume-Uni, nuisant à la cohésion sociale et à l’identité britannique, avec pour corollaire une forte pression sur les services publics, les logements et les emplois.

Une sortie de l’UE pas si bénéfique pour le pays…

Ils soutenaient ainsi l’idée que la sortie de l’UE permettrait au pays d’économiser sa contribution nette, soit 130 millions de livres (152 millions d’euros) par semaine. Celle-ci serait immédiatement disponible pour les services publics, en particulier le système de santé ou l’éducation, tout en s’affranchissant de la pesante bureaucratie de l’UE et des contraintes, pour les entreprises britanniques, liées aux réglementations européennes, entravant leur compétitivité et leur capacité à innover. Enfin, grâce à la souveraineté retrouvée, le Royaume-Uni serait en mesure de conclure ses propres accords commerciaux plus avantageux avec le reste du monde, notamment avec les membres du Commonwealth et les pays émergents, comme l’Inde et la Chine, promettant un impact positif sur l’économie et la croissance, et rejetant ainsi les prévisions des institutions internationales.

Durant les négociations avec Bruxelles, l’économie britannique n’a pas semblé affectée par le vote pour le « Brexit ». L’inflation était stable et le taux de croissance annuel moyen inchangé sur la période 2016-2019 par rapport à 2010-2015, oscillant entre 1 et 3 % par an. En revanche, la sortie effective de l’UE en 2020 a eu un impact immédiatement remarquable. Les nouvelles barrières non tarifaires ont entraîné une hausse des coûts (nouvel étiquetage, changements logistiques et de circuits commerciaux) et par conséquent une augmentation des prix alimentaires importante (+ 25 % entre décembre 2019 et mars 2023). Le système financier a également été affecté. La City demeure la première place financière d’Europe, mais une partie de ses activités a été relocalisée vers l’UE (environ 10 % du total du système bancaire). La pandémie de Covid-19 n’a pas facilité l’adaptation aux effets propres à la sortie de l’Union et la distinction de ceux liés aux mesures sanitaires prises.

Les importations et les exportations de biens depuis et vers l’UE ont chuté durant les mois qui ont suivi la sortie du marché unique (- 34 % et - 45 % en janvier 2021), alors qu’elles sont restées presque stables avec le reste du monde. Idem pour les échanges de services qui ont plus baissé avec l’UE qu’avec les autres partenaires. Si ces flux sont depuis repartis à la hausse, le « Brexit », en raison du climat d’incertitude quant aux perspectives, a surtout entraîné un décrochage de l’investissement des entreprises britanniques dans la quasi-totalité des secteurs d’activité. Celui-ci est, fin 2023, 20 % en dessous du niveau qu’il aurait dû atteindre s’il avait poursuivi sa trajectoire observée entre 2010 et 2016.

La sortie du marché unique a également eu des conséquences sur l’emploi, car elle a imposé aux Européens d’obtenir un visa pour travailler au Royaume-Uni. Quant à l’immigration clandestine, le Royaume-Uni n’ayant jamais fait partie de l’espace Schengen, le « Brexit » n’a pas modifié la situation puisque le pays contrôlait déjà ses frontières, poussant Londres à négocier avec le Rwanda un programme d’expulsion contesté juridiquement.

Doutes politiques

La négociation d’accords de libre-échange avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Singapour, ainsi que l’entrée du Royaume-Uni en 2023 au sein du Partenariat transpacifique, a réjoui le gouvernement conservateur de Rishi Sunak (2022-2024). Ce partenariat ne compense pourtant pas le coût engendré par la sortie de l’UE, estimé à 4 % à long terme par l’agence chargée des prévisions budgétaires (OBR). Et l’échec à faire avancer des négociations avec les États-Unis ou le Canada montre qu’il n’est pas si simple de miser sur le Commonwealth, trop hétérogène, au détriment de relations naturellement orientées vers l’UE. Affaibli, le cabinet Sunak a démissionné en mai 2024, menant à une victoire travailliste aux législatives du 4 juillet.

Alors que nous fêtons les trente ans du tunnel sous la Manche, le Royaume-Uni tourne le dos à ses voisins européens, au détriment des Britanniques, certains considérant que le « Brexit » a eu un effet néfaste sur leur quotidien. Sans oublier le fait que les Écossais, en majorité opposés à la sortie de l’UE, se posent la question de quitter le royaume et que la réunification des deux Irlande n’est plus un tabou. 

Les effets du « Brexit » sur la population du Royaume-Uni


Le commerce extérieur britannique après le « Brexit »


Thibaut Courcelle

areion24.news