Face à une menace aérienne toujours plus affûtée, nombreux sont les pays qui ont fait, font et pourraient faire le choix du missile MISTRAL 3 de MBDA. Régulièrement amélioré et progressivement adapté à tous les domaines, il est l’une des réponses privilégiées par plusieurs armées d’Europe et d’ailleurs pour renforcer et faire évoluer leur bouclier antiaérien.
Entré en service dans les derniers instants de la guerre froide, c’est face aux héritiers de l’adversaire majeur d’alors que le missile « Missile transportable antiaérien léger » (MISTRAL) connaît, quatre décennies plus tard, une nouvelle heure de gloire. Mobilisé par l’Ukraine pour protéger son ciel face aux missiles et aéronefs russes, ce système de défense sol-air très courte portée (VSHORAD) y joue un rôle peu documenté, mais visiblement apprécié si l’on en croit les quelques échos remontés de la ligne de front, les lots successifs acquis en propre ou donnés notamment par l’Estonie et la France, et surtout, le regain d’intérêt de la part d’utilisateurs confirmés ou naissants.
Un système éprouvé et amélioré
Dernière version en date, le MISTRAL 3 étend la portée maximale à 8 km pour un plafond de 6 000 m. Sa vitesse maximale de 3 400 km/h n’empêche pas une manœuvrabilité sur trois axes lui permettant d’encaisser jusqu’à 9 G. Grâce à son autodirecteur à imagerie infrarouge, ce missile de type « tire-et – oublie » peut traiter l’ensemble des cibles manœuvrantes rencontrées dans son périmètre d’action, de jour comme de nuit et par tous temps, des hélicoptères aux missiles de croisière et aux avions de combat. Cette génération élargit le spectre aux drones, une fonction qualifiée, mais régulièrement améliorée, et aux petites embarcations rapides, une fonction « Fast inshore attack craft » (FIAC) en cours de qualification.
Long de 1,88 m pour un poids inférieur à 20 kg, ce missile embarque une tête militaire de 3 kg déclenchée par un laser de proximité et une fusée à impact. Le MISTRAL nécessite néanmoins un trépied et n’est donc pas stricto sensu un système portatif tiré à l’épaule (MANPADS) comme le sont, par exemple, le Stinger américain et le 9K32 Strela‑2 russe. Pièce maîtresse, son viseur, baptisé SANDRA (Système alternant les visions nocturne et diurne pour la recherche des aéronefs) par l’armée de Terre, intègre des fonctionnalités d’imagerie thermique et visible vidéo, une fonction d’élévation, un GPS et un cœur électronique de traitement d’image (IBIS). Son efficacité explique son intégration récente sur les canons de 20 mm de l’armée de Terre, l’ensemble formant un système antiaérien baptisé PROTEUS et en cours d’expérimentation.
Selon MBDA, le MISTRAL 3 présente une probabilité d’interception au premier tir supérieure à 96 %. Rare solution éprouvée de longue date au combat disponible sur le marché européen, il est également dépourvu de composants américains. Cette garantie de souveraineté, son palmarès opérationnel, son évolutivité et ses performances se conjuguent à un contexte de renforcement et de renouvellement généralisé des arsenaux.
Entre hausse des besoins et défis industriels
De l’évolution rapide et de la prolifération des drones au retour de l’hypothèse d’un engagement majeur et aux retours d’expérience ukrainiens, nombreux sont les facteurs ayant mis en exergue les carences des boucliers nationaux. En résulte une dynamique nouvelle de renforcement des stocks existants et de développements de nouvelles capacités. Adopté par une trentaine d’armées, le MISTRAL 3 est aujourd’hui l’objet de commandes massives et voit s’élargir son panel d’opérateurs.
MBDA avait engrangé, en juin 2024, trois milliards d’euros de contrats avec le seul client français. Parmi les systèmes et munitions acquis, le lot de 329 missiles MISTRAL 3 acté en décembre 2023 représente la part française d’une dynamique européenne impulsée six mois plus tôt. La France, Chypre, la Hongrie, la Belgique et l’Estonie s’engageaient alors sur la voie d’un achat conjoint pour un millier de missiles. Inédit, ce « tir groupé » non seulement s’est traduit en commandes initiales, mais a également fait des émules. La Slovénie, par exemple, a officialisé son souhait d’intégrer le noyau en juillet dernier avec la signature d’une lettre d’intention. Moins officielle, la position du Danemark pencherait en faveur du missile français et se solderait par la volonté de rejoindre le chaland. Le besoin accumulé pourrait ainsi dépasser 1 500 missiles.
Formalisé en juin dernier par la signature d’un arrangement de coopération, cet achat commun sous-tend des économies d’échelle pour les clients, et de la visibilité pour l’industriel. Il est également l’un des candidats en lice pour un appui financier du mécanisme de renforcement de l’industrie de défense européenne (EDIRPA). Doté d’un budget de 310 millions d’euros, ce dernier viendra abonder les investissements consentis par un consortium rassemblant au moins trois pays. Un tiers de l’enveloppe est destiné aux munitions et systèmes antiaériens. Selon les critères respectés, chaque lauréat pourra prétendre à un appui maximum variant de 45 à 60 millions d’euros, ou de 15 à 20 % de la facture. Les résultats des évaluations conduites par la Commission européenne devaient tomber en octobre. La demande est par ailleurs loin de se limiter à l’Europe, l’Arménie ayant fait le choix du MISTRAL 3 pour densifier son parapluie antiaérien tandis que MBDA continue de prospecter aussi largement que possible, jusqu’à dernièrement aux Philippines.
Entre l’urgence et l’étendue des besoins, l’industrie s’est progressivement mise en ordre de bataille pour produire plus et plus vite. Cette bascule vers l’« économie de guerre » définie par le gouvernement français nécessitait de muscler une chaîne de valeur mobilisant une dizaine d’acteurs majeurs, dont Safran, KNDS Ammo France, Roxel ou encore Junghans T2M. Engagé sur fonds propres, l’effort a déjà permis de passer de dix MISTRAL 3 produits par mois en 2022 à vingt aujourd’hui, un volume qui devrait doubler courant 2025. Il fallait 27 mois pour produire un missile lors de l’éclatement du conflit russo – ukrainien. Ce cycle a été ramené à 24 mois et sera encore réduit de plus de 30 % l’an prochain. Autant d’objectifs que MBDA entend atteindre en investissant un milliard d’euros pour optimiser les lignes de production françaises, toutes références confondues, et pour évoluer d’une logique de flux au stockage de certains composants.
Vers une défense sol-air plus mobile
Le contexte aidant, le MISTRAL 3 est au cœur des nouvelles réflexions capacitaires conduites par plusieurs opérateurs actuels ou futurs. Principales lignes directrices, la recherche de mobilité et la mise sous blindage des servants de pièce tendent à répondre à l’enjeu d’une menace redevenue omniprésente, manœuvrante et évolutive. Autant de paramètres actant le retour en grâce d’une DSA (Défense sol-air) d’accompagnement dans laquelle, en France et ailleurs, le MISTRAL 3 joue un rôle central.
Son intégration en superstructure d’un véhicule n’est pas quelque chose de nouveau. L’Arabie saoudite et le Maroc l’ont déjà adoptée avec leurs blindés MPCV et Sherpa. L’évolution réside plutôt dans la généralisation de l’idée. En France, par exemple, la Loi de programmation militaire pour 2024-2030 a ainsi acté la recréation d’une DSA d’accompagnement au profit de l’armée de Terre en misant sur le blindé Serval du programme SCORPION. Un premier lot de 24 Serval équipés de MISTRAL 3 doit en théorie être en service d’ici à la fin de la décennie, et près du double d’ici à 2035. Partenariat stratégique avec la Belgique oblige, le sujet est étudié en binational afin de doter le bataillon d’artillerie de la Composante Terre d’un système identique. Le plan d’investissement de la Défense belge prévoit en effet la réopérationnalisation d’ici à 2030 d’une capacité mise sous cocon en 2017, à raison d’une batterie construite sur le modèle français.
Un tel schéma se répète ailleurs en Europe. Sélectionnée par quatre pays, la tourelle Skyranger du groupe rhénan Rheinmetall privilégie quant à elle la combinaison d’un canon et de missiles à courte portée. Si l’Allemagne semble explorer une autre voie, la Hongrie, l’Autriche et le Danemark sont autant de prospects pour un MISTRAL 3 d’emblée offert aux côtés du Stinger américain. Ce choix du missile français, l’Autriche l’a officialisé pour les 36 tourelles Skyranger 30 appelées à être intégrées sur autant de blindés 6 × 6 Pandur EVO. Le Danemark devrait suivre la dynamique en vue de la transformation d’une quinzaine de ses Piranha V. La Hongrie, enfin, pourrait privilégier la cohérence en mobilisant un MISTRAL 3 présent depuis longtemps dans son arsenal pour concevoir une version VSHORAD du chenillé Lynx KF41 de Rheinmetall.
S’il est prééminent, le domaine terrestre n’est pas le seul en mouvement. Les menaces se multiplient également en mer, comme le démontrent les vagues régulières de missiles et de drones envoyés par les rebelles houthis sur les navires croisant en mer Rouge. La Marine nationale n’a cependant pas attendu les évènements de ces derniers mois pour faire évoluer la protection de ses navires. Illustration parmi d’autres, le double tir simultané réalisé en mars 2024 par la frégate Aconit démontrait l’efficacité des deux affûts SADRAL installés lors de sa rénovation à mi-vie en remplacement du système Crotale. Et la modernisation ne se limite pas aux bâtiments de premier rang. Maillon central du soutien d’une force navale, chaque Bâtiment ravitailleur de forces (BRF) de classe Jacques Chevallier recevra deux affûts SIMBAD‑RC. Cette tourelle navale téléopérée, MBDA propose maintenant d’en doubler la capacité en portant à quatre le nombre de missiles prêts au tir afin de mieux traiter les attaques saturantes. Quant à l’intégration sur des plateformes aériennes pour des applications air-air, c’est la voie choisie par la France pour armer ses hélicoptères d’attaque Tigre, par l’Inde pour ses hélicoptères Dhruv et LCH et par la Corée du Sud pour armer une variante d’attaque de l’hélicoptère KUH‑1 Surion. L’avenir seul dira si le MISTRAL 3 est appelé à écrire de nouveaux chapitres sur d’autres porteurs aériens, à voilure tournante ou non, habités ou non.
Nathan Gain