En mai 2023, une enquête avait été ouverte pour « destruction de bien de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation » après la découverte de plusieurs câbles coupés à bord de la frégate de défense et d’intervention [FDI] Amiral Ronarc’h, alors en cours de construction sur le site de Naval Group à Lorient. Quelques jours plus tôt, la future frégate HMS Glasgow [de type 26] avait connu la même mésaventure, alors qu’elle se trouvait au chantier naval écossais de Scotstoun. Depuis, ces deux affaires n’ont plus été évoquées.
Mais un nouvel incident du même ordre s’est récemment produit en Allemagne. En effet, d’après des informations révélées par la Süddeutsche Zeitung ainsi que par les radios WDR et NDR, si la corvette Emden, appartenant à la classe K130, n’a pas encore été livrée à la marine allemande [Deutsche Marine] comme prévu, c’est parce que des dizaines de copeaux métalliques ont été découverts dans son système de propulsion à l’occasion d’une inspection du chantier naval Blohm+Voss , le mois dernier.
Évidemment, ces morceaux de métal ne pouvaient qu’infliger des dommages considérables à cette corvette et, partant, retarder sa livraison à la Deutsche Marine. De quoi accréditer la thèse d’un acte malveillant… que les autorités allemandes refusent, pour le moment, d’évoquer. En effet, le porte-parole de Blohm+Voss a indiqué qu’il ne ferait aucun commentaire tandis que le parquet de Hambourg et l’Office national de la police criminelle ont déclaré qu’ils ne livreraient aucune information sur cette affaire.
Lors d’une conférence de presse, ce 12 février, l’inspecteur de la Deutsche Marine [c’est-à-dire son chef d’état-major], l’amiral Jan Christian Kaack, n’a pas non plus souhaité évoquer le cas de la corvette Emden étant donné qu’elle n’est pas encore sous sa responsabilité. En revanche, sans donner plus de précisions, il a révélé qu’il y avait déjà eu des tentatives de « sabotage » sur « plus d’une unité » au cours de ces dernières années.
En outre, a-t-il ajouté, « en plus des tentatives de sabotage sur des navires de la marine, il y a eu des cas d’intrusions dans des bases navales depuis la terre et la mer » ainsi que des « tentatives d’approche » de militaires en uniforme.
« Notre évaluation est que nous sommes mis à l’épreuve. Des tentatives sont faites pour déstabiliser notre société, à la fois au niveau national et au sein de l’Alliance », a affirmé l’amiral Kaack. Et cela, a-t-il estimé, pourrait sans doute « jeter les bases d’activités militaires ultérieures ».
En outre, le chef de la Deutsche Marine a également affirmé que la menace de la Russie « était plus pressante » actuellement qu’il y a deux ans. « Les experts et les agences de renseignement s’accordent à dire que la Russie pourrait chercher à entrer en conflit avec l’Otan d’ici 2029 », a-t-il relevé.
À noter que le renseignement militaire danois [FE, pour Forsvarets Efterretningstjeneste] vient de publier une évaluation allant dans le même sens. « La Russie sera probablement plus disposée à utiliser la force militaire dans une guerre régionale contre un ou plusieurs pays européens de l’Otan si elle perçoit l’Otan comme militairement affaiblie ou politiquement divisée », a-t-il mis en garde, avant d’estimer qu’une guerre « à grande échelle » pourrait éclater d’ici cinq ans.
« La Russie a déjà amélioré sa capacité à moderniser son équipement militaire et a également augmenté de manière significative sa production d’armements. Elle peut déjà libérer des ressources pour son armement contre l’Otan dès à présent, notamment grâce au soutien financier et matériel qu’elle reçoit de l’extérieur », explique le FE.
En attendant, le renseignement militaire danois pense que la Russie continuera à mener des actions relevant de la « guerre hybride », juste en-deçà du seuil qui pourrait justifier un recours à l’article 5 [défense collective] du Traité de l’Atlantique Nord.