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vendredi 14 février 2025

Des mafieux auraient «influencé» des politiciens suisses lors de repas communs


Des connexions mafieuses dans la politique suisse? Des insinuations explosives ont secoué la Berne fédérale. Des politiciens ont partagé un repas avec des parrains de la mafia! Ce n'est autre que Nicoletta della Valle, alors directrice de l'Office fédéral de la police (Fedpol), qui l'a fait savoir au printemps 2024.

Dans une interview accordée à CH Media, elle a évoqué des politiciens «qui rencontrent des représentants du crime organisé pour déjeuner». La directrice de Fedpol a précisé à la «NZZ»: «Le crime organisé cherche à se rapprocher de la politique. Et celle-ci ne le remarque probablement même pas.» Elle n'a toutefois pas donné de détails. Même après avoir été interrogés, Fedpol et sa cheffe n'ont pas révélé si des politiques faisaient l'objet d'une enquête pour des liens présumés avec la mafia. Et encore moins de qui ou de quoi il s'agissait précisément.

Des politiciens ont vivement critiqué ce silence. Blick constatait au printemps dernier, que «jusqu'à aujourd'hui, le public ne sait pas si Nicoletta della Valle enquêtait sur des politiciens en raison de leurs liens avec la mafia». Et pour la «NZZ», «la pertinence de ces épisodes est restée totalement obscure».

Enquêtes en coulisse

Dans les coulisses, la nervosité s'est installée à Berne. Même chez les plus représentants les plus influents du Parlement. La Commission de gestion du Conseil des Etats a commencé à enquêter sans rendre sa démarche publique.

«C'est une idée monstrueuse que des politiciens suisses puissent avoir des relations avec des mafieux», déclare une personne proche du dossier qui ne souhaite pas être citée. Il en va potentiellement de la sécurité intérieure du pays.

Dès lors, la colère règne. «Pourquoi la cheffe de Fedpol fait-elle de telles allusions, mais ne donne pas de plus amples précisions?», demande une autre personne. «Quels sont les politiciens qui dînent en secret avec la mafia? Des parlementaires ou des élus locaux? Des conseillers d'Etat cantonaux? Ou même des fonctionnaires sont-ils eux-mêmes impliqués dans des affaires louches?»

Les membres de la Commission de gestion ont donc alors resserré l'étau sur la direction de Fedpol. L'Office fédéral de police a alors présenté en toute confidentialité des exemples de rencontres entre des politiciens et des membres d'organisations criminelles aux membres de la Commission de gestion. Les véritables intentions de ces rencontres n'auraient toutefois pas été clairement établies.

Nicoletta della Valle a assuré aux membres de la commission que ses déclarations visaient en premier lieu à «sensibiliser aux dangers de la propagation du crime organisé en Suisse», selon le nouveau rapport annuel de la Commission de gestion.

Fedpol précise les accusations

La conclusion des membres de la commission? Les politiciens et politiciennes devraient, eux aussi, «toujours être prudents dans leurs contacts avec des inconnus». Une sensibilisation à cette question est donc impérative.

Mais là encore, ces dires n'éclairent pas vraiment la situation. Les déclarations de Nicoletta della Valle n'avaient-elles pour but que de faire la lumière? Ou aurait-elle mieux fait d'informer précisément lorsque Fedpol enquêtait sur les liens présumés de politiciens avec la mafia? La Commission de gestion ne donne pas d'autres informations. Blick a toutefois appris de plusieurs sources que rien n'indiquait que des politiciens appartenaient eux-mêmes au crime organisé ou qu'ils le soutenaient. En raison de tentatives d'infiltration, la direction de Fedpol aurait cependant décidé de tirer la sonnette d'alarme.

Fedpol a finalement fait le point clairement pour la première fois face à Blick: on a certes constaté des contacts entre des politiciens et «des personnes ayant des liens possibles ou indirects avec le crime organisé», comme l'explique un porte-parole. Mais «aucun comportement pénalement répréhensible de politiciens au sens de l'article 260ter du Code pénal n'a été constaté, raison pour laquelle nous ne les décrivons pas publiquement».

L'article 260ter du Code pénal, également appelé «article mafieux», concerne la participation à une organisation criminelle.

Les politiques doivent-ils davantage se méfier?

Les politiques doivent-ils se méfier par principe de tous ceux qu'ils ne connaissent pas de près? «Il faut être particulièrement attentif aux éventuels signaux d'alerte lors de contacts avec des personnes nouvelles ou inconnues», explique le porte-parole. Les agents publics devraient être conscients de qui est leur interlocuteur et s'il y a des relations inhabituelles et inattendues, voire des faveurs.

«En particulier dans les cas où un soutien économique ou politique est demandé, il convient de vérifier soigneusement qui se cache derrière», explique le porte-parole. L'Office recommande: «La vigilance et un scepticisme sain permettent d'éviter les contacts involontaires avec le crime organisé.»

Nicoletta della Valle a quitté ses fonctions à la tête de Fedpol en janvier. La juriste a dirigé l'autorité pendant dix ans. Dernièrement, des critiques ont été émises par le personnel à l'encontre de son style de direction. Sa successeure est Eva Wildi-Cortés.

 Sven Altermatt

blick.ch