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jeudi 16 janvier 2025

L’état-major ukrainien puise dans les forces aériennes pour renforcer les unités d’infanterie

 

Au début des années 2010, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] avait lancé une campagne de recrutement avec le slogan : « Pour faire voler nos avions, il faut toute une armée ». Il s’agissait d’insister sur le fait que tout ne reposait pas sur les pilotes et les mécaniciens… mais que, pour fonctionner, elle avait aussi besoin de spécialistes n’ayant pas forcément un rapport direct avec l’aéronautique [pompiers, informaticiens, fusiliers commandos, analystes du renseignement, etc.]. Et cela vaut évidemment aussi pour les autres forces aériennes.

Or, il en va autrement en Ukraine. En effet, dans une vidéo diffusée via les réseaux sociaux le 14 janvier, des techniciens aéronautiques de la 114e Brigade des forces aériennes ukrainiennes, qui met notamment en œuvre des MiG-29 « Fulcrum », ont affirmé que leur unité avait reçu un message pour lui demander de transférer une partie de ses aviateurs vers l’infanterie. Et cela à un moment où la situation est devenue critique dans le Donbass, où l’armée russe continue de progresser.

« Notre unité a reçu un télégramme concernant le transfert de presque tous les techniciens vers l’infanterie, ce qui signifie que nous nous retrouverons sans personnel technique pour entretenir nos avions. Déjà, 250 personnes ont été transférées. Maintenant ils prévoient d’en transférer 218 autres. Le personnel technique est en train d’être détruit et sans nous, l’aviation ne pourra pas fonctionner », ont affirmé ces aviateurs. Et cela n’a pu qu’engendrer une vive polémique.



Le transfert du personnel spécialisé des brigades aériennes vers les unités des forces terrestres a été confirmé par deux sources ukrainiennes à Forbes Ukraine. « La raison est évidente : l’offensive active de l’ennemi , dans le contexte de laquelle le chef des forces armées, le général Oleksandr Syrsky, doit stabiliser le front », a expliqué l’une d’elles. Et d’ajouter que, « en raison de l’échec de la mobilisation, il y a un déficit catastrophique de combattants sur les postes avancée ».

En effet, engagés à Koursk et dans le Donbass, l’armée ukrainienne doit compenser ses pertes au combat [tués, blessés, prisonniers] alors qu’elle fait face à des taux élevés de désertions et/ou d’abandons de postes. À cela s’ajoute les difficultés à recruter, l’âge minimal pour la mobilisation étant toujours de 27 ans.

Quoi qu’il en soit, les affirmations des aviateurs de 114e Brigade aérienne ont été confirmées par la députée Mariana Bezuhla, issue du même parti que Volodymyr Zelensky, le président ukrainien. « Conformément aux ordres du commandant en chef, des techniciens, mécaniciens et autres spécialistes des forces aériennes sont transférés de manière intensive vers l’infanterie », a-t-elle écrit, via Telegram.

En outre, complète Forbes Ukraine, autorisé par le général Sirsky, ce transfert à « grande échelle » concernerait non seulement les escadrons de chasse mais aussi les unités de défense aérienne, pourtant très sollicitées avec les attaques de grande ampleur lancées régulièrement par les forces russes.

Selon Forbes Ukraine, un pilote ukrainien, Ivan « Smereka » Smerechansky, a dénoncé cette pratique, via Instagram. « La formation d’un technicien prend au moins trois ans. Quand vous voyez nos oiseaux de fer voler, abattre les drones ennemis, détruire l’ennemi, c’est plus que le travail d’un pilote. C’est celui de tout un système », a-t-il fait valoir.

Face à la polémique, l’état-major général ukrainien a dû réagir, en esquissant un pas en arrière. Ainsi, via un communiqué, il a assuré qu’il n’y avait pas [ou plus ?] de plan « visant à transférer les spécialistes des forces aériennes qui entretiennent les avions vers des unités d’infanterie ». Cependant, « certaines catégories de personnel […], après une instruction préliminaire dans des centres de formation, renforcent les forces d’assaut terrestres, aéroportées, etc. », a-t-il admis.

« La situation au front n’est pas facile. Il y a une pénurie de fantassins dans de nombreuses régions. La décision de renforcer les brigades terrestres sur la ligne de front au détriment d’unités d’autres branches des forces armées est une mesure que les dirigeants militaires sont contraints de prendre pour renforcer notre défense », a expliqué l’état-major général.

Ce communiqué a été publié après que le président Zelinsky a indiqué qu’il avait demande aux responsables militaires de « tout clarifier » et de « ne pas réduire le nombre de spécialistes dont l’armée de l’air a besoin pour accomplir ses missions de combat ».

Cela étant, une telle pratique n’est pas propre aux forces urkainiennes. En septembre, il a été rapporté que des marins du porte-avions russe « Amiral Kouznetsov », immobilisé depuis plus de sept ans, avaient été affectés à un bataillon mécanisé appelé « Frégate », lequel a été envoyé combattre à Kharkiv et à Pokrovsk.