Quand, en 2019, le chef de la Maison Blanche, Donald Trump, demanda s’il était possible d’acquérir le Groenland, il n’avait que s’inscrire dans la continuité de la politique étrangère des États-Unis. En effet, ce territoire danois, qui bénéficie d’une large autonomie, est convoité par Washington depuis le XIXe siècle.
Ainsi, à l’époque, au nom de la doctrine Monroe, les États-Unis estimèrent que le Groenland appartenait à leur « sphère de sécurité ». Une première proposition de rachat fut donc adressée au Danemark en 1867. Proposition qui fut déclinée. D’autres suivirent, en 1910, en 1946 et en 1955. Sans plus de succès. Et cela alors que ce territoire venait de prendre encore plus d’importance avec la Guerre Froide.
Cela étant, les États-Unis purent néanmoins avoir un accès privilégié au Groenland sans avoir à débourser le moindre dollars. En 1953, ils furent autorisés à construire une base à Thulé, laquelle est devenue, « la base spatiale de Pituffik » en 2023. Idem pour l’implantation de cinq autres emprises « secrètes », qui devait alors préfigurer un réseau de sites de lancement de missiles balistiques nucléaires dans le cadre du projet Iceworm, qui fut finalement abandonné en 1967.
Depuis, avec le changement climatique, le Groenland suscité l’intérêt d’autres puissance, à commence par la Chine qui, lorgnant sur les ressources naturelles que ce territoire est censé receler [comme les Terres rares], y accroit son influence. Un rapport du renseignement militaire danois [Forsvarets Efterretningstjeneste – FE], publié en 2019, s’en était d’ailleurs inquiété.
Outre les investissements de Pékin dans le secteur minier et les infrastructures critiques de l’île, le document s’était étonné de la nature des expéditions scientifiques chinoises menées dans la région. « Nous avons constaté que l’armée chinoise manifestait un intérêt croissant pour en faire partie », avait en effet avancé le FE.
De retour à la Maison Blanche, le président Trump a donc remis le sujet du Groenland sur la table, en laissant entendre que les États-Unis pourraient annexer ce territoire.
Le 24 janvier, rapporte le Financial Times, M. Trump a eu un échange téléphonique « tendu » à ce sujet avec Mette Frederiksen, la cheffe du gouvernement danois. Le président américain a réaffirmé sa volonté d’acquérir le Groenland… ce à quoi son interlocutrice lui a répondu qu’il n’était pas à vendre. En retour, le président américain aurait menacé le Danemark de sanctions économiques « ciblées ».
Quant au Groenland, il a répété, par la voix de son Premier ministre, Múte Egede, qu’il n’était pas à vendre… mais qu’il restait ouvert à des « relations plus étroites » avec les États-Unis.
En tout cas, alors que le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen regardent ailleurs, M. Trump n’en démord pas. « Je crois que nous obtiendrons le Groenland », a-t-il assuré devant des journaliste, la semaine passé. « Nous sommes ceux qui peuvent offrir la liberté. Ils [le Danemark] ne le peuvent pas. Ils y ont installé deux traîneaux à chiens il y a deux semaines, ils pensaient que c’était une protection », a-t-il ironisé.
Reste que, dans un entretien accordé au journal allemand Welt am Sonntag, le président du comité militaire de l’Union européenne, le général autrichien Robert Brieger, a préconisé le déploiements de soldats européens au Groenland. « Cela enverrait un signal fort et pourrait contribuer à la stabilité de la région », a-t-il dit.
Cependant, la sécurité du Groenland relève encore de la responsabilité du Danemark, membre de l’Otan. Celui-ci a-t-il les moyens de l’exercer, sachant que, par exemple, il ne doit disposer que de trente-sept avions de combat F-35A ? En tout cas, après avoir « procrastiné » dans ce domaine, le royaume a l’intention de renforcer ses capacités militaires dans l’Arctique, avec l’annonce d’un investissement de près de 2 milliards d’euros.
« Le niveau de menace dans l’Arctique et l’Atlantique Nord s’est aggravé. Nous devons donc renforcer de manière significative la présence de la défense dans ces régions », a justifié Troels Lund Poulsen, le ministre danois de la Défense.
Cette enveloppe servira à acquérir trois navires supplémentaires, censés « permettre d’effectuer les missions autour du Groenland de manière plus efficace et plus flexible ». Il est question de drones à « longue portée, capables d’effectuer une surveillance sur de vastes zones à de grandes distances et de fournir une surveillance détaillée » et d’améliorer la « connaissance de la situation » grâce notamment au renseignement spatial.
« Il est essentiel que les efforts renforcés dans l’Arctique et l’Atlantique Nord soient menés en étroite coopération avec les îles Féroé et le Groenland afin que les initiatives soient ancrées dans les communautés locales et aient un impact positif sur la société civile. C’est ce que nous allons réaliser grâce à cet accord », a conclu le ministre danois de la Défense.