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lundi 20 janvier 2025

La lutte anti-drones : un enjeu désormais stratégique

 

Avec la prolifération des drones aériens civils et militaires, le risque de leur usage malveillant a considérablement augmenté depuis une décennie. Le développement de la lutte anti drones (LAD) s’inscrit donc désormais comme une priorité de sécurité nationale dans un contexte d’éternel combat entre le glaive et le bouclier. 

Les incidents de sécurité se sont multipliés aux abords des pistes d’aéroports, des centrales nucléaires, des sites industriels sensibles, des bases militaires ou des prisons afin de livrer des produits stupéfiants, des téléphones ou des armes. Comme pour toute technologie disruptive, bon marché, facilement utilisable, le détournement du drone apporte à son utilisateur de la puissance dans l’action, de l’agilité, de la rapidité et de la sécurité pour très peu d’investissement initial. Au Mexique et en Colombie, les narco-cartels ont intégré l’usage des drones d’attaque dans leurs opérations contre la Police et contre les gangs rivaux. Les télépilotes de drones tueurs « Sicario » sont formés au sein d’unités structurées. En France, des équipes de cambrioleurs les utilisent comme outil de renseignement pour réaliser du repérage discret avant de cibler une propriété lorsque ses occupants sont sortis. D’une manière générale, les usages malveillants des drones aériens (et bientôt des robots terrestres) sont multiples. Le spectre d’impact est particulièrement large, allant du simple survol d’une zone interdite par défi de l’autorité jusqu’à l’assassinat mafieux ou l’attentat terroriste par drones kamikazes. La surface de risque est importante compte tenu de la vitesse de prolifération des technologies robotiques, de leurs capacités et de leur faible cout.

Connaitre les drones pour mieux s’en défendre

Historiquement, le concept de lutte anti-drone est né avec l’invention du drone mais sa mise en œuvre « opérationnelle » est arrivée beaucoup plus tard, faute de technologies efficaces. La raison de ce déphasage réside essentiellement dans le niveau de complexité de la fonction anti-drone. Il est en effet beaucoup plus simple de faire voler un drone dans une zone interdite que de lui interdire de pénétrer dans cette zone. Il est important de prendre en compte ce principe d’asymétrie de complexité entre les fonctions d’attaque et de défense. L’avantage est (et restera durablement) du côté de l’attaquant. La lutte anti-drones reste longue à mettre en œuvre. Elle est aléatoire, plus onéreuse que la prise en main et l’usage du drone par un acteur malveillant. En effet, le ratio financier « Attaque-Défense » est très inférieur à 1 (R = Cout de l’attaque par drone / Cout du bouclier anti-drone).

Une fois ce premier principe systémique posé, il est indispensable de bien connaitre la typologie des drones en s’appuyant sur de la veille technologique et sur les classifications existantes. Il existe ainsi une dizaine de méthodes de classifications des drones aériens en fonction de leurs poids, dimensions, caractéristiques de vol ou des réglementations locales.

Le classement américain en cinq groupes s’appuie essentiellement sur trois critères (la masse, la hauteur et la vitesse de vol du drone) : 

Groupe 1 : Ces drones ont une masse inférieure à 20 lbp (9,071 kg). Ils volent en fonctionnement normal à moins de 1200 pieds (365 m) au-dessus du niveau du sol, à des vitesses inférieures à 250 nœuds (463 km/h). Exemples : DJI MAVIC 3, PARROT ANAFI, AERBORNE Q800 BUZZARD.

Groupe 2 : Ces drones ont une masse se situant entre 21 et 55 livres (de 9,52 kg à 24,94 kg). Ils volent normalement en dessous de 3500 pieds (1067 m) à une vitesse inférieure à 250 nœuds (463 km/h). Ex : EOS STRIX.

Groupe 3 : Ces drones ont une masse située entre 55 et 1320 livres (de 24,94 kg à 598,74 kg). Ils opèrent normalement à moins de 18 000 pieds au-dessus du niveau moyen de la mer (5486,4 m) à des vitesses inférieures à 250 nœuds (463 km/h). Ex : EOS ENDURANCE 1200, EOS VELOCE 330.

Groupe 4 : Ces drones ont une masse supérieure à 1320 livres (598,74 kg). Ils opèrent normalement en dessous des 18 000 pieds (5486,4 m), sans borne supérieure de vitesse. Ex : PREDATOR, FIRE SCOUT, GREY EAGLE. 

Groupe 5 : Ces drones ont une masse supérieure à 1320 livres (598,74 kg). Ils opèrent normalement à plus de 18 000 pieds (5486,4 m), sans limite de vitesse. Ex : REAPER, GLOBAL HAWK/TRITON Global, UCLASS.

En pratique, on parle de « petits drones » pour les systèmes appartenant aux groupes 1 et 2 et les « grands drones » sont catégorisés dans les groupes 3, 4 et 5. Les premiers drones tactiques figurent dans le groupe 3 et les drones aériens de grande taille (groupes 4 et 5) sont majoritairement dédiés à des applications militaires. Ils doivent être considérés comme des systèmes robotisés complexes, intégrant des infrastructures, des abris, des pistes, des aérodromes ou des aéroports, du personnel qualifié, du soutien logistique pour l’approvisionnement en carburant, en munitions et en maintenance. 

En France, nous utilisons souvent la classification de masse suivante :

• Nano-drones : les vecteurs de masse inférieure ou égale à 250 g.

• Micro-drones : les vecteurs dont la masse est située entre 250 g et 2 kg.

• Petits drones : les vecteurs de 2 kg à 25 kg.

• Médium drones : les vecteurs de 25 kg à 150 kg.

• Grands drones : les vecteurs de plus de 150 kg.

L’OTAN possède également sa propre classification (voir tableau p. 65) selon trois grandes classes définies par les usages des drones sur le champ de bataille. Ces trois classes sont elles-mêmes subdivisées en sous-classes caractérisées par le cadre d’emploi, l’altitude normale en opération, le rayon d’action en mission, le niveau d’intégration et de commandement. La classification OTAN a été construite pour les drones militaires.

Typologie des intrusions de drones dans les zones interdites

• L’intrusion involontaire ou inconsciente 

L’intrusion involontaire résulte d’une méconnaissance de la réglementation des zones de vol. Le télépilote amateur est un débutant. Il n’a pas conscience de diriger son drone dans une zone interdite de vol. Il vient de le recevoir et effectue son premier vol dans un cadre ludique, sans savoir qu’une réglementation existe. Ce type d’intrusion, qui semble anodine, peut provoquer de graves perturbations dans le trafic aérien aux abords d’un aéroport, mobiliser les services de sécurité ou provoquer un accident dans le pire des cas. 

• L’intrusion volontaire ou consciente

Le télépilote décide sciemment de faire voler son drone dans une « no fly zone ». Il est conscient d’enfreindre la réglementation de vol. Ses motivations ou objectifs peuvent s’inscrire dans un large spectre d’usages malveillants : 

Motivation 1 : le simple défi de l’autorité et des règles

Le télépilote, provocateur ou joueur, souhaite braver les interdits, rejeter les règles, défier l’autorité, se sentir libre de voler partout, sans limitation.

Motivation 2 : l’activisme et le militantisme

Le télépilote cherche à mettre en lumière ou à défendre une cause au sein d’un groupuscule, d’une association ou d’une ONG. L’activisme se caractérise par l’intrusion illégale d’un drone dans une zone de vol interdite. Les scénarii sont multiples : 1°) l’activisme symbolique, non destructeur, mené par des associations ou des ONG qui souhaitent attirer l’attention du public sur une cause à défendre, par exemple, en réalisant le survol illégal d’une centrale nucléaire pour dénoncer l’insuffisance de systèmes de sécurité et militer contre les infrastructures nucléaires ; 2°) l’activisme de perturbation, au nom duquel des militants survolent les pistes d’un aéroport pour bloquer momentanément les décollages et atterrissages d’avions de ligne ; 3°) l’activisme destructeur, dans lequel le télépilote utilise son drone comme un projectile pour détruire un dispositif considéré comme une cible : une caméra de surveillance, une antenne 5G, un panneau d’affichage.

Motivation 3 : l’opération civile de délinquance, de criminalité ou de grand banditisme

Le télépilote utilise un drone pour réaliser une opération illégale. Par exemple, pour une livraison de produits stupéfiants et de téléphones auprès de détenus en survolant la cour d’une prison, pour effectuer un repérage des allers et venues d’occupants d’une maison ou d’un entrepôt avant son cambriolage. Un drone porteur de charge explosive peut être utilisé pour tuer ou blesser une personne ou un groupe de personnes ciblées par un groupe criminel. 

Motivation 4 : les opérations d’espionnage étatique ou industriel 

Des agents d’un service de renseignement étranger s’appuient sur des vols illégaux de drones pour collecter des informations sur une infrastructure sensible et pour tester les réponses sécuritaires mises en place. 

Motivation 5 : toutes les opérations militaires sur un théâtre d’opérations

À l’image du conflit russo-ukrainien, les drones porteurs de charge sont utilisés pour cibler les unités ennemies. L’utilisation de munitions téléopérées est généralisée. Les drones de surveillance, de renseignement, de marquage et désignation de cibles pour l’artillerie interviennent sur la ligne de front comme en profondeur, derrière les lignes ennemies. 

Depuis cinq ans, le nombre d’incidents de sécurité impliquant des drones a explosé. Les grands évènements culturels, sportifs ou mémoriels font l’objet d’intrusions dans les zones d’exclusion. Plus de 4000 vols illégaux de drones ont eu lieu autour de grands événements sportifs en 2023 aux États-Unis, entrainant des retards couteux et mettant le public en danger (1).

Les grands principes de la lutte anti-drones

La lutte anti-drones (LAD) s’appuie séquentiellement sur quatre étapes fonctionnelles :

• étape 1 : la détection des drones pénétrant dans un espace aérien donné ;

• étape 2 : l’identification en « drone autorisé ou non autorisé à voler » en zone civile ou « drone ami – drone ennemi » en zone militaire ;

• étape 3 : le suivi dynamique continu du drone dans l’espace aérien ;

• étape 4 : le cas échéant, la capture ou la destruction du drone considéré en vol illégal.

Ces quatre étapes présentent leur propre complexité et mobilisent des technologies spécifiques. La LAD en contexte civil n’est pas la LAD d’une zone de guerre. Les moyens de détection, de suivi et de neutralisation ne sont pas les mêmes. L’efficacité de la détection et de la classification varie selon plusieurs facteurs : la taille des drones, leur masse, leur vitesse, leur accélération, les matériaux qui les composent, leur signature radar, leur comportement dynamique et les similitudes existantes avec d’autres objets volants (comme les oiseaux ou les avions) sont autant de paramètres à prendre en compte dans la détection. La hauteur de vol des drones, allant de quelques mètres à plusieurs kilomètres au-dessus du sol, influence les performances des systèmes de détection qui doivent pouvoir s’adapter à ces disparités. Le contexte d’emploi du drone, les conditions environnementales, les conditions météorologiques, les obstacles urbains, le terrain et l’éclairage peuvent réduire l’efficacité des algorithmes de détection et des capteurs, conduisant à des classements en faux positifs ou faux négatifs. Pour relever ces défis, il faut nécessairement mener une recherche continue sur de nouvelles méthodes de détection et de classification et exploiter les progrès réalisés sur les capteurs. Une collaboration étroite entre les spécialistes de l’IA, de la vision par ordinateur et du traitement du signal est essentielle pour développer des solutions efficaces.


Les technologies de détection des drones

Le croisement d’expertises multiples, interdisciplinaires, garantit le niveau d’efficacité des dispositifs de détection et d’identification des drones. 

• La détection radar 

Le système radar utilise des ondes électromagnétiques pour détecter, localiser des objets, caractériser la distance, la vitesse, l’azimut et l’élévation. Le radar actif transmet et reçoit des signaux alors que le radar passif s’appuie sur des sources de signaux externes. Il existe plusieurs types de radars : le radar de surveillance pour la détection à longue portée ; le radar à ondes millimétriques, efficace dans diverses conditions météorologiques ; le radar à impulsions Doppler qui détecte les changements de fréquence ; le radar à ondes continues qui assure une transmission continue de signaux ; et le radar à modulation de fréquence.

• La détection basée sur les radiofréquences (RF)

Ce détecteur s’appuie sur les radiofréquences pour détecter les drones en capturant les signaux RF émis par l’électronique embarquée. Il utilise deux récepteurs pour capturer les signaux des drones et des contrôleurs. Il détecte les drones dans les zones d’exclusion aérienne en interceptant les signaux de communication entre les drones et les stations au sol.

• La détection acoustique (microphones)

Ce détecteur s’appuie sur des signatures acoustiques distinctes engendrées par les drones, notamment celles des pales d’hélices. Il s’appuie sur des capteurs audios, des micros spécialisés pour capter les bruits des drones, en analysant la fréquence, l’amplitude, la modulation et la durée pour la détection. Le micro peut identifier les drones en fonction de diverses caractéristiques, telles que la taille, la vitesse et l’altitude, en utilisant des algorithmes d’apprentissage automatique pour la classification.

• La détection basée sur la vision multispectrale (caméras)

Ce détecteur s’appuie sur des caméras multispectrales pour produire des images de zones aériennes potentiellement traversées par un drone. Ces images ou vidéos sont ensuite analysées par des algorithmes de vision artificielle et de détection automatique d’objets « drones ». 

• La fusion des capteurs et des autres méthodes

Le principe de la fusion des capteurs repose sur l’utilisation et le croisement de plusieurs méthodes de détections. On parle de détection multimodale en croisant par exemple des capteurs de type caméras avec des capteurs audio, ou de l’imagerie radar avec de la vision artificielle, ou du capteur RF avec de l’image et de l’analyse vidéo. Ces croisements améliorent les performances de détection, de suivi et de classification des drones. D’une manière générale, la fusion des capteurs augmente la robustesse et la précision des systèmes de détection. Les progrès de la 5G, de l’IoT [Internet des objets] et la détection à partir de radiofréquences utilisant les empreintes Wi-Fi, contribuent à l’amélioration des performances de la détection. 

L’identification du drone

Lorsqu’un drone a été détecté par un capteur, la phase d’identification intervient avec l’objectif de répondre aux questions suivantes : ce drone est-il enregistré, immatriculé ? A-t-il une autorisation de vol dans cette zone aérienne, à cette hauteur, à cet instant ? Si la zone est interdite de vol, de quel type de drone s’agit-il ? Quelle est sa trajectoire ? 

Sur le champ de bataille, on parle de FFI pour « Friend or Foe Identification » ou identification ami-ennemi appliquée aux drones. Les technologies FFI existent depuis la Seconde Guerre mondiale et équipent les avions de combat. Elles s’appuient le plus souvent sur des transpondeurs qui échangent avec une base de contrôle terrestre ou entre aéronefs d’une même armée (FFI OTAN). L’adaptation des dispositifs FFI au monde des drones s’avère complexe. Des mini-transpondeurs ont été développés et sont commercialisés mais ils sont essentiellement destinés aux « grands » drones (groupes 3, 4 et 5). Plus le drone est petit, plus l’identification FFI est difficile à mettre en œuvre. Le constructeur de petits drones (groupes 1 et 2) est confronté à plusieurs défis :

• le défi du poids du drone, de sa charge utile diminuée par le poids d’un micro-transpondeur ;

• le défi énergétique embarqué face à la consommation propre du FFI ; 

• le défi de la puissance de calcul embarquée (puce dédiée) ;

• le défi du cout du FFI embarqué pour du drone non sacrifiable ou du drone sacrifiable ;

• les défis physiques et aérologiques : vibrations, vélocité, contexte brouillé ; 

• les défis cryptographie et chiffrement : la question de la non-répudiation.

Les solutions de FFI dédiées aux petits drones sont en cours de développement. Elles s’appuient sur des approches complémentaires : radiofréquences, puces embarquées, Blockchain, Intelligence Artificielle de « computer vision » à partir des capteurs existants (caméras embarquées et système de liaison avec la base terrestre). 

Le suivi du drone 

Lorsqu’un drone est détecté dans une zone interdite de vol, il est indispensable de disposer d’un suivi de trajectoire qui ne « perde » pas le drone. Ce suivi repose sur des systèmes radars, des capteurs acoustiques (micros), des caméras multispectrales. En zone urbaine, les murs et constructions rendent ce suivi très complexe, notamment pour des petits drones évoluant à faible hauteur de vol, ou slalomant entre les bâtiments. L’intelligence artificielle (computer vision) permet de renforcer ce suivi à partir de modèles de prévision de trajectoire : les capteurs suivent le drone. Lorsqu’ils le perdent, le modèle IA calcule la trajectoire la plus probable quand le drone n’est plus visible puis dirige les capteurs vers le point de réapparition attendu du drone.


La neutralisation du drone ennemi ou interdit de vol 

Il s’agit de la dernière étape du processus « détection – identification – suivi – destruction ». La neutralisation des drones doit être effectuée en conformité avec la législation en vigueur. Il est ainsi nécessaire de prendre en compte l’intégralité du spectre des conséquences post-neutralisation : 

• le propriétaire du drone perd son système (préjudice matériel) ;

• si le drone neutralisé s’écrase au sol, il peut blesser des personnes ou provoquer des dommages à des tiers ;

• si le drone neutralisé est porteur d’une charge explosive, sa neutralisation peut provoquer l’explosion de cette charge en vol ou au sol, avec des conséquences importantes sur le voisinage du drone. 

Face à cela, les dispositifs de neutralisation de drones reposent sur deux approches : 

• Les techniques de guerre électronique et cybernétique 

Le brouillage des liaisons radiofréquence (RF) : son cout est relativement faible. Il ne détruit pas le drone et évite les dommages collatéraux liés à sa chute. Son usage en France est très réglementé et réservé aux opérateurs étatiques.

Le brouillage des moyens de navigation par satellite GNSS (GPS, GALILEO, etc.) : il est très efficace sur les drones qui sont guidés par GPS. Une fois la liaison GPS perdue, le drone ne sait plus comment se diriger et finit par tomber. Les constructeurs de drones proposent désormais des systèmes utilisables en mode « GPS denied ». Le drone se géolocalise localement à l’aide de ses capteurs embarqués. En reconnaissant des points caractéristiques du paysage, il reconstruit une cartographie en temps réel en comparant les points d’intérêts détectés à ceux figurant en dur dans une carte embarquée. Le brouillage GPS n’a pas d’impact sur ce type de drones. Seuls les services étatiques sont autorisés à mettre en œuvre du brouillage GNSS car ce type d’opération peut impacter le trafic aérien dans sa globalité. 

Le canon à impulsion électromagnétique (IEM) : le canon IEM produit des impulsions électromagnétiques de forte intensité en direction du drone afin de neutraliser son électronique embarquée (circuits électriques et électroniques, cartes, puces, calculateurs, mémoires). Plusieurs défis techniques sont à relever sur les dispositifs IEM, en particulier la quantité d’énergie nécessaire pour produire l’impulsion, la faible portée, la faible focalisation du faisceau électromagnétique, le taux d’absorption atmosphérique et les dommages collatéraux associés à l’impulsion sur des systèmes électroniques qui ne doivent pas être détruits. 

Les fusils et canons lasers aveuglants et lasers de puissance : ces dispositifs utilisent un laser de faible puissance pour « aveugler » les capteurs embarqués dans le drone, en particulier ses caméras. Cette méthode « bon marché » reste aléatoire. Elle ne fonctionne pas toujours car il faut pouvoir cibler précisément le capteur. Les fusils et canons à laser de puissance ciblent directement le drone pour le « bruler ». Ces canons sont très efficaces dans un contexte d’emploi militaire. Ils peuvent produire des effets collatéraux importants.

La prise de contrôle du drone par piratage (hacking) du système de pilotage : cette méthode repose sur l’exploitation de potentielles failles de sécurité du logiciel embarqué du drone ou de sa liaison avec sa base terrestre. L’efficacité de cette approche reste très aléatoire car les constructeurs cyber-sécurisent de plus en plus leurs produits. 

• L’interception physique ou cinétique 

Les moyens anti-aériens (sol-air) classiques : il s’agit de la méthode « à l’ancienne » mobilisant les outils anti-aériens classiques, parfois rudimentaires, opérés essentiellement en zone de guerre : le fusil automatique tirant sur le drone, la mitrailleuse 12,7 mm, le canon antiaérien et les missiles d’interception sol-air. Plusieurs drones houthis ont été interceptés en mer Rouge au large du Yémen en mars 2024 par l’Armée française. Les neutralisations ont été réalisées par hélicoptère, au canon de 76 mm, ou par lancement de missiles Aster (2).

Les filets anti-drones : cette méthode est particulièrement adaptée à la LAD en milieu civil. Le principe repose sur un fusil lance-filet de faible portée, de 20 à 200 mètres. L’opérateur doit à la fois viser juste et vite. La récupération « en douceur » du drone permet à la fois d’éviter les dommages collatéraux liés à sa chute et de mener une enquête d’identification sur le drone. L’armée russe vient de développer des cartouches de chevrotines anti-drones contenant un mélange bien dosé de poudre noire et de filet textile déployable au moment de l’impact.

Les vautours, aigles et rapaces : des expérimentations ont eu lieu au Moyen-Orient par conditionnement animalier d’un rapace à l’interception de petits drones en vol. Trop souvent, l’interception du drone a provoqué des blessures sur le rapace. Il s’agit d’une méthode « exotique » qui ne peut intervenir qu’en complément d’un dispositif de LAD efficace.

Les Drones Intercepteurs de Drones (DID) : le principe repose sur le développement de drones « Racer » intercepteurs capables d’être lancés automatiquement depuis une base de décollage, de voler très vite en mode poursuite de cible, de rattraper le drone hostile et de le percuter à grande vitesse. La destruction repose sur le choc et l’énergie cinétique dissipée. C’est aujourd’hui la méthode la plus prometteuse de la LAD car elle offre de nombreux avantages :

• la scalabilité des drones intercepteurs : face à une attaque en essaim impliquant un grand nombre de drones hostiles, le système oppose un nombre adapté (supérieur) d’intercepteurs. On parle alors de système de défense SCS (Swarm Counter Swarm ou essaim anti essaim). 

• l’égalité des dimensions de trajectoires entre l’attaque et la défense : les drones intercepteurs envolent dans trois dimensions, comme leurs cibles et contrairement aux moyens de LAD sol-air fixés sur un plan (2D).

• l’uniformisation des performances aérologiques entre l’attaque et la défense. Le drone intercepteur bénéficie des mêmes progrès technologiques que le drone d’attaque.

• l’adaptation rapide des tactiques de défense face aux tactiques d’attaque et le passage à l’échelle instantané. 

• le développement de simulateurs de combat SCS exploitant la puissance de l’IA (RL – apprentissage par renforcement) pour construire des stratégies optimales de défense.

• le faible cout des vecteurs d’interception.

• la diversité des méthodes d’interception et l’adaptabilité au contexte civil ou militaire : en milieu civil, l’interception repose sur le choc sans charge explosive ou le déploiement de filets de drone à drone. En zone de guerre, le drone intercepteur est porteur d’une petite charge explosive qui garantit la destruction de la cible à courte distance (sans percussion). 

L’arrivée prévisible des attaques par essaims saturants puis par « super essaims » saturants (constitués de plus de 5000 drones) va mettre en défaut la majorité des systèmes LAD terrestre. Face à cette menace, la réponse efficace repose sur les essaims de drones d’interception. On peut démontrer mathématiquement (et physiquement) que l’approche SCS est la seule méthode « passant à l’échelle » à opposer à une menace saturante d’essaim ou de super essaim. 

Prospective : être capable de contrer la robotique VAMAFER

Les techniques de lutte anti-drones doivent évoluer à la même vitesse que les progrès réalisés chez les constructeurs de drones. Une veille exhaustive, permanente, est indispensable pour mesurer et contrer une menace en constante évolution. Ainsi, les grandes tendances qui dessinent l’évolution technique des drones aériens peuvent être résumées dans un unique acronyme : la robotique aérienne VAMAFER, caractérisée par les sept qualités suivantes :

V pour hyper-vélocité : des drones aériens volant à plus de 400 km/h, à l’image de l’exploit mondial réalisé par le constructeur français EOS Technologie, qui a construit le Veloce 330, l’un des premiers drones à propulsion par mini réacteur capable de dépasser les 400 km/h ;

A pour hyper-autonomie  : des drones capables de mener des missions militaires en environnement brouillé, sans guidage GPS, mais avec des capacités d’autolocalisation et de trajectoires optimisées grâce à de l’IA embarquée dans des puces dédiées ;

M pour hyper-manœuvrabilité : des mini drones capables d’accélérer de 0 à 200 km/h en 2 secondes, de changer de direction avec des rayons de braquage très faibles ;

A pour hyper-agressivité : des drones d’attaques intégrant des stratégies d’attaque très agressives apprises à partir de modèles d’IA, en particulier d’apprentissage par renforcement ;

F pour hyper-furtivité : des drones de renseignement ou d’inspection extrêmement silencieux, présentant de très faibles signatures radar, thermique, sonore ;

E pour hyper-endurance : des drones capables de voler en continu durant plus de 30 heures à l’image de la gamme Endurance 1200 du constructeur EOS Technologie, qui exploite les capacités aérologiques optimisées de vol en mode planeur ;

R pour hyper-résilience : des drones résilients face aux systèmes anti-drones, capables de voler en mode dégradé ou de se reconfigurer après impact. 

Pour contrer la robotique VAMAFER opérée par un ennemi ou un groupe terroriste, il faudra à l’avenir que les systèmes de LAD répondent point par point à ces sept qualités offensives. Le système anti-drone français Holosafe Bassalt développé par la startup Hologarde (filiale d’ADP) a notamment été conçu pour prendre en compte ces grands défis (3).

Notes

(1) Base de données des incidents de drones aux USA : Federal Aviation Administration UAS Sightings Report (https://​digital​.areion24​.news/​e3o) ; Dedrone Worldwide drone incidents (https://​digital​.areion24​.news/​4ka).

(2) https://​digital​.areion24​.news/​vfh

(3) https://​hologarde​.com/

Thierry Berthier

areion24.news