Faisant partie de l’archipel yéménite de Socotra, en mer d’Arabie, et située à une centaine de kilomètres du cap Gardafui, c’est-à-dire de la pointe extrême de la Corne de l’Afrique, l’île d’Abd al Kuri occupe une position stratégique dans la mesure où son contrôle permettrait d’avoir un œil sur les voies de navigation qui traversent le golfe d’Aden et qui vont jusqu’au détroit de Bab El Mandeb, en mer Rouge. Et, partant, d’interdire éventuellement tout trafic maritime entre l’Iran et les rebelles houthis, au Yémen.
Or, en 2021, l’imagerie satellitaire obtenue par l’Associated Press auprès de Planet Labs a montré que la construction d’un aérodrome venait de démarrer sur cette île. Ce chantier a ensuite progressé très lentement… jusqu’à ces derniers mois. Et cela alors que le contexte sécuritaire s’est considérablement dégradé dans la région, avec les attaques récurrentes lancées par les houthis contre le trafic maritime.
En effet, de nouvelles photographies prises par un satellite Sentinel-2 lors de la dernière semaine de décembre 2024 et diffusées par The Maritime Executive, montrent que la construction de cet aérodrome est pratiquement achevée.
Ainsi, ce dernier comprend une piste principale de 2 400 mètres de long, susceptible d’accueillir « des avions de combat, de reconnaissance maritime et de transport lourd », avance The Maritime Executive. Une usine de concassage, située à environ 5 kilomètres du chantier, fournit les matériaux nécessaires pour « construire des fondations » suffisamment solides pour « supporter la masse de gros aéronefs ». Et, à 6,5 kilomètres, précisément à Khaysat Saleh, des casemates ont été construites, de même qu’une jetée, sur la plage de Kilmia. Celle-ci serait « mieux protégée contre des attaques potentielles de drones houthis ».
Jusqu’à présent, aucun pays n’a officiellement reconnu être à l’origine de cet aérodrome. En mars 2024, l’Associated Press avait rapporté que l’on pouvait voir le message « I LOVE UAE » sur un cliché de l’île fourni par Planet Labs. Évidemment, il était tentant d’y voir une possible implication des Émirats arabes unis, d’autant plus que ces derniers exercent une influence certaine sur l’archipel de Socatra, qu’ils occupèrent entre le 30 avril et le 14 mai 2018, dans le cadre de l’intervention militaire dirigée par l’Arabie Saoudite contre les rebelles houthis.
Sauf que, dans cette affaire, les intérêts émiriens n’étaient pas forcément alignés sur ceux des Saoudiens. En effet, Abou Dhabi a tenté de prendre le contrôle de la côte méridionale du pays, en s’appuyant sur « Le Mouvement du Sud » [Al-Hirak], résolu à obtenir l’indépendance du sud du Yémen.
Cependant, les Émirats arabes unis n’ont jamais reconnu leur implication dans la construction de l’aérodrome d’Abd al Kuri. Et d’affirmer que leur présence sur l’île de Socotra est « fondée sur des actions humanitaires, menées en coopération avec le gouvernement yéménite et les autorités locales. Du moins est-ce la réponse qu’il firent à l’Associated Press, en mars 2024.
Les États-Unis pourraient être intéressés par l’île d’Abd al Kuri, dans le cadre de leurs opérations contre les rebelles houthis en mer Rouge et dans le golfe d’Aden. Mais le Pentagone a démenti toute implication.
Quoi qu’il en soit, au vu de l’avancée du chantier, l’aérodrome d’Abd al Kuri devrait être opérationnel d’ici quelques semaines. On saura ainsi qui en est à l’origine.