Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

vendredi 20 décembre 2024

Meurtre de Lina : plus de huit millions d'informations traitées

 

Plus de huit millions et demi d'informations traitées, des centaines d'auditions, des milliers de pièces de procédure... et un soupçon de chance. La masse d'investigations pour retrouver le corps de Lina, adolescente disparue à Plaine en septembre 2023 a été colossale pour les enquêteurs de la gendarmerie. "C'est une enquête un peu hors du commun par l'ampleur des investigations qu'elle a nécessitées", explique ce vendredi le général Dominique Lambert, sous-directeur de la police judiciaire à l'AFP, au lendemain de l'annonce des résultats de l'autopsie, qui laissent supposer que la jeune fille a été étranglée.

300 voitures fouillées, 400 auditions

"Plus de 300 voitures ont fait l'objet d'une étude approfondie, dont une vingtaine des constatations de police technique très poussées. Il y a eu plus de 400 auditions, plus de 6.000 pièces de procédure, et la base de données d'analyse criminelle de ce dossier contient pratiquement 8 millions et demi d'informations, ce qui est énorme", continue le général. Pour les enquêteurs, la disparition de Lina sur un chemin boisé, "c'est la pire hypothèse", souligne le général Lambert, "Celle du rôdeur de passage, qui n'était jamais passé dans le coin, qui n'y est jamais repassé, qui n'a aucun lien personnel, familial, amical quelconque dans le coin. Pourquoi Samuel Gonin est-il passé à cet endroit-là, à ce moment-là ? Malheureusement, on ne le saura jamais".

Ce qui a débloqué l'enquête, c'est de retrouver la voiture de Samuel Gonin rappelle l'enquêteur. Une voiture qui va être retrouvée près de Narbonne, où Samuel Gonin avait été arrêté en janvier dernier. La Ford Puma est restée des mois en fourrière. Ce véhicule est arrivé dans le radar des enquêteurs parce qu'il était passé dans le tunnel de Schirmeck, à quelques kilomètres du lieu de disparition de Lina, le matin des faits. Il a fait partie des centaines de véhicules vérifiés. Le propriétaire de la voiture volée avait été remboursé par son assurance, et "l'assureur allemand n'a pas récupéré le véhicule", relève M. Lambert. "C'est ça qui a fait que le véhicule a été laissé en déshérence dans cette fourrière. Dans une enquête comme ça, il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail, et puis un tout petit peu de chance à un moment".

"Le coup de chance de la voiture"

"Le coup de chance dans ce dossier, c'est que la voiture de Samuel Gonin, n'a pas été réclamée par l'assureur et qu'elle est restée en fourrière. Sinon cette piste-là n'aurait jamais abouti : sans la voiture, on n'aurait pas pu établir de lien objectif entre Samuel Gonin et les faits." L'homme, qui avait sombré dans une vie de drogue et d'errance, "avait travaillé chez Ford pendant un temps" et connaissait donc bien ce modèle qu'il avait volé. Il en avait désactivé le système de géolocalisation. "C'est aussi ça qui a retardé l'identification de la voiture", poursuit le général Lambert. Mais grâce au système multimédia embarqué, les enquêteurs disposent de points de passage et d'arrêt du véhicule, à défaut de son parcours précis.

Des recherches poussées sont menées dans plusieurs endroits où Samuel Gonin s'est arrêté après la disparition de Lina, avant que le corps ne soit finalement découvert dans un petit cours d'eau, près de Nevers, à près de 500 kilomètres de chez elle. "Le corps était dissimulé dans le lit d'une rivière. Il était très difficile à voir. Mais les recherches sur les différents points d'arrêt de la voiture ont été extrêmement méticuleuses", insiste le général Lambert. "Les enquêteurs qui l'ont trouvé sont ceux qui progressaient dans le cours d'eau. On peut penser que le corps était à cet endroit-là depuis le début."

Les investigations sont maintenant presque achevées : "Il reste à terminer de mettre en forme la procédure. Il y a quelques ultimes vérifications en cours sur la voiture. De toutes façons, on ne pourra pas aller beaucoup plus loin en l'absence de possibilité d'avoir plus de détails de la part de M. Gonin", regrette le général Lambert.

L'adolescente est sans doute morte étranglée avec les lanières d'un tote-bag

Lina est vraisemblablement morte par strangulation, étranglée par les anses d'un tote-bag. C'est ce que révèle ce jeudi soir le procureur de la République de Strasbourg dans un communiqué. L'adolescente de 15 ans avait disparu en septembre 2023 alors qu'elle avait quitté à pied son village de Plaine dans le Bas-Rhin, pour se rendre à la gare de Saint-Blaise-la-Roche. Son corps avait été retrouvé en octobre dans un cours d'eau près de Nevers. Depuis, une autopsie et de nombreuses analyses ont été pratiquées sur son corps pour déterminer les causes de la mort et tenter d'en savoir plus sur les circonstances de sa disparition.

Leur conclusion donc : Lina est morte étranglée par les lanières d'un tote-bag. Mais les experts restent cependant très prudents. La cause du décès de l'adolescente n'a pas pu être déterminée formellement. Il faut dire, précise le procureur de la République de Strasbourg, que le corps a séjourné plus d'un an dans l'eau et était donc très dégradé au moment de sa découverte. Seule conclusion formelle possible : Lina n'est pas morte noyée.

Vu l'état du corps, impossible donc de pratiquer des examens gynécologiques. Aucune trace d'ADN de Samuel Gonin, le tueur présumé, n'a par ailleurs pu être retrouvé sur les vêtements de la victime. Aucune autre lésion que les traces laissées par les anses du sac en tissu sur le cou de la victime n'ont par ailleurs été découvertes.

Tout plaide donc pour une action solitaire de cet homme qui s'est depuis donné la mort affirme le procureur. La justice a aussi tenté d'établir des liens entre la disparition de Lina et d'autres faits similaires, avec le même auteur, mais sans succès. D'autres investigations sont encore en cours. Et selon toute probabilité, l'information judiciaire sera clôturée d'ici la fin du premier semestre 2025.

Antoine Balandra

francebleu.fr