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vendredi 20 décembre 2024

Colis piégés à Genève: derrière les dispositifs piégés, d’énormes demandes de rançon

 

L’affaire des dispositifs piégés a connu de spectaculaires avancées en cette fin de semaine. Ce vendredi, la «Tribune de Genève» a révélé que Patek Philippe, la manufacture horlogère dont des employés avaient été visés par l’explosion d’un sac-poubelle à Saint-Jean (le 20 août), et d’une boîte aux lettres à la Petite-Boissière (le 25 novembre), avait fait l’objet de menaces et d’astronomiques demandes de rançon.

Dans le même temps, on apprenait qu’avant ces deux explosions, un premier dispositif piégé avait été placé début avril dans une boîte à lait à Plan-les-Ouates. Cette nuit-là, à minuit et demi, un père de famille a ouvert ladite boîte à lait. De quoi déclencher un dispositif piégé, en l’occurrence une arme à feu conçue avec une imprimante 3D. La munition a percuté la porte de la boîte, sans la traverser. Une forte détonation a retenti, accompagnée d’un nuage de fumée et d’une odeur de pétard. Au sol, ont été retrouvés une douille et des déchets en plastique.

Deux frères arrêtés et mis en prévention

Mercredi, deux frères avaient été interpellés en lien avec ces faits, l’un âgé de 26 ans à Genève, l’autre, de 32 ans, en Valais. Leur rôle exact dans cette affaire demeure inconnu, mais on connaît les motifs pour lesquels ils ont été mis en prévention: tentative de meurtre, mise en danger de la vie d’autrui (pour rappel, les deux dernières explosions avaient blessé un homme aux jambes et grièvement blessé une fillette – aujourd’hui sortie de l’hôpital – au ventre), usage d’explosifs et tentative d’extorsion et de chantage.

Le téléphone du cadet a borné dans les trois lieux précités, pas forcément au moment des faits. Les enquêteurs émettent trois hypothèses: le hasard lié au fait que le Genevois effectue des livraisons; la coactivité ou l’utilisation de son natel par son aîné pour brouiller les pistes.

Dizaines de millions réclamés à Patek Philippe

Dans sa demande de mise en détention, le Ministère public de la Confédération (MPC) énumère les demandes de rançons envoyées à Patek Philippe: le 4 juillet, 5 millions d’euros en monero (une cryptomonnaie) à verser dans les cinq jours, sous peine de tuer quelqu’un d'ici au 30 octobre, mais aussi 10 millions d’euros à verser avant le 30 octobre, sous peine de tuer une seconde personne.

Le 28 novembre, une troisième demande est adressée à un administrateur de la manufacture horlogère, atteignant cette fois 20 millions d’euros en monero. Cette missive précise que les précédentes demandes sont restées lettre morte - «Vous avez pris la décision de ne pas protéger vos employés» – et fait référence à l’action «menée lundi», soit celle de la Petit-Boissière, ainsi qu’au fait d’avoir posé trois appareils. Dans ce courrier, le ou les auteurs menacent de s’en prendre à «un ressortissant chinois», sans exclure l’un des employés de Patek Philippe.

Migros et Favarger aussi menacés

La manufacture horlogère n’a pas été la seule visée: le 2 mai, Migros Genève a reçu une demande de rançon en monero indiquant que «cinq engins de mort» avaient été posés dans des boîtes aux lettres depuis janvier, dont un «à 100 mètres du magasin Migros de Plan-les-Ouates», une référence explicite à l’épisode du mois précédent.

Enfin, les documents du Parquet fédéral contiennent une énumération de demandes de rançon remontant à plusieurs années. Une lettre anonyme provenant de Belgique a été envoyée au chocolatier genevois Favarger le 4 avril 2019, réclamant 300’000 euros en bitcoins sous peine d’introduire du poison dans les produits de l’entreprise.

Une missive à la police vaudoise

Migros Zurich a reçu une lettre en allemand fin avril 2020, exigeant le versement de 1,5 million de dollars US, sans quoi un client ou un employé du groupe Migros serait tué. Puis, un nouveau courrier anonyme, précisant que Migros Zurich n’avait pas payé, a été adressé à Migros Genève le 28 juin 2020, le montant passant à 3 millions de francs suisses en bitcoins. Le même jour, une missive similaire est parvenue à l’état-major de la police vaudoise.

Les deux frères sont pour l’heure incarcérés. L’avocat de l'aîné, Me Vincent Spira a déclaré que son client niait toute implication dans les faits susmentionnés. Des demandes de mise en liberté sont pendantes auprès du Tribunal des mesures de contrainte.

Marie Prieur

20min.ch