Face à l’arrivée de migrants le long de sa dyade avec la Russie, la Finlande a fermé, en novembre 2023, ses postes frontaliers. Accusant Moscou d’instrumentaliser ces personnes pour se venger de son accession à l’OTAN en avril, Helsinki tourne le dos à son voisin.
Avec 1 340 kilomètres, la frontière russo-finlandaise est l’une des plus longues séparations étatiques terrestres de l’Union européenne (UE) depuis 1995. C’est également une délimitation extérieure de l’espace Schengen depuis 2001. Le premier tracé date de 1917 et de l’indépendance de la Finlande vis-à-vis de la Russie. Elle a été remodelée avec la Seconde Guerre mondiale : la Finlande perd la Carélie, la région de Salla et la bande de Petsamo, donc ses mines de nickel et son accès à l’océan Arctique. La politique de neutralité établie durant la guerre froide place le pays dans un jeu d’équilibre entre les deux blocs et lui permet de prospérer en multipliant les échanges économiques à l’est et à l’ouest.
Après la chute de l’URSS, la Finlande et la Russie ont établi des relations de coopération dans plusieurs secteurs, du commerce à l’environnement, en passant par le tourisme. Des initiatives de collaboration transfrontalière ont vu le jour pour renforcer les liens dans ces domaines. Si deux tiers du commerce extérieur finlandais se font avec des membres de l’UE, la Russie (6,6 % des importations finlandaises en 2022) reste un fournisseur important, en particulier pour le pétrole et le gaz.
Mais Helsinki a toujours conservé une certaine méfiance, maintenant 270 000 réservistes sur son sol et investissant dans des armements interopérables avec l’OTAN. L’annexion de la Crimée et l’offensive russe de 2014 contre le Donbass ont tendu leurs relations. L’opinion publique finlandaise, acquise à la neutralité, bascule à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, et l’intégration à l’Alliance atlantique est actée. Cet élargissement accentue le sentiment d’encerclement et de claustrophobie de la Russie, qui renforce sa présence militaire dans le nord-ouest de son territoire.
La Finlande avait subi des pressions migratoires à sa frontière avec la Russie en 2015 en réponse aux sanctions européennes. L’objectif russe était également de bloquer toute adhésion de sa voisine à l’OTAN. Le nombre de demandeurs d’asile, essentiellement en provenance du Moyen-Orient, explose : 32 345 en 2015, contre 3 620 en 2014, avant de repasser sous la barre des 5 000 les années suivantes. En 2023, le chiffre est compris entre 300 et 400 par mois. Attisant une rhétorique sur la menace terroriste, le Parti des Finlandais (extrême droite) arrive en deuxième position aux législatives d’avril 2023, avec 46 sièges sur 200, et entre au gouvernement.
La pression migratoire qui s’exerce depuis 2021 sur les frontières polonaise, lituanienne et lettonne avec la Biélorussie s’est, à partir d’août 2023, portée de nouveau sur la Finlande. Celle-ci commence la construction d’une clôture de trois mètres de haut. Prévue pour être terminée en 2026, elle a un coût estimé à 380 millions d’euros et se concentre sur les neuf points de passage de la frontière fermés par Helsinki pour protester contre la guerre hybride menée par la Russie, au risque de bloquer les migrants en plein hiver.
Laura Margueritte
Thibaut Courcelle