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samedi 19 octobre 2024

Chine : les limites du plan de relance

 

À la fin septembre, la banque centrale chinoise (PBoC) et le gouvernement ont annoncé un important plan de relance économique. Soit une injection substantielle de liquidités via la baisse de divers taux directeurs de la PBoC, et un double soutien à la fois au marché boursier et au secteur immobilier en difficulté. Retour sur les principales mesures présentées par la PBoC.

Premier élément du plan de relance : le taux de réserves obligatoires (TRO) va baisser de 50 points pour fournir environ 1 000 milliards de yuans de liquidités à long terme. La PBoC a annoncé qu’elle pourrait encore réduire ce taux de 25 à 50 points plus tard cette année. Deuxième mesure : la réduction de 20 points du taux de repo inversé à sept jours. Le taux préférentiel des prêts et les taux de dépôt ont également été réduits de 20 points. Par ailleurs, la banque centrale a baissé de 2,3 % à 2 % sa politique du taux des prêts sur un an. Autre mesure : le taux d’intérêt moyen des prêts hypothécaires existants perd 50 points, tandis que le taux de mise de fonds minimum pour les résidences secondaires passe à 15 % au lieu de 25 %. En outre, la PBoC crée de nouveaux instruments de politique monétaire pour soutenir le marché boursier, notamment un accord de swap – au moins 500 milliards de yuans (environ 64,6 milliards d’euros) – pour que les courtiers, les fonds et les assureurs obtiennent des liquidités de la PBoC en mettant en gage des actifs. Enfin, un plan spécial de réaffectation pour guider les prêteurs dans l’octroi de prêts aux sociétés cotées et aux principaux actionnaires est mis en place afin de soutenir les initiatives de rachat d’actions et d’augmentation de la participation.

L’annonce initiale de ce plan de relance, substantiel comparé aux récentes mesures prises par le Parti, a suscité l’éloge des médias étrangers et chinois. Mais il n’a pas fait l’unanimité : un grand nombre d’observateurs le trouvent loin d’être suffisant pour sauver l’économie chinoise en difficulté. Et pour cause, rien dans ce plan de relance ne traite des deux problèmes de fonds : la consommation et l’emploi, qui, à eux deux, continuent de freiner l’économie du pays.

La consommation et le marché du travail sont des variables fortement corrélées. Lorsque les personnes ont plus de revenus disponibles, la consommation augmente. Ces derniers mois, les médias spécialisés n’ont cessé de faire état de salaires en baisse et de licenciements dans le public comme dans le privé. Parmi les secteurs les plus touchés, les services financiers, car les introductions en bourse à l’échelle nationale et les flux d’opérations transfrontalières se sont taris. S’ajoutent les vagues de licenciement à venir dans le secteur manufacturier.

Rien ne permet donc de penser que la Chine est plus riche par habitant, en particulier en revenu disponible. Un autre reflet de cette tendance se trouve dans l’indice des prix à la consommation (IPC), qui a affiché de très faibles augmentations dans les neuf derniers mois. En résumé, les Chinois ne dépensent pas parce que leur revenu disponible a diminué depuis les années pré-Covid.

Les données récentes sur l’emploi ne permettent pas de faire un tableau plus réjouissant de l’économie chinoise. Le marché du travail est aujourd’hui engorgé et la situation ne fait que s’aggraver avec les vagues de nouveaux diplômés qui arrivent sur le marché chaque année. Ces nouveaux venus amènent avec eux une concurrence de plus en plus féroce pour un nombre réduit d’emplois aux conditions elles-mêmes revues à la baisse. Il faut le souligner : de plus en plus d’étudiants chinois choisissent de poursuivre des études supérieures et post-universitaires, car un diplôme de premier cycle n’a plus aucune valeur concurrentielle sur le marché du travail actuel. Résultat, la situation est encore pire : les titulaires d’un master et d’un doctorat sont en concurrence les uns avec les autres pour les postes en bas de l’échelle, ce qui donne à l’employeur – qu’il s’agisse de l’État ou d’une entreprise privée – un pouvoir de négociation substantiel pour choisir non seulement les meilleurs candidats, mais aussi à des prix cassés. Tout cela se traduit par une course vers le bas concernant les salaires – et les avantages sociaux – dans une majorité de secteurs. En effet, l’employeur dispose d’une réserve infinie de main-d’œuvre et de candidats de haut niveau qui cherchent à se placer et à avancer.

Cet engorgement n’est pas un phénomène récent. Il existe depuis la période avant le Covid-19, même si la pandémie a sans aucun doute exacerbé ce problème. De même, l’activité chinoise, et par procuration son marché du travail, a été durement touchée par la baisse de la demande mondiale liée aux conflits géopolitiques et par l’inflation élevée dans les pays développés – qui a maintenant commencé à baisser.

Autre sujet de préoccupation : aucune des mesures de relance ne profite aux franges de la population à faibles et moyens revenus. En revanche, les couches sociales à revenus élevés ont vu les rendements de leurs investissements grimper en flèche. Ils peuvent acheter plus de propriétés et leurs entreprises peuvent obtenir de meilleures conditions de financement. Certes, des politiques immobilières plus souples et des prêts hypothécaires à taux moins élevés facilitent légèrement l’achat d’un logement. Mais cela profite de manière écrasante aux individus ayant déjà les moyens d’acheter un bien immobilier.

Bien sûr, dans l’état actuel du secteur immobilier, qui serait surpris de ces mesures aussi fortes pour aider à maintenir le marché à flot ? Notons que 42 des banques chinoises cotées en bourse ont signalé que leurs prêts hypothécaires individuels en cours avaient diminué dans les six premiers mois de 2024 en raison de la lente reprise du marché immobilier national. En août, les prix des logements neufs ont chuté pour le 15ème mois consécutif dans 70 villes par rapport à l’année précédente. Même si le Parti répugne à l’admettre, le marché immobilier chinois est désormais « too big to fail », trop important pour faire faillite.

Malgré ces réserves et un certain pessimisme, il faut rendre à César ce qui lui appartient. Alors que les médias d’État chinois et la presse internationale se sont concentrés sur le plan de sauvetage économique, d’autres réformes majeures ont été annoncées en septembre, qui devraient attirer l’attention des capitaux étrangers. À compter du 1er novembre, la liste négative des investissements étrangers sera réduite de 31 à 29, sans aucune restriction sur le secteur manufacturier. Les hôpitaux entièrement détenus par des intérêts étrangers pourront également s’installer sur le continent. De plus, et avec effet immédiat, les entreprises financées par des intérêts étrangers seront autorisées à faire de la recherche et à adapter la technologie des cellules souches humaines et du diagnostic génétique ainsi qu’à proposer des services de traitement associés. La levée de toutes les restrictions sur le secteur manufacturier devrait susciter un intérêt substantiel de la part des entreprises étrangères, tandis que les deux dernières réformes bénéficieront sensiblement aux multinationales pharmaceutiques.

Alex Payette

asialyst.com