Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

lundi 15 juillet 2024

L'US Secret Service, de la lutte antifraude à la protection de VIP

 

L’image a fait le tour du monde: Trump, le poing levé sous la bannière étoilée, évacué par les hommes en charge de sa protection. Des hommes en costume sombre et lunettes de soleil, issus d’une agence dont le nom, mystificateur, pourrait induire en erreur plus d’un quant à la véritable nature de ses missions: le United States Secret Service (USSS).

Il s’agit d’une des plus anciennes agences fédérales américaines en charge de l’application de la loi. En effet, sa création remonte à juillet 1865, peu après la fin de la guerre de Sécession.

Regroupant plus de 8.300 employés en 2024, l’USSS est surtout connu aujourd’hui pour son rôle de protection des personnalités, mais ses prérogatives étaient initialement très différentes.

Lutte contre les crimes financiers

En effet, la mission initiale du Secret Service était de combattre la contrefaçon de monnaie. Il s’agissait alors d’un problème majeur à l’époque de sa création, avec près d’un tiers de la masse monétaire contrefaite, selon un article publié par le Time Magazine en 2015.

Ses prérogatives ont ensuite été progressivement élargies à d’autres types de fraude. Aujourd’hui, le mandat du Secret Service englobe la lutte contre un large éventail de crimes financiers.

Cela inclut désormais les fraudes par carte de crédit, les escroqueries informatiques, la contrefaçon de documents et d’autres délits menaçant l’intégrité financière des États-Unis. L’évolution des technologies a conduit l’agence à développer une expertise pointue en cybersécurité et en criminalistique financière.

Une mission de protection

Sa fonction la plus visible, relative à la protection, apparaît en 1901. À la suite de l’assassinat du 25e président des États-Unis, William McKinley, le Congrès sollicite le Secret Service pour assurer la protection du président.

Cette mission a depuis été étendue au vice-président, aux anciens présidents, aux chefs d’État étrangers en visite aux États-Unis, ainsi qu’à la sécurité des candidats à la présidence et des événements nationaux importants. L’efficacité de cette protection repose sur un ensemble complexe de stratégies, de technologies avancées et de formations intensives.

En coulisse, les agents du Secret Service effectuent des repérages, mettent en place des périmètres de sécurité, et coordonnent avec les services locaux et internationaux pour assurer une protection sans faille. Le célèbre épisode de l’assassinat de John F. Kennedy en 1963 a d’ailleurs souligné l’importance cruciale de cette mission, renforçant les mesures de sécurité entourant les dirigeants américains.

Le recrutement des agents du Secret Service des États-Unis est rigoureux. Les candidats doivent être citoyens américains âgés de 21 à 37 ans, détenir un diplôme universitaire ou jouir d’une expérience pertinente, et présenter un casier judiciaire vierge.

Le processus comprend une candidature en ligne, des tests écrits et de condition physique, un examen médical, un entretien oral et une vérification approfondie des antécédents. Les candidats retenus suivent une formation intensive de plusieurs mois, couvrant les techniques de protection, les enquêtes criminelles et le maniement des armes à feu, avant d’être affectés à des postes spécifiques, souvent en fonction leurs compétences initiales.

Du Trésor à la Sécurité intérieure

À l’origine intégré au département du Trésor en raison de sa mission initiale, le Secret Service a été transféré au département de la Sécurité intérieure (DHS) en 2003, dans le cadre de la réorganisation gouvernementale post-11 septembre.

Ce changement visait à renforcer la coordination des efforts de sécurité nationale, en intégrant davantage les fonctions de protection et de lutte contre la fraude financière.

Malgré ce transfert, l’agence continue de jouer un rôle clé dans la protection des intérêts financiers du pays. Elle travaille en collaboration avec diverses agences nationales et internationales pour traquer les criminels financiers et garantir la sécurité des transactions économiques.

Remises en question

Cependant, l’histoire de l’USSS a été marquée par plusieurs scandales. En 2012, lors d’une visite du président Obama en Colombie, une affaire éclata quand des agents furent accusés d’avoir engagé des prostituées à Carthagène, soulevant des questions sur leur conduite et leur professionnalisme.

En 2014, un autre incident survint lorsqu’un ancien soldat américain, souffrant de troubles mentaux, réussit à pénétrer dans la Maison Blanche avec un couteau, mettant en lumière les failles dans les protocoles de sécurité.

La tentative d’assassinat contre Trump jette une fois de plus l’opprobre sur l’agence fédérale. D’autant que des témoins ont affirmé aux médias sur place avoir signalé aux services de sécurité la présence d’un homme armé sur le toit, mais qu’aucune action n’a été prise.

Par conséquent, une commission de la Chambre des représentants a prévu d’auditionner l’actuelle directrice du Secret Service, Kimberly Cheatle, à partir du 22 juillet. D’autres responsables de l’agence fédérale pourraient également être appelés à rendre des comptes, tandis que les mesures de sécurité devraient être considérablement renforcées pour le reste de la campagne.

Un ancien agent du Secret Service, Paul Eckloff, a en revanche défendu leur action, insistant sur le délicat équilibre entre les exigences de la protection des personnalités publiques et celles d’une campagne électorale. « Jusqu’à ce que cet individu se soit manifesté comme une menace, on ne pouvait rien faire », a-t-il affirmé sur la chaîne américaine ABC. Selon lui, il était exclu pour les tireurs d’élite d'« abattre un civil innocent qui aurait eu le seul tort de vouloir mieux voir l’ancien président Trump ».

Malo Pinatel

icibeyrouth.com