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mardi 23 juillet 2024

Le Danemark « se range du côté des nations voyous »

 

Le capitaine Paul Watson


Le fondateur de l’ONG de protection des océans Sea Shepherd a été interpellé au Groenland par les autorités danoises le 21 juillet 2024. Le Japon, qui pratique la chasse à la baleine, avait émis un mandat d’arrêt contre lui. Son arrestation a provoqué un véritable tollé au sein des ONG de protection animale. 

Un guet-apens. Alors qu’il s’apprêtait à ravitailler son navire en carburant à Nuuk (Groenland), le célèbre capitaine Paul Watson a été interpellé par les autorités danoises (21/7/2024). Le fondateur de l’ONG Sea Shepherd était sous la menace d’un mandat d’arrêt d’Interpol, lancé par le Japon. En cause, ses activités contre la chasse à la baleine en Antarctique. Pour rappel, le Japon est l’un des rares pays au monde à encore autoriser la chasse de ce cétacé. 

« Après avoir été mise en ligne pendant des années, la notice avait récemment disparu du site Internet d’Interpol, laissant croire à Paul Watson et ses avocats qu’il était désormais libre de ses mouvements », a accusé Sea Sheperd sur son compte X. 

Le militant écologiste pouvait voyager sans restriction dans des pays comme la France, la Suisse, les Pays-Bas ou l’Irlande. « Tous ces pays ont décidé d’ignorer cette notice rouge honteuse utilisée comme outil politique par le Japon visant à traquer et à punir Paul Watson pour s’être opposé à la chasse baleinière illégale antarctique », ajoute Sea Sheperd. Mais le Danemark en a décidé autrement. Il se range, une fois de plus, du côté des nations voyous qui violent les lois et traités de protection des mammifères marins ».

Mandat d'arrêt illégal?

La vidéo publiée par CPWF sur les médias sociaux montre des officiers menottant Paul Watson sur le pont du navire John Paul DeJoria, le plaçant ensuite à l'intérieur d'une camionnette de police avant de l'emmener. Il a ensuite été présenté à un juge qui a statué sur son placement en détention jusqu'à ce qu'une décision soit prise quant à son extradition vers le Japon, a indiqué dimanche la police du Groenland dans un communiqué.

Le tribunal de district de Nuuk, au Groenland, «a décidé que Paul Watson serait détenu jusqu'au 15 août et la décision a fait l'objet d'un appel devant la Haute Cour du Groenland», a indiqué le juge Stig Nørskov-Jensen, du tribunal du Groenland, dans un message à l'AFP.

La décision d'extrader ou non Paul Watson reviendra in fine au ministère danois de la Justice, selon le communiqué de la police. «Le mandat d'arrêt japonais est illégal. Il viole tous les traités internationaux sur les droits de l'homme», a estimé auprès de l'AFP Me François Zimeray, l'un des avocats de Paul Watson, jugeant qu'en cas d'extradition, le Danemark «violerait sa propre Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme».

La Fondation 30 Millions d’Amis demande sa libération

Le capitaine Paul Watson avait pour objectif de mener une mission à l’encontre d’un nouveau navire-usine baleinier japonaise, dans le Pacifique Nord. Il risque l’extradition vers le Japon et une peine sévère. Les marques de soutien envers le capitaine affluent du monde entier. De nombreuses organisations de protection animale et défenseurs des animaux ont dénoncé cette impensable arrestation. La Fondation 30 Millions d’Amis se joint à la mobilisation pour demander la libération du défenseur des baleines. 

Rapidement, plusieurs personnalités comme Pierre Niney, Nagui, Brigitte Bardot, Stéphane Bern, Shaka Ponk ont signé cette pétition. "Il faut tout faire pour sauver Paul" alerte Brigitte Bardot dans Le Parisien. "Nous sommes profondément révoltés qu'un homme qui a dédié sa vie à protéger des animaux menacés soit aujourd'hui arrêté à la demande d'un État qui ne respecte pas la loi" déclarait de son côté Hugo Clément. Actuellement, la pétition rassemble plus de 381 000 signataires.

Cliquez sur l'image pour signer la pétition


Emmanuel Macron « se mobilise sur ce dossier »

Une pétition a déjà recueilli plus de 330 000 signatures ! « Nous sommes profondément révoltés qu’un homme qui a dédié sa vie à protéger des animaux menacés soit aujourd’hui arrêté à la demande d’un État qui ne respecte pas la loi. Le Japon utilise la notice rouge d’Interpol, créée à l’origine pour traquer les criminels internationaux, pour réprimer un opposant. L’extradition de Paul Watson vers le Japon serait pour lui un arrêt de mort. Âgé de 73 ans et père de trois enfants, il y croupirait en prison », peut-on lire sur la pétition

Selon l’ONG Sea Shepherd, Paul Watson « va bien, il est bien traité et il garde le moral. C’est sans doute le moins stressé de nous tous ! Un énorme merci à tous et toutes pour le soutien. La mobilisation fait chaud au cœur, il ne la voit pas mais on le lui dira. Le combat continue ». Selon le journaliste Hugo Clément, le président Emmanuel Macron « se mobilise sur ce dossier » et la « diplomatie est à l’œuvre ». 

 « L’extradition vers le Japon serait un arrêt de mort »

Dans un communiqué, les services de police groenlandais ont expliqué que le militant serait bientôt présenté devant un tribunal, qui statuera sur sa détention « avant de décider s’il doit être extradé vers le Japon ». Une perspective qui terrifie ses soutiens : « L’extradition de Paul Watson vers le Japon serait pour lui un arrêt de mort, écrit un collectif de personnalités dans une tribune publiée par Libération. Âgé de 73 ans et père de trois enfants, il y croupirait en prison. » Le 22 juillet au soir, une pétition demandant à Emmanuel Macron d’agir en faveur de la libération de Paul Watson avait récolté plus de 381 000 signatures.

Le personnage est largement soutenu en France, mais certaines de ses prises de positions sont controversées, notamment ses appels à « limiter la natalité » afin de sauvegarder les écosystèmes. « La solution que je préconise, et qui me vaut beaucoup de critiques, est que personne ne devrait avoir d’enfants sans avoir suivi au préalable une formation de six mois [...] au terme de laquelle un diplôme certifierait que l’on est suffisamment responsable », expliquait-il dans un livre publié en 2017.

Sa stratégie : la « non-violence agressive »

Connu pour son combat acharné contre la chasse à la baleine, la chasse aux phoques et, plus globalement, l’anéantissement du monde marin, Paul Watson a de nombreuses fois eu maille à partir avec la justice. Sa défense de la « non-violence agressive », qui consiste à s’opposer de manière frontale aux navires des braconniers, notamment en les coulant — sans toutefois blesser quiconque — lui a valu plusieurs démêlés judiciaires. « J’ai été arrêté à de nombreuses reprises, racontait-il à Reporterre en décembre 2023. Mais je n’ai jamais été condamné pour aucun crime. »


Sa première arrestation dans le cadre d’une opération de Sea Shepherd remonte à 1979, deux ans après son exclusion du conseil d’administration de Greenpeace, qui lui reprochait ses tactiques « trop conflictuelles ». Le jeune homme de 29 ans était parvenu, avec ses acolytes, à empêcher l’abattage de plus d’un millier de bébés phoques, en les aspergeant d’une peinture naturelle ôtant toute valeur commerciale à leur fourrure.

Quatre ans plus tard, en 1983, Paul Watson et son équipage ont bloqué le port de St. John’s — l’un des plus gros de la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador — et poursuivi plusieurs bateaux de chasse aux phoques. L’opération lui a valu une condamnation à 21 mois de prison, par la suite annulée par la Cour d’appel du Québec.

Rebelote en 1993 : à bord du Cleveland Amory, les militants de Sea Shepherd sont parvenus — en ayant notamment recours à des boules puantes — à chasser les chalutiers cubains et espagnols des Grands Bancs de Terre-Neuve. Le capitaine a écopé de trois chefs d’accusation pour actes criminels, dont il a été acquitté lors de son procès deux ans plus tard. Pour sa défense, le capitaine avait cité la Charte mondiale pour la nature des Nations-Unies, qui permet aux ONG et aux particuliers de faire respecter le droit international de la conservation.


« Nous sommes fiers de ce dont nous sommes accusés »

« Mon avocat, qui est fantastique, s’est tenu devant le jury et a dit : “Mesdames et Messieurs les jurés, nous n’allons pas dire que nous n’avons pas fait ce dont nous sommes accusés. Nous allons dire que nous avons fait exactement ce dont nous sommes accusés. Nous sommes fiers de l’avoir fait, et nous continuerons de le faire !“ », s’est-il souvenu, en 2022, au micro du podcast Demain n’attend pas.

Les assauts de la justice contre Paul Watson ont pris un tournant international à la fin des années 1990. En 1997, la justice norvégienne l’a condamné par contumace pour avoir tenté de couler, cinq ans plus tôt, le baleinier Nybraena. Arrêté aux Pays-Bas, il a passé 120 jours en prison avant d’être finalement libéré  le tribunal néerlandais ayant statué contre son extradition vers la Norvège.

5 000 baleines sauvées des harpons japonais

En mai 2012, Paul Watson a de nouveau été arrêté par les autorités, cette fois allemandes, en réaction à un mandat d’arrêt émis par le Costa Rica. Le pays latino-américain lui reprochait d’avoir mis au pas, dix ans plus tôt, des braconniers costaricains surpris en train de découper illégalement des ailerons de requins dans les eaux guatémaltèques. Personne n’avait été blessé lors de l’opération de Sea Shepherd, ni aucun matériel endommagé. Cela n’a pas empêché le Costa Rica de l’accuser de « mise en danger de la vie d’autrui ».

À l’annonce de son extradition prochaine vers San José, le capitaine, alors assigné à résidence à Francfort, avait organisé sa fuite. Sans passeport, moustache coupée, perruque sur le crâne, il était parvenu à rejoindre en juillet 2012 un bateau en partance pour la haute mer… où il a vécu en cavale pendant quinze mois, entre l’Atlantique, le Pacifique et l’océan Austral. Le capitaine n’a remis pied à terre que le 28 octobre 2013, à Los Angeles, avant de trouver refuge à Paris. Il y vivait il y a encore quelques mois, sur une péniche truffée de livres sur l’océan.

En 2017, le Costa Rica a finalement retiré sa « notice rouge » sur Paul Watson. Ce n’est pas le cas du Japon, qui lui reproche d’avoir entravé à plusieurs reprises les opérations de ses baleiniers dans les sanctuaires marins de l’océan Austral. Selon les estimations de Sea Shepherd France, les missions effectuées sous le commandement de Paul Watson auraient permis de sauver plus de 5 000 baleines des harpons japonais.


Sa promesse à un cachalot agonisant

Lorsque l’archipel asiatique a annoncé, en mai dernier, le lancement de son nouvel abattoir de baleines, le Canadien n’a pas caché vouloir lui « barrer la route ». Ce dessein l’anime depuis près de cinquante ans. Depuis que son regard a croisé, en 1975, celui d’un cachalot agonisant, tué par des baleiniers soviétiques. Ce jour-là, « j’ai fait la promesse à ce grand Esprit de l’eau que j’éradiquerai la chasse à la baleine de mon vivant », écrivait-il en février 2023.

Les conséquences de ce combat lui semblent secondaires, expliquait-il en décembre dernier. « J’ai l’habitude de demander à tous les membres de mon équipage : “Êtes-vous prêts à risquer votre vie pour protéger les baleines ?” Certains pensent que c’est beaucoup demander à des jeunes gens. Mais nous leur demandons tout le temps de donner leurs vies pour des drapeaux, des biens immobiliers, des religions. Moi, je pense qu’il est bien plus noble de prendre ce risque pour protéger une espèce ou un habitat en voie de disparition. »

Pour rejoindre Sea Shepherd

Egger Ph.