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samedi 25 mai 2024

Soupçonné du meurtre d’un soldat tchadien, un infirmier militaire français s’est donné la mort en prison

 

Que s’est-il exactement passé à l’antenne médicale du camp militaire français de Faya Largeau [Tchad], le 5 septembre dernier ? Selon les explications données à l’époque par les autorités locales, un soldat tchadien venu se faire soigner aurait porté des coups de bistouri au thorax, à la tête et au cou de l’infirmier militaire français qui l’examinait, obligeant celui-ci à faire usage de son arme pour se défendre.

« Un militaire tchadien, qui n’était pas dans un état normal, s’est rendu pour un pansement dans la base militaire de l’armée française, a pris un scalpel et a blessé un infirmier militaire français », avait relaté le général Ali Maïde Kebir, gouverneur de la région du Borkou, dont Faya-Largeau est le chef-lieu. « L’infirmer à fait usage de son arme à feu et l’a tué », avait-il ajouté.

Cette version des faits avait été corroborée par une source militaire française. « On ne connaît pas les raisons de l’attaque », avait-elle admis, avant d’insister sur le fait que l’infirmier [un adjudant] avait dû se défendre. Et de préciser qu’une enquête, menée conjointement par les forces françaises et tchadiennes avait été ouverte.

Cet incident dramatique avait ensuite donné lieu à une manifestation hostile à la présence française devant le camp de Faya Largeau, ainsi qu’à la diffusion de rumeurs malveillantes sur les réseaux sociaux.

Seulement, cette affaire a récemment connu un rebondissement, la version de l’adjudant infirmier, aux états de service irréprochables, ayant été remise en question par les expertises menées à la demande de la section militaire du parquet de Paris, selon laquelle, rapporte Le Parisien, les « blessures bénignes sur l’infirmier ont pu être auto-infligées, le patient tchadien n’ayant aucune trace de sang, et seul le profil génétique du mis en examen ayant été retrouvé sur le scalpel ».

Toujours selon la même source, le soldat tchadien n’était pas armé et « sa formation militaire spécifique laissait par ailleurs penser qu’il disposait d’un savoir-faire peu compatible avec les égratignures constatées sur l’infirmier ». En outre, poursuit-elle, « le défunt tchadien a manifestement été victime de tirs mortels dans le dos et alors qu’il se dirigeait vers la sortie ». Enfin, un médecin-chef et un adjudant-chef, ont exprimé des doutes sur la version du sous-officier auteur des tirs… Mais il n’étaient pas présents au moment des faits.

Dès son retour du Tchad, suivi pour des syndromes de stress post traumatique après avoir survécu à l’explosion d’un engin explosif improvisé lors d’une mission au Mali, l’adjudant infirmier avait été hospitalisé en psychiatrie. Puis, au regard des éléments collectés durant l’enquête, il a été placé en garde à vue le 26 avril dernier, avant d’être mis en examen pour « meurtre » par une juge d’instruction de Paris.

Alors que le parquet avait demandé son placement en détention provisoire pour « risque de troubles à l’ordre public, nécessité de conserver les preuves et protection de l’intéressé contre lui-même », l’adjudant infirmier fut placé sous contrôle judiciaire. Mais suite à l’appel du ministère public, il fut finalement incarcéré à la prison de Fresnes, le 14 mai.

Ce que ce sous-officier, qui a toujours maintenu sa version des faits, n’a pas supporté. « Je ne comprends pas ma présence en prison, je n’ai fait que me défendre dans le cadre de mon service à la France. Ici, je suis placé à l’isolement car plusieurs détenus ont appris que j’étais militaire. […] S’il vous plaît, essayez de faire quelque chose pour me sortir d’ici, je ne pense pas tenir longtemps », a-t-il écrit à ses parents.

Malheureusement, quatre jours après son placement en détention, cet adjudant infirmier de 33 ans a mis fin à ses jours. Pour autant, l’affaire ne va pas en rester là, ses proches ayant déposé plainte contre X pour « homicide volontaire » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Elle a également demandé au ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, de saisir l’inspection générale de la justice.

Sollicité par l’AFP, l’avocat de la famille du sous-officier, Me Patrick Ramaël, a fait part de son indignation. « Le motif principal pour lequel la détention a été demandée était pour le protéger contre lui-même d’un suicide. Et, pourtant, c’est cette incarcération qui l’a tué », a-t-il dit. Et d’y voir « d’éventuels dysfonctionnements dans le traitement judiciaire de cette affaire ».

Par ailleurs, Me Ramaël a donné d’autres précisions sur les faits survenus à Faya Largeau. Ainsi, selon le récit qu’il a livré à ses proches, l’adjudant infirmier aurait « appelé à l »aide » par talkie-walkie alors qu’il venait de se faire agresser, tout en braquant son arme vers le soldat tchadien. Malgré les sommations, celui-ci se serait alors saisi d’une « paire de ciseaux ». Le sous-officier aurait tiré à ce moment-là… Et un autre militaire, « venu à la rescousse », en aurait fait autant.

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