Et si le commando qui a ouvert le feu sur le véhicule, tuant deux agents pénitentiaires et en blessant trois autres, n'avait pas eu l'intention de libérer le trentenaire mais de lui mettre la main dessus?
Tout de suite après les faits, l'avocat de Mohamed Amra, Hugues Vigier, avait déjà émis l'hypothèse sur BFMTV qu'on serait venu chercher son client, non pas pour le libérer mais «pour l'avoir à disposition et peut-être lui faire payer ce qu’on suppose qu’il aurait lui-même commis».
«Pourquoi un tel guet-apens pour lui?»
«Je dois avouer qu’on a un peu de mal à comprendre qu’une opération de cette ampleur ait été montée pour lui…» a soufflé une source policière haut placée à 20minutes.fr. Même si celui qui est surnommé «La mouche» semble avoir rapidement gravi les échelons de la criminalité, passant des vols à la petite semaine au trafic de stupéfiants, l'organisation d'un tel guet-apens pour le faire évader paraît disproportionnée.
Condamné uniquement pour vol avec effraction en Normandie, il n'était pas classé comme détenu particulièrement signalé (DPS), ce qui explique que le fourgon attaqué n'avait pas d'escorte policière. En revanche, il avait été mis en examen à Marseille pour «enlèvement et séquestration ayant entraîné la mort». Il est aussi suspecté d'avoir commandité des meurtres liés au trafic de drogue, y compris à l'étranger.
Évadé peu pressé de sortir
Journaliste d'investigation spécialisé dans les affaires policières et le grand banditisme, Frédéric Ploquin émet lui aussi un doute. Des «grands voyous» lui auraient dit, après avoir vu des vidéos de l'attaque: «Regarde, ce n'est pas si clair que ça. Peut-être qu'ils sont venus le chercher», a-t-il raconté à France3. Peut-être pour le faire parler, ou pour lui extorquer de l'argent, avance le journaliste.
Frédéric Ploquin relève plusieurs points qui pourraient renforcer cette théorie: dans les images vidéo, Mohamed Amra ne sort pas immédiatement du fourgon. Et, selon lui, quand on va libérer quelqu'un, l'objectif est de récupérer le détenu, «pas de massacrer l’intégralité des individus autour».
Même son de cloche de la part d'un commandant, aujourd'hui à la retraite, qui a passé vingt-cinq ans à la brigade de répression du banditisme. «On a des retours de gros voyous qui ne comprennent pas du tout», a-t-il dit à l'AFP. Le secrétaire général d'un syndicat de police parle, lui, d'un «palier super inquiétant» qui a été franchi avec «l'utilisation d'armes de guerre» pour faire évader quelqu’un qui «n’était pas l’ennemi public No 1», rapporte l'agence.
Reste que des faits qui se sont déroulés à la prison d'Evreux pourraient entrer en contradiction avec la théorie d'un enlèvement organisé à l'insu de Mohamed Amra, voire contre son gré. En effet, lundi, il avait été placé à l'isolement car il était soupçonné d'avoir tenté de scier les barreaux de sa cellule. Selon 20minutes.fr, des gardiens l'ont vu en train de mettre du scotch sur les barreaux, ce qui serait une manière de cacher sa tentative.
Mais ce fait était trop récent pour qu'il soit classé DPS, nécessitant une escorte policière, pour son transfert de mardi...
Jacqueline Favez