Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mardi 14 mai 2024

La surveillance de masse de la population par le Hamas dans la bande de Gaza

 

A l’intérieur de la bande de Gaza, manifester, critiquer le gouvernement ou encore avoir des relations amoureuses suffit pour finir dans les fichiers de renseignement du Service de sécurité générale du Hamas. Avant que la guerre avec Israël n’éclate, le mouvement islamiste palestinien n’a cessé de scruter les faits et gestes de la population gazaouie, ne tolérant pas le moindre écart de soutien à son encontre. Ce lundi 13 mai, une enquête du journal américain The New York Times révèle l’étendue de cette surveillance mêlée d’oppression des civils, qui va jusqu’à pénétrer dans l’intimité des Palestiniens.

Censure, intimidation, surveillance

Les informations obtenues par le quotidien regroupent sept dossiers des services de renseignement du Hamas, allant d’octobre 2016 à août 2023. Ils auraient été saisis par des membres de la direction du renseignement militaire israélien lors des offensives de l’armée à Gaza. Le bureau indique avoir connaissance de dossiers contenant des informations sur au moins 10 000 Palestiniens. Pour les obtenir, le Service de sécurité générale du Hamas disposerait d’un vaste réseau d’informateurs dispersés dans l’enclave palestinienne. La plupart étant de simples habitants dénonçant leurs voisins à la police.

Une présentation des activités du Service de sécurité générale, soit 62 diapositives, témoigne de la volonté des dirigeants du Hamas de tout faire pour contrôler la société civile dans l’enclave palestinienne. Officiellement, cette unité a pour but de «protéger les membres, les biens et les informations du Hamas», et d’être un appui dans les décisions politiques. Dans les faits, on retrouve dans cette présentation, des notations sur les différentes façons de réprimer les manifestations, notamment celles de 2023 qui dénonçaient sous la bannière «Nous voulons vivre», les pénuries d’électricité et le coût de la vie. Plutôt que l’usage de la violence physique, le Service de sécurité générale se basait sur la censure, l’intimidation ou la surveillance pour contenir les foules.

Comme la «Stasi» en Allemagne de l’Est

Les documents à la disposition du New York Times démontrent que des Palestiniens sont répertoriés dans ces fichiers pour avoir simplement participé à telle ou telle manifestation, ou avoir publiquement critiqué le Hamas. Dans d’autres cas, certains civils ont été suivis et espionnés, afin de vérifier s’ils entretenaient des relations extra-maritales. Toutes les personnes soupçonnées d’avoir un comportement immoral sont traquées. Les journalistes et les organismes étrangers sont également dans le viseur du Hamas. «Ce service de sécurité générale ressemble à la Stasi de l’Allemagne de l’Est [qui a opéré de 1950 à 1990, ndlr]», compare Michael Milshtein, un ancien officier du renseignement militaire israélien, spécialisé dans les affaires palestiniennes. Selon ces mots, cités par le journal américain, dans la bande de Gaza, «il y a toujours un œil dans la rue».

Ehab Fasfous, un journaliste installé dans le territoire palestinien, en a fait les frais. L’homme de 51 ans est répertorié dans les dossiers de renseignement obtenus par le New York Times comme étant l’un des «principaux détracteurs du mouvement Hamas». «Nous estimons qu’il est nécessaire de le surveiller, car il s’agit d’une personne négative, pleine de haine, qui ne fait que mettre en évidence les lacunes de la bande [de Gaza]», écrivent les auteurs du Service de sécurité générale. «Si vous n’êtes pas avec eux, vous devenez un athée, un infidèle et un pécheur», s’est défendu Ehab Fasfous.

S’il reconnaît avoir critiqué le Hamas en ligne, il raconte avoir été arrêté sur le chemin d’une manifestation en août dernier – des informations également comprises dans son dossier. Des officiers de police lui ont confisqué son téléphone et ont envoyé des messages de drague à une collègue. «Ils voulaient m’accuser de violation de la morale», indique-t-il, avant de constater : «Nous sommes confrontés aux bombardements de l’occupation [israélienne] et à la répression des autorités locales».

Aucun document consulté par le New York Times ne date de la période postérieure à la guerre entre le Hamas et Israël qui a démarré le 7 octobre 2023. Le fonctionnement du Service de sécurité générale est à l’heure actuelle inconnu, depuis qu’Israël a porté un coup sévère aux capacités militaires et administratives du Hamas.

liberation.fr