Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

mercredi 20 mars 2024

Le SRC est en crise

 

Le Service de renseignement de la Confédération (SRC), sous la direction de Christian Dussey, en poste depuis avril 2022, traverse une crise profonde. Dans l'enquête auprès du personnel 2023, la performance de la «direction» a été évaluée à tout juste 35 points sur 100.

L'évaluation portait sur les critères suivants: «clarté des objectifs», «transmission d'informations en temps utile en cas de changements importants», «exécution des décisions», «résolution des problèmes urgents», «confiance du personnel dans les décisions de la direction». A titre de comparaison, la moyenne de l'administration fédérale était de 61 points.

Mais pour les employés des services secrets suisses, qui comptent environ 400 postes à plein temps, l'enquête n'a pas suffi, et certains d'entre eux cherchent maintenant une aide extérieure.

Selon les informations de CH Media, environ 80 personnes se sont adressées au service de confiance pour les collaborateurs du Département de la défense (DDPS).

Ce service de confiance est là pour conseiller et proposer des solutions en toute confidentialité «dans des situations conflictuelles survenues sur le lieu de travail, avec des supérieurs ou au sein d'une équipe», comme l'indique un dépliant. Le DDPS est le seul département à avoir son propre médiateur. Il s'appelle Walter Mengisen et a été directeur adjoint de l'Office fédéral du sport jusqu'à sa retraite il y a trois ans.

Les autres employés de l'administration fédérale doivent s'adresser au service de médiation pour le personnel fédéral. Les critiques soupçonnent depuis longtemps le DDPS d'avoir mis en place son propre service de médiation afin de mieux gérer les problèmes – et d'éviter de les rendre publics.

Selon le médiateur du DDPS, tout est confidentiel

Contacté par CH Media, Walter Mengisen n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet. Ni sur le nombre très élevé de 80 personnes issues des services secrets qui se sont présentées à lui avec leurs plaintes. Pas davantage sur le contenu des plaintes, la nécessité d'agir ou la suite des événements.

Le médiateur du DDPS précise que toutes les informations que son service reçoit ainsi que les consultations avec les employés sont hautement confidentielles afin de protéger leurs clients. Il semble tout de même que la demande de CH Media ait eu un effet dans la mesure où les plaignants ont obtenu un rendez-vous pour un entretien peu après.

Selon une personne bien informée, l'une des principales préoccupations du personnel est la relation avec les collaborateurs.

Une profonde réorganisation est en cours au SRC, sous l'impulsion de l'ancien diplomate Dussey et de la ministre de la Défense Viola Amherd. Ainsi, tous les membres de la direction et les cadres ont dû poser une nouvelle candidature. Entre autres, la sécurité intérieure et la sécurité extérieure sont à nouveau séparées de manière plus nette, bien que l'on ait prêché ces dernières années qu'il n'y avait pas de différence entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure.

Pour rappel, le SRC est né en 2010 de la fusion des services de renseignement intérieur et extérieur. Les membres des services secrets étrangers considéraient cette fusion comme une grave erreur – manifestement à juste titre.

Le manque d'espace pèse sur les agents secrets

Le fait que leur centrale, le Pentagone bernois, soit en train d'être totalement rénovée, pèse également sur le moral des services secrets. Le personnel a dû déménager dans la banlieue de Liebefeld. Les bureaux en open space seraient beaucoup trop petits et il y aurait un manque de place.

Mais le problème est encore plus profond. Les agents sont aussi frustrés par la politique: ils considèrent qu'elle assume beaucoup trop peu ses responsabilités. Selon le personnel du SRC, elle n'intervient que lorsqu'une menace devient visible, lorsque des événements dramatiques se produisent, ou lorsque la pression publique la contraint à agir.

La politique sous-estime le danger posé par la Russie

Selon les informations de CH Media, les stratèges du SRC se plaignent que la politique sous-estime massivement la menace que représente la Russie pour la sécurité intérieure et extérieure. L'infiltration et la désinformation par des espions et des trolls russes seraient trop peu prises au sérieux, et les ressources destinées à la lutte contre de tels phénomènes n'auraient cessé d'être réduites ces dernières années au profit d'autres dangers comme le terrorisme ou l'extrémisme violent.

Les capacités des services secrets dans le domaine de l'acquisition de renseignements à partir de sources ouvertes (Osint) devraient être renforcées, dit-on au sein du SRC.

Il serait également important que le public soit informé de manière transparente sur les découvertes. Il faudrait un bulletin régulier, accessible au public, sur les influences étrangères. Selon les initiés, la politique, et en premier lieu le département des Affaires étrangères, devrait se défaire de cette dangereuse retenue diplomatique à l'égard des Etats autoritaires.

Il faut urgemment défendre la démocratie

Certaines personnes au sein du SRC sont convaincues que les valeurs démocratiques fondamentales doivent être défendues de manière beaucoup plus ferme et offensive, sinon il sera trop tard. Selon elles, des dirigeants autoritaires comme Trump, Poutine, Orban ou Xi ont depuis longtemps reconnu les faiblesses de l'Occident et veulent en provoquer la chute depuis l'intérieur.

Les dictateurs utiliseraient pour ceci des hommes de main locaux corrompus ou opportunistes, notamment dans le monde politique. La progression des partis d'extrême droite antidémocratiques en Europe serait l'expression de l'efficacité avec laquelle Poutine téléguide l'Occident.

Henry Habegger

watson.ch