Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 4 juin 2023

Les ukrainiens lavent leur linge sale en public, tout comme les russes

 

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky ne retient plus ses coups. Sa cible: Vitali Klitschko. Le chef d'État reproche au maire de Kiev de faire preuve de négligence.

Cette attaque verbale a pour toile de fond une attaque à la roquette survenue jeudi à Kiev. Au petit matin, trois personnes, dont une fillette de neuf ans et sa mère, ont été tuées par la chute de débris. Les victimes ont attendu en vain l'ouverture d'un abri. Selon des témoins, le gardien était ivre et n'a pas ouvert la porte.

«Ça fait mal de voir les victimes»

Volodymyr Zelensky n'a aucun doute sur la responsabilité derrière ce manquement: «C'est le devoir des autorités locales, un devoir très particulier, de veiller à ce que les abris soient disponibles et accessibles 24h sur 24, a-t-il déclaré dans une allocution vidéo diffusée sur Telegram jeudi soir. Il est douloureux de voir un manquement à ce devoir. Ça fait mal de voir les victimes.»

Volodymyr Zelensky n'a pas cité de noms. Mais le fait qu'il souligne aussi clairement le rôle des autorités locales révèle à qui il attribue la responsabilité de cette tragédie: Vitali Klitschko, le maire de Kiev.

Une relation houleuse depuis longtemps

Les relations entre les deux dirigeants ont toujours été tendues. Dès l'entrée en fonction de Volodymyr Zelensky en 2019, le chef du bureau présidentiel de l'époque, Andriy Bohdan, a exigé la démission du maire de la capitale, en poste depuis 2014. «Il a perdu le contrôle de la situation dans la ville au cours des cinq dernières années», avait-il alors déclaré. Selon les médias, Vitali Klitschko a évité une destitution grâce à ses contacts avec Andriy Yermak, un proche de Volodymyr Zelensky.

Depuis l'invasion russe de l'Ukraine, une trêve tacite était en vigueur à Kiev entre Volodymyr Zelensky et Vitali Klitschko. Mais le président ukrainien a déterré la hache de guerre dès l'automne dernier, lorsqu'il a réprimandé le maire de Kiev après des attaques de missiles visant certaines infrastructures stratégiques.

Vitali Klitschko contre-attaque

Vitali Klitschko n'a pas laissé passer ce dernier reproche. Vendredi, le maire de Kiev a répliqué sur Telegram: «Il s'agit ici d'une responsabilité commune et équitable.» Il a également souligné que les chefs des arrondissements de Kiev sont directement nommés par Volodymyr Zelensky.

La capitale ukrainienne a récemment souffert de tirs réguliers et intensifs provenant de la Russie. En mai, le nombre de roquettes, de missiles de croisière et de drones tirés sur Kiev n'a jamais été aussi élevé depuis le début de la guerre. Selon l'armée, les systèmes de défense aérienne fonctionnent certes correctement, mais des débris de missiles peuvent tomber et mettre en danger la population civile.

Vitali Klitschko, qui a visité jeudi le site de l'accident à Desna, a lancé un avertissement: le budget pour les abris antiaériens à Kiev arrive à échéance fin juin. Il est urgent d'agir. La raison pour laquelle les trois victimes de jeudi n'ont pas réussi à se rendre dans l'abri sera examinée. Vitali Klitschko a en outre annoncé qu'il fera contrôler les abris dans tous les autres districts.

Les russes et les tchétchènes font pareil

Ce n’est pas que sur le front en Ukraine que la bataille fait rage. Le retrait des troupes Wagner de mercenaires russes fait des remous, surtout du côté tchétchène. Et pour cause: c’est aux troupes de Ramzan Kadyrov de reprendre les positions abandonnées par les soldats d’Evgueni Prigojine. Une véritable lutte de pouvoir semble s’être engagée entre les deux hommes.

Sur les réseaux sociaux, des politiciens et des militaires tchétchènes de haut rang tirent à boulets rouges sur le patron de Wagner. A l’origine de leur colère: une déclaration d’Evgueni Prigojine sur Telegram. Il a écrit qu’il ne comprenait pas ce que l’unité spéciale tchétchène Akhmat faisait au front en Ukraine.

En face-à-face

Le commandant de l’unité Kadyrovtsy, Adam Delimkhanov, et le président du parlement tchétchène, Magomed Daudov, ne sont pas prêt à se laisser faire. Dans une vidéo sur Telegram, le second condamne de manière virulente les critiques de l’homme d’affaire russe: «Pour une telle déclaration, tu aurais été fusillé pendant la Seconde Guerre mondiale.»

Adam Delimkhanov, qui fait partie des proches du dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov, est aussi en colère: «Tu ne comprends pas ce que fait l’unité Akhmat, mais tu n’as pas non plus à le comprendre.» Au lieu de «parler, de crier et de hurler» sur les réseaux sociaux, il enjoint à Evgueni Prigojine de lui dire où ils peuvent se retrouver pour «résoudre l’affaire face à face». Magomed Daudov veut également régler ses comptes en personne: «En tout temps, en tout lieu, nous nous dirons ce que nous avons à dire.»

Des lourdes pertes

Outre les propos d’Evgueni Prigojine sur l’Akhmat, les hauts responsables politiques tchétchènes critiquent également la rhétorique du patron de Wagner, qui n’a cessé de s’en prendre aux autorités russes et à leur armée au cours des dernières semaines. «N’oubliez pas à qui vous devez une société militaire privée, des avions, des hélicoptères et 50’000 combattants», a avancé le président du parlement tchétchène.

Malgré tout le soutien que les troupes de Wagner a reçu du ministère de la Défense russe, les pertes n’ont pas été endiguées. «Nous savons tous combien de soldats ont été tués à Bakhmout lorsque Prigojine était aux commandes», a ajouté Adam Delimkhanov.

Pourtant, même le leader tchétchène Ramzan Kadyrov semble douter que ce changement de troupes au front puisse apporter un succès au président russe Vladimir Poutine. Il a ainsi exigé que le président russe utilise la bombe atomique.

Fabian Babic

Carla De-Vizzi

blick.ch