C'est une nouvelle choc en provenance du front de la guerre: le chef de Wagner, Evgueni Prigojine, a apparemment annoncé qu'il retirerait ses troupes de mercenaires de toute la ligne de front en Ukraine à partir du 1er juin. C'est ce que rapporte l'Institute for the Study of War (ISW), toujours bien informé.
Ce retrait doit permettre aux troupes épuisées de faire une pause, de s'entraîner et de se regrouper. Le groupe a l'intention de reprendre la guerre dans deux mois. Les régions conquises, comme la ville de Bakhmout selon les dires russes, seront remises jeudi par Wagner à l'armée russe officielle.
Les troupes de Wagner, composées en grande partie de criminels condamnés, reviendront-elles vraiment ou s'agit-il d'un retrait définitif par la petite porte? Le fait est que les envahisseurs russes se sont heurtés à une résistance sans précédent en Ukraine et qu'ils ne progressent guère plus.
De plus, la grande contre-offensive de l'armée ukrainienne, équipée d'armes occidentales de pointe, est imminente. Depuis le début de la guerre, on estime que bien plus de 30'000 membres de Wagner ont été tués ou blessés.
«Un retrait pour sauver la face»
L'expert de la Russie Ulrich Schmid, de l'université de Saint-Gall, pense que le groupe Wagner ne reviendra plus en Ukraine. «Le modèle Wagner est arrivé à une fin», dit-il. Selon lui, Evgueni Prigojine a tenté de soutenir ses propres ambitions par des succès militaires.
Le bilan est décevant, affirme Ulrich Schmid: «Le tribut de sang versé par le groupe Wagner est énorme, l'importance stratégique des gains de terrain est faible. Le recrutement dans les prisons est entre-temps concurrencé par l'armée.»
Il existerait en outre un accord précaire entre Wagner et le Ministère russe de la Défense: Wagner utilise ses combattants pour des missions dangereuses, Moscou fournit des armes et des munitions, mais celles-ci ont fait défaut ces derniers temps. Dans la lutte pour l'influence et la souveraineté du commandement, le Ministère de la Défense semble prendre le dessus sur Wagner. Ulrich Schmid estime que «Prigojine peut se retirer en sauvant la face avec la 'victoire' à Bakhmout.»
Pleins feux sur l'Afrique?
Avec le retrait d'Ukraine, Prigojine peut se concentrer avec ses troupes sur les interventions dans une douzaine de pays africains. Wagner entretient des opérations en cours, notamment en Libye, au Burkina Faso, au Mali, au Soudan, au Cameroun et en République centrafricaine. Le président français, Emmanuel Macron, a récemment qualifié le groupe Wagner d'«assurance-vie pour les régimes défaillants en Afrique».
Dans les États livrés à eux-mêmes et dirigés par des gouvernements fragiles, il est plus facile d'exercer une influence sur le pouvoir politique et de s'assurer des droits lucratifs sur les mines d'or et de diamants.
De plus, les interventions en Afrique ont un autre objectif. Colin P. Clarke, du Foreign Policy Research Institute de Philadelphie, écrit dans un article: «L'accès aux matières premières aide le président russe Vladimir Poutine à se soustraire aux sanctions occidentales écrasantes.»
La question est de savoir comment Vladimir Poutine compte combler le vide du groupe Wagner. Le mois dernier, le Ministère britannique de la Défense a présenté une mise à jour de ses services de renseignement. Il en ressortait que «la Russie cherche probablement à parrainer et à développer des sociétés militaires privées alternatives pour remplacer le groupe Wagner dans son important rôle de combat en Ukraine.»
Guido Felder