Le président russe Vladimir Poutine et son homologue iranien Ebrahim Raisi ont signé mercredi 17 mai, par liaison vidéo, un accord de 1.6 milliard d’euros pour construire une ligne de chemin de fer en Iran. Longue de 162 km, cette ligne de chemin de fer reliera les villes du nord de l’Iran, Rasht et Astara.
Cette ligne est considérée comme un axe important pour mieux relier, par voie terrestre, l’Inde, l’Iran, la Russie, l’Azerbaïdjan et d’autres pays. Selon la Russie, cette route peut rivaliser avec le canal de Suez en tant que route commerciale mondiale majeure.
Vladimir Poutine a déclaré que cette artère nouvelle « contribuera à diversifier considérablement les flux de trafic mondiaux ». Située le long de la mer Caspienne, cette liaison ferroviaire aidera à relier les ports russes de la mer Baltique aux ports iraniens de l’océan Indien et du golfe.
Un processus d’alliance
Cet accord ferroviaire s’inscrit dans un processus d’alliance économique et militaire entre l’Iran et la Russie.
Juin 2022 : L’Iran et la Russie signent un mémorandum pour établir des centres commerciaux mutuels à Téhéran et à Saint-Pétersbourg.
Août 2022 : L’Iran annonce qu’il commence à utiliser sa propre monnaie, le rial, et le rouble russe pour le commerce bilatéral. Cette décision fait partie d’un effort visant à réduire la dépendance au dollar américain pour le commerce.
Novembre2022, l’Iran a reconnu pour la première fois avoir fourni des drones à la Russie. Quelques jours plus tard, la Russie a annoncé la construction d’une usine de fabrication de drones iraniens en Russie.
Janvier 2023 : L’Iran et la Russie signent un accord de messagerie financière entre leurs banques respectives. Cela est venu en réponse au système international de messagerie financière SWIFT interdisant les banques des deux pays en raison des sanctions américaines et occidentales.
Mai 2023 : la Biélorussie et la Russie signent un accord de 497 millions de dollars pour importer des véhicules du constructeur automobile iranien SAIPA .
La deuxième plus grande banque russe ouvre un bureau en Iran
Renforçant leurs liens face aux sanctions économiques occidentales, Moscou et Téhéran développent notamment leur coopération bancaire. Une succursale de VTB, la deuxième plus grande banque russe, sera ainsi ouverte en Iran.
VTB, la deuxième plus grande banque de Russie, a ouvert une succursale en République islamique d'Iran, a annoncé mardi 16 mai le vice-ministre iranien de l'Industrie, des mines et du commerce, Ali-Reza Peymanpak.
VTB Bank est la première banque russe à être directement représentée en Iran, selon lui. Il affirme que la présence du personnel de VTB dans la capitale iranienne contribuera à renforcer la transparence dans les relations bancaires internationales de son pays, relate l'agence de presse IRNA.
L'implantation de VTB à Téhéran permettrait également aux entreprises iraniennes de transférer leurs fonds de ce qui est appelé ‘réseaux de confiance’ vers le système bancaire.
En outre, le temps nécessaire au traitement des transactions bancaires pour les entreprises iraniennes passera à moins de 24 heures, selon des experts. Elles auront aussi un accès plus facile aux systèmes bancaires en Europe, en Afrique et en Asie.
Un rapprochement face aux sanctions
En décembre dernier, VTB a lancé un service permettant aux particuliers et aux entreprises de transférer de l'argent vers et depuis l'Iran. Elle a été l'une des premières banques russes à être exclue du système mondial de paiement SWIFT en réaction à l'opération militaire de Moscou en Ukraine.
La Russie et l'Iran ont récemment commencé à approfondir leurs liens économiques et énergétiques pour contrer les sanctions occidentales auxquelles sont confrontés les deux pays.
L'Iran discute d’une coopération avec la Russie sur dix champs pétroliers et gaziers
Téhéran compte sur Moscou pour l’aider à mettre en valeur ses gisements d’hydrocarbures dont une dizaine de nouveaux champs. Les deux pays souhaitent également créer une plateforme d'échange électronique pour le gaz et étudient la possibilité de faire des transactions en yuans.
L’exploitation des hydrocarbures continuent de cimenter les relations entre l’Iran et la Russie. Téhéran entend une nouvelle fois se tourner vers Moscou pour l’aider à exploiter une dizaine de gisement de gaz et de pétrole, a ainsi déclaré le ministre iranien du Pétrole, Javad Owji.
Le responsable a rappelé que le partenariat avec la Russie avait déjà porté ses fruits, expliquant que des discussions étaient en cours pour collaborer sur ses nouveaux gisements.
"Dans le secteur pétrolier et gazier, nous avons une étroite coopération avec des entreprises russes réputées. Au cours des deux dernières années, des contrats ont été signés et certains de nos champs sont déjà développés par des partenaires russes […] En plus des champs précédents, nous avons 10 autres gisements pour lesquels nous avons décidé d'impliquer des collègues russes", a-t-il ainsi expliqué.
Le vice-Premier ministre russe, Alexander Novak, a par la suite précisé la nature de ces nouveaux projets. Il a détaillé que six gisements étaient considérés comme pétrolifères par les sociétés russes. Côté gaz, le géant russe Gazprom pourrait collaborer avec des compagnies iraniennes sur les champs de South Pars et de Kish.
Une plateforme d’échange
Moscou et Téhéran envisagent par ailleurs de créer une plateforme d’échange électronique pour les ventes de gaz dans le sud de l’Iran, a par ailleurs annoncé le vice-Premier ministre russe. Le processus pourrait néanmoins prendre un certain temps, puisqu’il nécessite d’attirer partenaires et fournisseurs sur ce nouveau réseau.
Enfin, les deux pays discutent de la possibilité de réaliser des transactions en yuans. Plus de 80% des paiements irano-russes se font déjà devises nationales, a précisé le responsable russe.
Au-delà des hydrocarbures, l’Iran et la Russie continuent d’entretenir des relations diplomatiques étroites. Les deux pays essaient notamment de jouer les médiateurs pour recoller les morceaux entre la Syrie et la Turquie. Fin avril, des pourparlers avaient eu lieu en ce sens à Moscou.
L’Iran s’est par ailleurs rapproché du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ces derniers mois et songe à une adhésion, en vue de bâtir "un monde multipolaire", comme l’avait récemment expliqué le Président iranien, Ebrahim Raïssi. En 2021, Téhéran avait par ailleurs rejoint l’Organisation de coopération de Shanghaï, où siège aussi Moscou.
Le contournement des sanctions au programme
La Russie et l’Iran sont deux des principaux producteurs de gaz et de pétrole au monde, mais ils sont aussi les deux pays les plus sanctionnés par les Occidentaux. Logiquement, ces deux puissances régionales étudient de près comment contourner, ensemble, ces sanctions.
L’Iran a été sanctionné en raison de son programme d’armement nucléaire clandestin, tandis que la Russie a été sanctionnée pour avoir envahi l’Ukraine.