Le chef du service marocain de renseignement extérieur (DGED), Mohamed Yassine Mansouri, est-il tombé en disgrâce ? Est-il sur le point d’être éjecté de son poste ? Ce sont les questions que se posent actuellement les observateurs. Celles-ci s’imposent du fait que Mohamed Yassine Mansour a brillé par son absence lors de la visite, le 7 avril à Rabat, du directeur de la CIA, William Burns.
Ce qui est étonnant, par contre, c’est que le directeur général de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), Abdellatif Hammouchi, a reçu, à Rabat, William Burns qui était accompagné de certains de ses principaux collaborateurs et de l’ambassadeur des Etats-Unis au Maroc, Puneet Talwar.
Selon plusieurs sources, les entretiens bilatéraux ont porté sur l’évaluation de la situation sécuritaire et des risques qui y sont associés au niveau régional, et sur l’examen des menaces et défis sécuritaires découlant de la situation tendue dans certaines régions du monde, outre le suivi et l’anticipation des menaces émanant des organisations terroristes, notamment dans la région sahélo-saharienne.
Autrement dit, Abdellatif Hammouchi a échangé avec le directeur de la CIA sur des dossiers qui sont normalement du domaine réservé du service dirigé par Mohamed Yassine Mansouri. Depuis en effet, les rumeurs sont allées bon train.
Des médias marocains, reprenant des sources bien informées et proches du makhzen, ont présenté le directeur de la DGED comme «un homme fini» et tombé en disgrâce depuis plusieurs semaines auprès du roi Mohammed VI. Cette rupture, explique-t-on, aurait été provoquée par la révélation de l’enquête publiée en décembre 2022 par le célèbre journal allemand Der Spiegel mettant en lumière les contacts directs de Mansouri avec les trois principaux accusés dans le scandale du Marocgate, les eurodéputés Pier Antonio Panzeri, Francesco Giorgi et Eva Kaili, ancienne vice-présidente du Parlement européen.
Il faut savoir que les révélations du «Marocgate» et les soupçons pesant sur Mansouri ont un effet dévastateur sur la réputation du Maroc au niveau international. Il sera difficile au makhzen de rétablir la confiance avec ses partenaires internationaux, en particulier dans le domaine du renseignement. Le Maroc traîne la réputation d’un pays qui espionne ses alliés et qui corrompt massivement les élites politiques.
D’autres sources estiment par contre que «l’absence du patron de la DGED lors de la visite de Burns aurait également pu être exigée par la partie américaine», ce qui est encore plus grave. Cela voudrait dire que Mohamed Yassine Mansouri n’est plus perçu comme un élément fiable. Cette hypothèse, poursuit-on, soulève d’autres questions sur les relations entre le Maroc et les Etats-Unis, ainsi que sur l’influence des révélations du Marocgate sur la coopération entre les deux pays en matière de renseignement.
Quoi qu’il en soit et si elle se confirme, la mise à l’écart Mohamed Yassine Mansouri va certainement profiter à Abdellatif Hammouchi, qui est tristement célèbre pour avoir jeté en prison d’innombrables journalistes marocains sur la base de dossiers vides. Les deux responsables ont toujours été en compétition.
Les médias marocains craignent justement que «si cette rivalité se transforme en lutte de pouvoir au sein des services secrets, cela pourrait nuire à la cohésion et au bon fonctionnement de ces organisations, mettant ainsi en danger la sécurité du Maroc et de ses alliés». La crainte est d’autant plus grande que tout le monde sait au Maroc que les services de renseignement marocains sont actuellement traversés par de profondes «tensions internes».