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samedi 22 avril 2023

Des nouveaux drones chinois pourraient atteindre trois fois la vitesse du son

 

Selon des documents classifiés américains, la Chine pourrait très prochainement déployer une unité de drones d'espionnage capables de voler à très haute altitude et à des vitesses supérieures à Mach 3.

Le 1er octobre 2019, le Parti communiste célébrait en grande pompe le 70e anniversaire de la République populaire de Chine sur la célèbre place Tienanmen. Au programme ce jour-là, levée de drapeaux, hymne national et surtout parade militaire.

A cette occasion, la présentation du WZ-8, un drone de surveillance dit "supersonique", avait marqué les esprits. Pourtant, d'après de nombreux observateurs, l'aéronef n'était alors qu'un prototype non opérationnel, sans doute exhibé à des fins de propagande. Quatre ans plus tard, la donne semble avoir changé.

Difficilement détectable

Selon une évaluation de la National Geospatial Intelligence Agency (NGA), une agence de renseignement du Département de la défense des Etats-Unis, Pékin aurait "presque certainement" établi la première unité de ce type de drones sur une base aérienne de la province du Anhui, dans l'est du pays.

Les documents confidentiels, qui émanent d'une fuite sur le service de messagerie Discord et qui ont été révélés pour la première fois cette semaine par le Washington Post, jugent que cette nouvelle avancée technologique pourrait renforcer de manière considérable les capacités chinoises de renseignement.

Dans son rapport, la NGA simule des trajectoires de vol possibles pour ces drones, ainsi que pour l'avion bombardier utilisé comme une rampe de lancement. Ces calculs montrent que le drone WZ-8 pourrait facilement pénétrer l'espace aérien sud-coréen ou taïwanais, à une altitude supérieure à 100'000 pieds (30 kilomètres) et voler ensuite à plus de 3000 km/h, ce qui rendrait l'engin difficilement détectable par les radars.

Rendre des frappes plus précises

Sans préciser ouvertement la manière dont ce nouveau drone est propulsé dans les airs, la NGA note que le moteur de l'aéronef chinois présente des caractéristiques qui sont associées "au carburant de fusée".

Outre sa vitesse, le drone disposerait de caméras, de capteurs électro-optiques et d'un radar à synthèse d'ouverture, lui permettant possiblement de cartographier l'île principale de Taïwan, la Corée du Sud, y compris sa capitale Séoul, même en cas de brouillard ou dans la nuit.

Plus inquiétant pour Washington, l'aéronef pourrait, dans le cadre d'un conflit, localiser en temps réel des cibles sur des bases militaires américaines de la région ou encore des navires de guerre, transmettre ces informations avant d'ordonner des frappes de missiles.

Interrogé par les journalistes du Washington Post, Chi Li-pin, directeur de la division de recherche sur les systèmes aéronautiques à l'Institut national taïwanais des sciences et technologies, juge que ce drone, bien que n'étant pas conçu pour l'instant pour effectuer lui-même des frappes, pourrait, avec quelques modifications, acquérir cette capacité. L'expert confirme par ailleurs que la détection et l'interception du drone s'avérerait difficile, les armes américaines n'étant "pas assez bonnes".

Regain de tensions autour de Taïwan

La fuite de données concernant ces drones hypersoniques arrive au moment où Pékin multiplie les signes d'impatience concernant l'île de facto autonome de Taïwan. La Chine voit notamment avec mécontentement le rapprochement ces dernières années entre les autorités de l'île et les Etats-Unis qui, malgré l'absence de relations diplomatiques officielles, fournissent à Taïwan un soutien militaire substantiel.

Plusieurs exercices militaires ont été entrepris autour de l'île au cours des derniers mois, dont le dernier en date il y a deux semaines a consisté en une simulation de l'encerclement de Taïwan.

De leur côté, les Etats-Unis ont à plusieurs reprises effectué des opérations avec des destroyers dans des eaux internationales revendiquées par la Chine.

Ce regain de tensions a fait dire au mois de février dernier à William J.Burns, le directeur de la CIA, que Xi Jinping "souhaite que l'armée chinoise soit capable de s'emparer de Taïwan d'ici 2027", ajoutant toutefois que cela ne signifiait pas qu'un tel ordre serait donné à cette date.

Les documents classifiés divulgués concernant ces nouveaux drones confirment surtout la montée en gamme de la Chine en termes de technologies militaires. Au cours des dernières années, les budgets alloués à l'armée n'ont cessé d'augmenter, même s'ils restent encore bien inférieurs à ceux des Etats-Unis.

Selon plusieurs spécialistes, l'idée serait de rendre trop coûteuse une intervention américaine dans le cadre d'une guerre conventionnelle (sans l'utilisation d'armes nucléaires ou biologiques, ndlr) dans le détroit de Taïwan.

Les drones américains supersoniques

Dans les années 60, les Etats-Unis ont aussi tenté de développer un drone supersonique pouvant atteindre la vitesse de Mach 3, le D-21B Lockerhead.

Lancé depuis le dos d'un avion porteur, le drone déployait son propre moteur-fusée pour atteindre ces vitesses supérieures à 3000 km/h. Après avoir effectué sa mission de reconnaissance, le drone larguait sa cassette d'images, puis s'auto-détruisait avant de s'écraser dans l'océan.

Conçu pour effectuer des missions de reconnaissance dans des zones à haut risque, notamment en Union soviétique et en Chine, le programme a finalement été annulé en raisons de problèmes techniques et de coûts jugés trop élevés. L'arrivée de nouveaux satellites de reconnaissance a également rendu pour un temps obsolète cette technologie.

Un prototype pouvant atteindre Mach 7

Les drones ont regagné en importance, car ils peuvent notamment être déployés plus rapidement et de manière plus flexible que des satellites ou encore fournir des images de surveillance plus détaillées. Les Etats-Unis ont donc recommencé à vouloir développer des engins supersoniques.

Le fabricant Lockheed Martin, connu pour ses avions F-35, ambitionne même de construire un drone "hypersonique" capable de dépasser les 7000 km/h.

Plusieurs problèmes techniques doivent toutefois être surmontés. Selon les estimations les plus optimistes, l'engin devrait être capable de voler d'ici 2025.

Tristan Hertig

rts.ch