L’attaque de Bandiagara dans la nuit du 25 au 26 février signée par le Groupe de Soutien à Islam et aux Musulmans (JNIM) d’Iyad Ag Ghali est un avertissement à tous ceux qui au sein du gouvernement de transition refuseraient de dialoguer avec les groupes armés.
Les djihadistes sont arrivés en moto en début de soirée, selon des sources militaires, ils étaient nombreux, suréquipés et ont assailli simultanément deux postes de gendarmerie, dont un était tenu par l’armée, situés à environ 800 mètres de distance l’un de l’autre. L’affrontement a duré un peu plus de deux heures, sans qu’aucun renfort n’arrive. Mieux, alors que Bandiagara se situe sur une route goudronnée à 75 km de Mopti où se trouve une garnison de l’armée malienne, il a fallu attendre le lendemain matin pour que des militaires débarquent sur les lieux.
Le bilan officiel de l’attaque qui a eu lieu à Bandiagara dans le centre du Mali fait état de neuf militaires morts, il pourrait encore s’alourdir puisqu’on dénombre neuf blessés, dont certains très graves.
C’est un nouveau coup très dur pour l’armée malienne et pour le gouvernement de transition. Cet assaut a eu lieu au moment où le colonel Ismaël Wagué, ministre de la Réconciliation, était en tournée dans la région.
Effet de surprise
D’une manière assez surprenante, le Groupe de Soutien à Islam et aux Musulmans (JNIM), l’organisation dirigée par Iyad Ag Ghali, a revendiqué ces événements une journée après les faits. Traditionnellement leurs revendications sont plus tardives. Dans deux vidéos, l’une en bambara et l’autre en peule, le mouvement djihadiste déclare que Dieu les a aidés à être victorieux et montre ses prises de guerre : trois pick-up surmontés de mitrailleuses 14,5, quelques fusils d’assaut et des munitions. Dans leur bilan, les djihadistes mentionnent seulement cinq morts, il se pourrait que des blessés soient décédés après l’attaque.
Selon des notables de Bandiagara, si le bilan est aussi lourd, c’est à cause de l’effet de surprise. Jusqu’à présent cette municipalité avait toujours été épargnée par des attaques de cette envergure. Pour parvenir à Bandiagara par l’autre versant en provenance de Bankass ou de Douentza, il faut traverser une zone de montagnes et plusieurs villages dogons, par conséquent les assaillants à moto se voient arriver de loin. Sauf que d’une part, les populations n’informent plus les autorités par peur des représailles, ils ont été dûment prévenus par les djihadistes ; d’autre part, ils n’ont plus qu’une confiance très limitée dans leur armée. C’est la raison pour laquelle le JNIM a pu oser lancer cet assaut à cet endroit-là.
Par ailleurs, il n’est pas inintéressant de rappeler que jusqu’à la fin de l’année dernière, la Minusma, dont une partie de son mandat consiste à « maintenir la paix dans le Centre », était présente sur les lieux, mais, pour d’obscures raisons qui appartiennent à l’administration onusienne, elle a décampé sans autre forme de procès.
Le ministre de la Réconciliation dans l’impasse…
Cette attaque ne survient pas par hasard, elle est perpétrée au moment où le ministre de la Réconciliation, qui fut le porte-parole de la junte après le coup d’Etat, était en tournée dans le Centre dans le cadre du processus de paix. Le samedi 20 février, Ismaël Wagué avait organisé à Niono, une grande rencontre entre diverses notabilités pour prôner la réconciliation.
Si ces manifestations assurent la communication du ministre, elles n’ont que très peu d’effets, voire pas d’effet du tout, puisque les vrais belligérants, n’y participent pas. Pour preuve, Farabougou est toujours coupé du monde depuis le 6 octobre dernier, aucun dialogue n’ayant abouti. Un des acteurs des négociations dans cette ville a déclaré à Mondafrique « J’ai refusé d’aller à Niono, ça ne sert à rien, tant que tu ne rencontres pas les hommes en armes, tu n’obtiens rien. »
En prime, Ismaël Wagué est très critiqué pour avoir choisi comme collaborateurs, deux personnages plus que sulfureux qui sont contestés par les deux milices auxquelles ils ont appartenu. Il s’agit de Marcelin Guenguéré ancien porte-parole des Dan Na Ambassagou, organisation de chasseurs traditionnels, et de Yéro Bolly ancien chef d’un groupe d’autodéfense peul.
Ismaël Wagué: « on ne doit pas négocier avec les terroristes. »
Par conséquent, le ministre de la Réconciliation a réussi la prouesse de se mettre deux camps à dos, ce qui a d’ailleurs occasionné quelques troubles pendant son voyage. Son convoi aurait été bloqué à un check-point su l’axe Bandiagara-Sévaré par des Dozos de Dan Na Ambassagou. Le cabinet du ministre dément formellement mais la presse malienne qui s’est en fait largement écho maintient ses informations.
Et comme si cela ne suffisait pas, Ismaël Wagué, a déclaré lors d’un entretien avec le journal malien, Nouvel Horizon, du 26 février « on ne doit pas négocier avec les terroristes. »
Le ministre prend ainsi le contre-pied de son Premier ministre, Moktar Ouane, qui moins d’une semaine plus tôt a prôné le dialogue avec les groupes radicaux. Certes, l’attaque de Bandiagara est survenue avant la déclaration explosive du ministre de la Réconciliation, mais par cette action le JNIM rappelle sa volonté de peser sur la politique intérieure malienne et sa capacité de nuisance.