Quand l’épidémie de covid-19 a commencé à se répandre, les dirigeants de l’État islamique [EI ou Daesh] y ont d’abord vu un « punition divine de l’arrogance et de l’impiété ». Mais comme le coronavirus ne s’attaque pas aux individus en fonction de leurs croyances, ils ont bien été forcés de revoir leur jugement.
Cela étant, d’après le dernier rapport de l’équipe analytique de surveillance et de suivi des sanctions prises par les Nations unis à l’égard de la mouvance jihadiste, Daesh a ensuite envisagé une « militarisation » du virus, qui aurait consisté à envoyer des militants infectés pour contaminer ses « adversaires ». Mais cela n’a, a priori, pas été suivi d’effet.
Reste que les mesures sanitaires [restrictions dans les déplacements, confinements, couvre-feu, etc] ont compliqué les opérations de Daesh, ses membres ne pouvant « pas facilement se déplacer, se réunir, lever des fonds ou opérer dans des zones de non-conflit », ce qui s’est traduit, note le rapport, par des « difficultés encore plus grandes en matière de planification par le groupe d’attaques à fort impact. » Ce qui n’a toutefois pas empêché des attaques isolées, comme l’ont malheureusement montré l’assassinat de Samuel Paty, l’attaque devant les anciens locaux de Charlie Hebdo ainsi que celles commises à Nice et à Vienne [Autriche].
Aussi, et « tandis qu’un nombre record de personnes soumises à des restrictions de mouvement ont passé plus de temps en ligne », l’équipe de suivi estime que Daesh en a profité pour diffuser sa propagande.
« Pendant cette période, des menaces peuvent s’accumuler sans être décelées et se manifester en temps voulu », affirme le rapport. Et, selon lui, les États membres « estiment que Daesh prévoit de mettre fin à sa marginalisation dans les médias et compte, au fur et à mesure que les restrictions s’assoupliront en divers lieux, mener une série d’attaques qu’il aura planifiées », que ce sont dans les zones de conflit ou dans celles de non-conflit.
Ces dernières pourraient même être davantage exposées à la menace, la pression économique et politique de la pandémie portant à croire que la menace va « également croître à plus long terme », est-il expliqué dans le document.
Toujours selon ce rapport, la « direction générale des provinces » de Daesh est « essentielle pour revitaliser les capacités du groupe à mener des opérations extérieures. »
« Mieux les provinces éloignées sont établies, et plus les zones de conflit dans lesquelles bon nombre de combattants sont insérés deviennent instables, plus la menace extérieure éventuelle acquiert de
l’importance. Il existe des synergies entre les zones de conflit et les zones de non-conflit, de sorte que si l’on ne s’occupe pas des premières, la sécurité à long terme dans les secondes diminuera », explique l’équipe de suivi des Nations unies, pour qui la « menace dirigée et activée par Daesh s’accentuera en toute probabilité si elle n’est pas écartée au moyen d’une pression antiterroriste constante. »
En attendant, la menace principale vient des individus isolés et auto-radicalisés, d’autant plus qu’il est compliqué de les surveiller et d’enquêter à leur sujet.
Des États membres, relate le rapport, ont « noté qu’un individu pouvait se joindre à des réseaux de migrants clandestins et commettre une attaque en Europe en un laps de temps très court, mettant à profit les mouvements d’Afrique du Nord, l’échec de la gestion des migrants clandestins débarquant dans des ports d’Europe, et l’absence de refoulement de ces derniers vers les ports d’origine. » En outre, poursuit-il, le « rôle des diasporas est également fondamental, du fait qu’elles peuvent accueillir les nouveaux venus et assurer la liaison avec des éléments extrémistes dans le pays d’origine. »
Enfin, au regard des dernières attaques commises en France, en Allemagne et en Autriche, des tendances « inquiétantes » ont été décelées par « des États membres européens. »
Et le rapport de citer le « mécontentement d’individus qui sont souvent isolés, même s’ils font partie d’un milieu radical, la « mondialisation des motivations et des références à des chefs mondiaux, qui sont éloignés des doléances locales », « l’absence de compétences techniques avancées parmi les assaillants », la « spontanéité et l’absence de préparation » ainsi que la « brutalité, notamment de jeunes assaillants qui n’ont pas l’expérience d’une violence extrême et agissent avec une grande cruauté, sans manifester d’émotion. »
En outre, il est fait également état d’un autre problème auquel sont confrontés les services anti-terroristes : celui de l’évolution rapide, de la complexité et du nombre d’outils numériques dont disposent les groupes terroristes, notamment via le Dark Web et les messageries chiffrées.
« Pour établir une distinction entre des attaques commanditées, facilités ou encouragées par Daesh, il faut mener des enquêtes plus longues que par le passé », relève l’équipe de suivi. Et l’on s’aperçoit ainsi que beaucoup d’attaques a priori commises par des individus isolés avaient en réalité été « facilitées par d’autres individus ou réseaux terroristes au moyen de la fourniture d’armes, de voitures ou de fausses pièces d’identité, entre autres », conclut-elle.