La semaine passée, alors que le président Biden venait d’annoncer le fin du soutien, que les forces américaines assuraient en matière de ravitaillement en vol et de renseignement, à la coalition arabe engagée au Yémen, sous la direction de l’Arabie Saoudite, un rapport de l’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions prises par l’ONU à l’égard d’al-Qaïda et de l’État islamique [EI ou Daesh] a fait état de la capture, en octobre 2020, de Khalid Batarfi [alias Abou Miqdad el-Kindi], le chef d’al-Qaïda dans la péninsule arabique [AQPA].
Plus généralement, le rapport a notamment souligné qu’al-Qaïda venait de traverser une période difficile, avec une « forte attrition de sa haute hiérarchie, subissant des pertes multiples en Afghanistan, au Mali, en Somalie, au Yémen et dans la province d’Idleb » en Syrie.
Cela étant, si des informations sur le sort de certains de ces cadres d’al-Qaïda ont pu être officiellement confirmées, comme celle relative à la mort d’Abdelmalek Droukdel, le chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI], tué lors d’une opération des forces spéciales françaises, d’autres relèvent de la rumeur.
Ainsi, le rapport s’est fait l’écho d’informations non confirmées concernant Ayman al-Zawahiri, le chef d’al-Qaïda. En novembre, selon une rumeur insistante, relayée par quelques spécialistes de la mouvance jihadiste [dont Daniel Byman et Hassan Hassan], le successeur d’Oussama ben Laden aurait succombé à une grave maladie.
« D’après certains rapports, Zawahiri serait décédé en octobre, bien qu’aucun État Membre n’ait pu le confirmer à l’Équipe de surveillance », lit-on en effet dans le document de l’ONU. Et ce dernier d’estimer que « Mohammed Salahaldin Abd El Halim Zidan [qui s’écrit aussi Zaidan], encore dénommé Saïf al-Adel, dont on avait estimé qu’il était le troisième dirigeant d’al-Qaïda par ordre d’importance, jouit probablement d’une stature plus grande à présent. »
Et cela d’autant plus que le numéro deux d’al-Qaïda, Abou Mohammed al-Masri, a été tué en Iran lors, a priori, d’une opération commanditée par Washington et exécutée par des agents israéliens le 7 août 2020, soit le jour anniversaire des attentats contre les ambassades américaines de Nairobi et Dar es Salam. Sa mort a été confirmée par un État membre, assure l’équipe analytique de suivi et de surveillance.
Souvent, les organisations jihadistes mettent plus ou moins de temps à admettre la disparition de leurs dirigeants. Pour celle de Droukdel, AQMI a ainsi mis deux semaines avant de la reconnaître… Mais la mort du mollah Omar fut annoncée deux après qu’elle ait eu lieu.
En revanche, AQPA aura mis à peine une semaine pour démentir la capture de son chef.
« Khalid Batarfi […] a été arrêté en octobre au cours d’une opération à Gheïda [province de Mahra], qui a également entraîné le décès du commandant en second, Saad Atef el-Aoulaqi », a assuré l’équipe analytique de suivi et de surveillance, qui a également fait état de la mort de Khadr el-Walidi, l’un des cadres de l’organisation, laquelle a été « mise en déroute à al-Baydah. »
Or, selon SITE Intelligence Group, un organisme américain spécialisé dans le suivi des activités jihadistes sur Internet, Batarfi apparaîtrait dans une vidéo qui, publiée le 10 février, est très récente puisque le chef d’AQPA fait référence aux événements ayant eu lieu au Capitole, le 6 janvier dernier, en les qualifiant de « pointe de l’iceberg de ce qui les attend [les États-Unis], si Dieu le veut. »
Âgé d’une quarantaine d’années, Batarfi a pris les rênes d’AQPA en janvier 2020, après la mort de Qassem al-Rimi, tué par une frappe américaine au Yémen. À partir de 2017, les États-Unis ont accentué leur pression sur cette organisation jihadiste, qui passait alors pour être l’une des branches d’al-Qaïda les plus dangereuses, avec plusieurs attaques revendiqées tant aux États-Unis qu’en Europe [et notamment celle contre Charlie Hebdo, en janvier 2015].
En effet, le début du mandat de M. Trump à la Maison Blanche avait été marqué par une opération – au résultat controversé – des forces spéciales contre Abdulrauf al-Zahab, le responsable d’AQPA pour al-Baydah. Un commando y avait laissé la vie.
Par la suite, les frappes de drones et les opérations spéciales américaines s’intensifièrent au Yémen, des commandos ayant même été déployés auprès des forces émiraties et yéménites pour les aider chasser AQPA de la province stratégique de Chabwa.
Et l’arrêt du soutien américain à la coalition sous commandement saoudien ne remettra pas en cause les actions contre AQPA. C’est en effet ce qu’a assuré Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de M. Biden, lors d’une conférence de presse donnée le 4 février. « Il ne s’étend donc pas aux actions contre AQPA, qui sont des actions que nous entreprenons au service de la protection de la patrie et de la protection des intérêts américains dans la région et de nos alliés et partenaires », a-t-il dit.