Iyad ag Ghali, chef du RVIM, émanation d'Al Qaeda au Maghreb Islamique, et 4 de ses lieutenants. AQMI est l'un des deux mouvements jihadistes au Sahel, avec la branche locale de Daesh, l'EIGS, Etat Islamique au Grand Sahara. (MINISTÈRE DES ARMÉES / DGSE)
Carte du ministère des Armées sur la présence terroriste au Sahel. La photo en haut à gauche est, selon la DGSE, une exécution commise par le second du chef d'AQMI, Adnane Abou Walid al Sahraoui. (MINISTÈRE DES ARMÉES / DGSE)
À la tête de la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE], Bernard Émié n’intervient que très rarement publiquement. Aussi, les propos qu’il a tenus le 1er février, sur la base aérienne d’Orléans-Bricy, où venait de se tenir un comité exécutif dédié au contre-terrorisme et présidé par Florence Parly, la ministre des Armées, étaient attendus. D’autant plus que son intervention était diffusée via les réseaux sociaux.
Mais le chef du renseignement extérieur français n’a rien dit de particulier que l’on ne sache déjà sur les opérations notamment menées au Sahel contre les deux organisations jihadistes qui y sévissent, à savoir l’État islamique au grand Sahara [EIGS] et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM/JNIM], qu’il a assimilé à al-Qaïda.
Ainsi en est-il, par exemple, du projet des jihadistes d’étendre leur influence vers le golfe de Guinée… Projet qui n’est pas récent étant donné que dans une vidéo diffusée en novembre 2018, les principaux cadres du JNIM avaient appelé les Peuls à la guerre sainte dans plusieurs pays de cette région, dont Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Nigéria, le Cameroun et le Bénin.
Pourtant, lors de son intervention, M. Émié a expliqué que ce projet d’étendre le « jihad » vers le golfe de Guinée, et en particulier à la Côte d’Ivoire et au Bénin, avait été conçu lors d’une réunion entre Abdelmalek Droukdel, alors chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI], Iyad Ag Ghaly, celui du JNIM et Amadou Koufa, « l’émir » de la katiba Macina. Pour appuyer son propos, le DGSE a produit une vidéo de cette rencontre, qui aurait eu lieu en février 2020… tout en insistant sur le moyen par lequel elle est parvenue à ses services.
« Grâce à l’une de nos sources humaines, nous avons obtenu la vidéo que vous allez voir [elle a été montrée aux journalistes présents à Orléans mais pas sur les réseaux sociaux, ndlr]. Elle a été filmée par un individu évoluant au plus près des chefs terroristes. Obtenir des renseignements de cette nature est le coeur de métier de la DGSE », a dit M. Émié.
Pourquoi faire une telle révélation? Était-ce pour faire comprendre aux chefs jihadistes qu’un « espion » se cache parmi leur entourage? Et, à partir de là, insuffler le soupçon?
En tout cas, M. Émié a fait passer un autre message : celui que pas un des gestes de ces chefs jihadistes n’échappe à la DGSE. « Avec nos partenaires, et notamment nos partenaires africains […], nous travaillons à identifier les chefs d’al-Qaïda. Nous transmettons ensuite à nos armées des renseignements très précis sur leur manière de vivre, leur localisation, les puits qu’ils utilisent, les oueds et les adrars qu’ils parcourent et les villages qu’ils fréquentent », a-t-il assuré.
Et d’ajouter : « Et lorsque nous apprenons qu’un responsable s’y trouve au volant de son pick-up, nos armées prennent la main. Cela a permis des opérations décisives. En novembre 2020, c’est par exemple de cette manière que nous avons neutralisé le terroriste Ba Ag Moussa, le coordonateur des opérations militaire d’al-Qaïda au Sahel. »
Qu’en a-t-il été pour Abdelmalek Droukdel, qui a connu un sort identique quelques mois plus tôt? L’origine des informations ayant permis son élimination par les forces spéciales françaises n’avait jusqu’alors jamais été précisée officiellement.
L’opération a été conduite « à partir de croisements de renseignements français et américains – Washington dispose d’importants moyens de surveillance aérienne au Sahel », avait toutefois confié une « source » au quotidien « Le Monde ».
Or, selon M. Émié, ce « redoutable chef terroriste a été neutralisé le 3 juin 2020 lors d’une opération française, menée sur renseignements de la DGSE, dans la région de Talhandak , au plus près de la frontière entre le Mali et l’Algérie. »
Quoi qu’il en soit, le chef de la DGSE a enfoncé le clou en montrant une photographie des cinq membres fondateurs du JNIM. Et de souligner que, à ce jour, il n’en reste plus que deux en vie, dont Iyad Ag Ghaly et Amadou Koufa [qui avait été donné pour mort… avant de réapparaître].