Le 23 janvier, un groupe aéronaval américain, formé autour du porte-avions USS Theodore Roosevelt [Carrier Strike Group 9], entrait en mer de Chine méridionale, au sud de Taïwan, pour y mener des « opérations de routine » et défendre la liberté de navigation.
Or, au même moment, une formation aérienne chinoise, comprenant 8 bombardiers H6-K, 4 chasseurs J-16 et un avion de patrouille maritime Y-8, furent repérés dans la zone d’identification de défense aérienne [ADIZ] de Taïwan. Et le même scénario se répéta le lendemain, avec 15 appareils, dont 3 Y-8 [dont 2 ayant des capacités anti-sous-marines] et 12 chasseurs, dont 2 Su-30, 4 J-16 et 6 J-10.
À ce moment-là, on pouvait penser qu’il s’agissait d’une coïncidence, dans la mesure où les exercices comme ceux auxquels participèrent ces avions militaires chinois, sont planifiés à l’avance. Cela étant, le quotidien « Global Times », qui l’une des voix du Parti communiste chinois [PCC], rappela opportunément que, avec 8 bombardiers H-6K, il était possible de lancer une attaque par « saturation » avec 48 missiles anti-navires.
Conçu à partir du bombardier soviétique Tu-16, le H-6K dispose effectivement d’une capacité de frappe maritime à longue distance étant donné qu’il peut emporter jusqu’à 6 missiles de croisière ant-navires YJ-12 et 6 ou 7 missiles YJ-100 d’une portée pouvant atteindre les 500 km. Quant au J-16, il a également la capacité de mettre en oeuvre des YJ-12.
Cela étant, la présence de ces huit bombardiers H-6K au moment de l’arrivée du groupe aéronaval américain près de Taïwan n’avait a priori rien d’une coïncidence. C’est, en tout cas, ce qu’affirme le Financial Times, sur la foi des communications par radio entre les pilotes chinois, interceptées par le renseignement taïwanais.
Ainsi, la mission des H-6K aurait consisté à simuler une attaque contre l’USS Theodore Roosevelt. Les pilotes des bombardiers chinois ont ainsi été entendus confirmer le ciblage du navire américain et les ordres de tirs simulés. Évidemment, on peut supposer que de telles conversations aient été rendues sciemment audibles, afin de donner plus poids au message que l’Armée populaire de libération [APL] voulait adresser à l’US Navy.
La version des bombardiers sollicités pour cette simulation présumée a son importance. En effet, la variante H-6N, récemment entrée en service, a la capacité d’emporter Dongfeng-21D, un missile balistique anti-navire aéroporté, surnommé le « tueur de porte-avions ».
Depuis, l’arrivée du groupe aéronaval américain en mer de Chine mériodionale, il ne se passe pas un jour sans que le ministère taïwanais de la Défense ne signale des incursions d’avions de renseignement chinois dans l’ADIZ de Taïwan, considérée par Pékin comme étant une « province rebelle ». Ces appareils sont parfois escortés par des J-10.
Le porte-parole le USINDOPACOM, le commandement américain pour la région Indo-Pacifique, le capitaine de vaisseau Mike Kafka, a assuré, auprès de Business Insider, que le « groupe aéronaval de l’USS Theodore Roosevelt surveillait de près toutes les activités de l’Armée populaire de libération et que, à aucun moment, elles n’ont menacé les navires, les aéronefs et les marins de l’US Navy », relativisant ainsi cette simulation chinoise, qu’il a confirmée.
« Les activités de l’APL mises en évidence ici sont les dernières d’une série d’actions agressives et déstabilisantes », qui « reflètent une tentative continue de l’APL d’utiliser ses forces comme un outil pour intimider ou contraindre ceux qui opèrent dans les eaux et les espaces aériens internationaux ainsi que ceux qui ont des revendications territoriales concurrentes », a ajouté l’officier américain.
Quoi qu’il en soit, le 28 janvier, le porte-parole du ministère chinois de la Défense a de nouveau fait valoir que « les activités militaires menées par l’Armée populaire de libération chinoise dans le détroit de Taïwan sont nécessaires pour faire face à la situation actuelle […] et pour sauvegarder la souveraineté et la sécurité nationales. » Et d’ajouter : « Il s’agit d’une réponse solennelle aux ingérences extérieures et aux provocations des forces favorables à ‘l’indépendance de Taiwan’ […] Ceux qui jouent avec le feu se brûleront et ‘l’indépendance de Taïwan’ signifie la guerre. »
Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a répondu à son homologue chinois en qualifiant ses propos de « malheureux ». Ils « ne sont certainement pas à la hauteur de notre intention de respecter nos obligation au titre de la loi sur les relations avec Taïwan et de continuer, comme l’a dit le secrétaire d’État [Antony] Blinken, à chercher des moyens de coopérer avec la Chine », a-t-il poursuivi, en faisant référence au Taiwan Relations Act, été adopté en 1979. « Mais nous avons des obligations que nous avons l’intention de respecter », a-t-il continué.
Aussi, a-t-il ajouté, le Pentagone « ne voit aucune raison pour laquelle les tensions sur Taïwan conduiraient à une confrontation ». Les forces américaiens « restent prêtes à tous égards à respecter nos engagements en matière de sécurité dans la région », a conclu M. Kirby.