Lors des échanges qu’il a eus avec les chefs d’état-major des trois armées [et de la gendarmerie] à l’issue de la cérémonie organisée à l’Arc de Triomphe pour le 102e anniversaire de l’armistice du 11 novembre, le président Macron a évoqué une action qui venait d’être menée au Mali, en abordant succinctement le mode opératoire qui avait été suivi. Dans le même temps, deux photographies montrant un pick-up de type Hilux présumé détruit par une frappe aérienne dans la région de Tatamakat [nord du Mali] ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux.
Il aura fallu attendre près de 48 heures pour en savoir plus. En effet, la ministre des Armées, Florence Parly, a publié un communiqué pour annoncer que les forces françaises avaient neutralisé un certain Bag ag Moussa, présenté comme étant le chef militaire du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM ou JNIM, pour Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin], l’une des deux principales organisations jhadistes actives au Sahel.
« Cadre historique de la mouvance jihadiste au Sahel, Bah ag Moussa est considéré comme responsable de plusieurs attaques contre les forces maliennes et internationales. Il était considéré comme l’un des principaux chefs militaires djihadistes au Mali, notamment chargé de la formation des nouvelles recrues », a précisé Mme Parly.
L’opération française a été lancée le 10 novembre, en fin d’après-midi, quand le véhicule où avait pris place Bag ag Moussa a été repéré par un drone dans le secteur de Tatamakat, localité située à une centaine de kilomètres au nord de Menaka. Deux hélicoptères d’attaque et de reconnaissance et deux autres de manoeuvre, avec une quinzaine de commandos à leur bord, ont alors décollé pour intercepter le pick-up, l’intention initiale de Barkhane, précise l’État-major des armées [EMA], étant alors de capturer ses occupants.
Seulement, après un tir de sommation et un autre d’arrêt, les cinq jihadistes qui se trouvaient à bord du pick up ont ouvert le feu avec une mitrailleuse et leurs armes individuelles sur les hélicoptères français. Ce qui a contraint ces derniers à riposter. Les commandos ayant été mis au sol, un combat d’une petite quinzaine de minutes s’est alors engagé. Il a pris fin quand les terroristes ont tous été « neutralisés » [comprendre : tués].
Par la suite, les militaires français ont récupéré le matériel « exploitable » à des fins de renseignement et détruit sur place ce qui ne présentait pas d’intérêt particulier. Quant aux corps des jihadistes, assure l’EMA, ils ont été enterrés conformément au droit humanitaire international.
L’élimination de Bag ag Moussa n’est pas la conséquence d’une opération d’opportunité mais d’une traque de longue haleine, avec la mobilisation de moyens de renseignement sur lesquels l’EMA n’a pas souhaité faire de commentaires [il est probable que des moyens américains aient été sollicités, de même que des drones….].
Pour le GSIM, l’élimination de son chef des opérations est évidemment un coup dur. Ancien officier des Forces armées maliennes [FAMa] et membre fondateur d’Ansar Dine, le groupe jihadiste dirigé par Iyad Ag Ghali avant la création du GSIM, Bag ag Moussa était inscrit sur la liste du comité des sanctions des Nations unies depuis août 2019.
En 2013, quand les groupes jihadistes avaient été contraint d’abandonner leurs positions dans le nord du Mali par l’opération française Serval, il avait rejoint le Haut-Conseil pour l’unité de l’Azawad [HCUA], accusé de jouer un double-jeu. Par la suite, ayant recruté des combattants touareg pour le compte d’Ansar Dine, il a conduit une attaque meurtrière contre la caserne de Nampala [20 tués, en juillet 2016], avant de prendre la direction des opérations du GSIM. Depuis, son nom a été associé à plusieurs assauts particulièrement meurtriers lancés contre les FAMa.
Après l’élimination d’Abdelmalek Droukdel, alors chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique [AQMI] en juin dernier, et celle de Bag ag Moussa, Barkhane montre que son action ne se focalise pas seulement sur la région des trois frontières et l’État islamique au Grand Sahara.
« Indistinctement, qu’il s’agisse de Daesh ou al-Qaïda, la France frappe ceux qui, au nom de leur idéologie mortifère, s’en prennent aux populations civiles et souhaitent déstabiliser les Etats de la région », a ainsi souligné Mme Parly, dans son communiqué.