Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

dimanche 20 septembre 2020

L'accident du Koursk (K-141) : l'intérêt commun de la désinformation



Dans l'ensemble des catastrophes mondiales liées à l'activité humaine, le nucléaire demeure le plus dangereux, d'autant plus quand on sait par indiscrétion que les Etats-Unis et la Russie se servent toujours de cette arme de dissuasion pour intimider leurs adversaires comme au bon vieux temps de la Guerre froide, la France et l'Angleterre étant tout autant de mèche. 

A l'heure du nucléaire et des plongées en eaux profondes, tout se passe sous les eaux et loin du regard du public, raison pour laquelle monsieur Tout-le-monde en est généralement très peu informé. Mais le risque nucléaire est bien latent comme un renard aux aguets attend sa proie.

Le 12 août 2000, le sous-marin K-141, le fleuron de la flotte nucléaire russe et le plus puissant sous-marin du monde, coula par 115 mètres de fond dans les eaux glacées de l'océan Arctique suite à l'explosion de sa proue, tuant ses 118 hommes d'équipage. En fait, tous les sismographes de la région jusqu'à 450 km de distance ont enregistré deux explosions à l'endroit présumé du Koursk.

C'est à ce jour la plus grande catastrophe navale militaire en temps de paix. Rappelons les principaux événements car ils sont révélateurs du manque de transparence de beaucoup d'Etats, totalitaires mais également démocratiques.

Le Koursk, alias K-141, le fer de lance de la flotte russe des années 1990 dans les eaux de Mourmansk. C'était un sous-marin à propulsion nucléaire et électrique de classe OTAN Oscar II capable d'atteindre 52 km/h. Il mesurait 155m de longueur, 18.2m d'envergure pour 18000 tonnes de tirant d'eau. Il était armé de 24 missiles à capacité nucléaire. Au moment de l'accident du 12 août 2000 il y avait 118 hommes à bord. 4 sont morts sous l'explosion, les autres sont morts asphyxiés ou noyés dans les quelques jours qui suivirent le drame. 

Les circonstances de l'accident

Le Koursk était en manœuvre dans les eaux Arctique au moment de l'accident. Selon certaines versions, pour une raison inconnue, il avait interrompu ses transmissions radios depuis deux jours. Mais selon une autre version, elles n'auraient jamais été interrompues et certainement pas à partir du jour de l'avarie ou de l'accident, ce qui fut confirmé par la suite puisque les autorités ont gardé le contact avec l'équipage durant deux jours. Rapidement la télévision russe publia un premier communiqué signifiant que le Koursk s'était posé au fond de la mer, que les dégâts étaient mineurs et que le sous-marin ne portait pas d'ogives nucléaires. Mais les experts de la marine russe comme d'ailleurs, n'ont jamais accepté cette version des faits.

Un sous-marin de cette classe n'allait pas se poser dans de telles circonstances et portait nécessairement des ogives nucléaires au cours de ses missions, même si les têtes n'étaient pas armées. Un sous-marin stratégique doit pouvoir intervenir n'importe quand; c'est une arme de dissuasion et on l'utilise comme tel. C'était d'autant moins vraisemblable qu'en cas d'avarie, Gennady Lyachin, commandant du Koursk, aurait ordonné de remplir les ballasts d'air pour remonter d'urgence en surface et aurait lancé la balise de détresse installée sur le pont avant. De plus, à 115 m de profondeur, avec ses 155 m de longueur, il suffisait au Koursk de se mettre en position arrière verticale pour que l'écoutille de sauvetage arrière émerge à plusieurs mètres au-dessus de la mer pour sauver les 118 marins.

Or le commandant de bord n'a pas jugé bon de déclencher ces procédures d'urgence. Pourquoi ? Sans doute parce que la situation, la mission comme le temps disponible, ne l'exigeaient pas ou qu’il ne pouvait plus le faire. En d'autre terme, dans l'immédiat l'impératif était ailleurs. En fait, la seule raison logique pouvant expliquer la réaction du Cdt Lyachin était que le Koursk venait de subir une attaque. Dans ce cas, le commandant de bord ne lance pas de signal de détresse, il ne pense pas à sauver son équipage, mais plutôt à riposter ou à se cacher, éventuellement à fuir l'ennemi.

Connaissant ces stratégies élémentaires, certaines autorités de la marine russe évoquèrent immédiatement une collision avec un sous-marin américain suivit par le lancement d'une torpille par un autre sous-marin venu en support, torpille qui explosa à l'intérieur du nez névralgique du Koursk. Les sous-marins américains se seraient ensuite enfuis incognito. Mais l'un des deux, endommagé, aurait été repéré.

En effet, en survolant la zone et les environs de la catastrophe, les Russes découvrirent des traces d'huile à la surface de l'eau et récupérèrent en mer une bouée blanche et verte qui aurait été perdue par le sous-marin américain SSN 691 Memphis, de la classe Los Angeles. Des  journalistes occidentaux publièrent ensuite des photographies montrant que le sous-marin américain Memphis, légèrement endommagé, était à quai dans le port norvégien de Bergen, sept jours plus tard. Un petit calcul montre que s'il avait été sur le lieu de la collision et avait été en bon état, il aurait parcouru la distance en deux jours. Un abri en toile avait été placé sur la zone du pont abritant sa balise de détresse et sa bouée. Il mit ensuite le cap vers les Etats-Unis et on n'entendit plus jamais parlé de lui.

SSN 691 Memphis

SSN 691 Memphis Bergen
Tout en bas à gauche

SSN 691 Memphis Bergen
Bâche sur le pont à l'endroit ou se trouve la bouée de détresse (manquante)


Quant au second sous-marin, il fila à l'anglaise vers un dock abrité aux Etats-Unis, il s'agissait de l'USS Toledo (SSN-769).

USS Toledo (SSN-769)


Manœuvres d'intimidation

On peut s'étonner de rencontrer une flottille de sous-marins dans les eaux arctiques et à faible profondeur jouant à cache-cache. Mais cela fait partie de leurs missions, et surtout des manœuvres d'intimidation entre Grandes Puissances. Il faut savoir qu'au cours de grands exercices, la Marine peut identifier jusqu'à 40 sous-marins battant différent pavillons au large des côtes européennes, y compris en mer d'Irlande, un passage hautement stratégique. 

Memphis et Koursk (vue artistique)

A part quelques observateurs et photographes avertis, le grand public n'en sait rien, mais ils sont là, tapis sous plusieurs dizaines de mètres d'eau, se surveillant mutuellement (pas étonnant dans ces conditions que ces sous-marins soient également à l'origine de quelques accidents tragiques avec des chalutiers, coulant certains corps et biens ou abîmant leur coque lorsqu'ils sont littéralement pris dans leurs filets. On rapporte plus de 300 accidents de ce type et la disparition en mer de plusieurs centaines de marins-pêcheurs, notamment en France et en Irlande. A l'époque de l'accident du Koursk, les Etats-Unis n'acceptaient pas que les Russes se baladent avec des sous-marins porteurs de charges nucléaires et procédaient régulièrement à des manœuvres d'intimidation dans les eaux internationales. Nous verrons, qu'à ce jeu le Parlement Européen a également un rôle à jouer mais il laisse faire et manque de volonté.

On suppose qu'au cours de ces missions à faible profondeur où les manœuvres sont toujours très délicates, à l'instar des prédateurs qui harcèlent leur proie, les petits sous-marins américains agiles ont harcelé le gros sous-marin russe, au point que le Memphis aurait par erreur percuté de front le Koursk. 

Un second sous-marin américain aurait protégé la fuite du Memphis en lançant une torpille qui n'aurait pas eue pour but de faire couler le Koursk mais de l'intimider.

Le commandant américain aurait envoyé la torpille suffisamment loin du compartiment des missiles et des réacteurs nucléaires du Koursk pour éviter un désastre, sachant que les effets de la torpille étaient tout à fait maîtrisables par l'équipage (colmatage de la brèche et usage des lances anti-incendie).Mais personne n'avait prévu que cela déclencherait une telle explosion en chaîne. 

L'accident ne devait pas avoir l'ampleur qu'il connut et certainement pas placer les Présidents Poutine et Clinton dans une situation politique très délicate. Si cette version des faits paraît plausible, les Présidents Poutine comme Clinton ne l'ont jamais reconnue et Poutine a proposé sa propre interprétation des faits.

Réactions Politiques

Les Etats-Unis démentirent longtemps toute implication, même quand on leur mit sous les yeux les photos de leur sous-marin endommagé. Ils invoquèrent une erreur de date mais reconnurent par la suite avoir été dans les parages, mais sans plus.

Ces événements ne prouvent toutefois pas que le Memphis est à l'origine de l'accident, ni même que les Américains ont tiré une torpille sur le Kursk. Cela ne prouve pas non plus qu'il y ait eu de la désinformation. Mais les coïncidences sont étonnantes et on ne peut ignorer les liens de cause à effet qui en disent plus que la langue de bois des deux Présidents.

C'est à partir de cette interprétation peu banale et des réactions russes et américaines que les Occidentaux et une dizaine de hauts responsables de la Marine russe se sont intéressés de près à l'affaire du Koursk. Malheureusement le Président Poutine considéra ce regard inquisiteur des journalistes comme de sa propre Marine comme un obstacle à sa stratégie politique. 

Les missions de sauvetage

Tout de suite, l'Europe et les Etats-Unis offrirent leur assistance pour sauver les marins et renflouer l'épave. Mais personne ne bougea pendant deux jours. Poutine était en vacance dans sa villa dans le sud du pays et feint de ne pas entendre l'appel des Européens.

Le 14 août, l'amirauté Russe perdit tout contact radio avec l'équipage du Koursk. Poutine démentit l'explication donnée par l'Amirauté russe mais exigea qu'une enquête gouvernementale soit ouverte sur les causes de l'accident. Puis il y eut un grand silence : Poutine décréta la mise au secret de l'incident

Entre-temps, des experts internationaux et des marins norvégiens équipés d'un mini sous-marin se préparèrent pour une mission de sauvetage sur le Koursk. Ils sollicitèrent l'autorisation de pouvoir survoler le territoire russe, mais les autorités refusèrent. Les sauveteurs furent donc contraints d'affréter un navire et mettront 7 jours pour rejoindre le Koursk par la mer

A partir du 15 août et dans des conditions maritimes très difficiles, les premières opérations d'inspection de l'épave eurent lieu ainsi que les premières tentatives de sauvetage par la marine russe. On estima alors que 80% de l'équipage devait déjà être décédé en raison des fuites d'eau, de la perte d'oxygène et de l'augmentation de la pression. A ce moment là, Poutine refusa toujours toute aide extérieure sous prétexte que le temps était mauvais et qu'il avait la situation en main.

Ce n'est que le 17 août que Poutine accepta l'assistance étrangère et le renflouage du sous-marin mais il refusa que l'on remonte le nez contenant les torpilles pour des raisons soi-disant de sécurité (pourquoi alors avoir pris le risque de le couper au chalumeau par la suite ?). C'est ainsi qu'il refusa l'aide de toutes les entreprises qui proposèrent de renflouer la totalité de l'épave et n'accepta que celle du consortium Mammoet-SMIT qui accepta de ne pas remonter le nez du sous-marin. Le projet de renflouement allait coûter à Poutine plus que le budget annuel alloué aux sous-marins. 

Le 18 août, le Premier ministre et Président de la Commission Gouvernementale Russe Ilya Klebanov, jugea la situation supercritique tant du point de vue de la survie éventuelle des hommes que d'un point de vue nucléaire, mais officiellement, les missiles embarqués n'étaient pas nucléaires

Ce n'est que le 21 août, soit 9 jours après l'accident, que le navire équipé du mini sous-marin arriva sur zone. Contrairement à ce qu'avaient annoncé les Russes, ils constatèrent que les conditions météos et de mer étaient excellentes. L'eau était tellement claire qu'il paraît qu'on pouvait même distinguer l'épave sur les photographies prises à haute altitude.

Alors que les Russes prétendaient qu'il était impossible d'ouvrir le sas principal du Kursk, les hommes-grenouilles l'ouvrirent en moins de 25 minutes. Ils accédèrent au sous-marin pour découvrir l'affreuse situation : tout était inondé.

Ce jour là, au nom de la Marine, l'amiral Vycheslav Popov demanda publiquement pardon aux familles : 

Pardon les enfants. Pardon à nos fils. Et pardonnez-moi de ne pas avoir ramené vos garçons en service pour la mère-patrie. En dehors des caméras il devait également dire qu'il mettrait tout en œuvre pour connaître les responsables de cette catastrophe.

Amiral Vycheslav Popov 


Le 7 septembre, Mikhaïl Gorbatchev, qui fut attaqué 14 ans plus tôt pour sa lenteur de réaction suite à l'accident de Tchernobyl, accusa Vladimir Poutine d'avoir fait des erreurs de style en ne réagissant que quatre jours plus tard après l'accident, c'était inadéquat conclut Gorbatchev.

Le 20 septembre, Poutine rendit publiquement hommage aux victimes devant des cercueils vides mais les familles refusèrent que le Président accompagne sur le lieu de la catastrophe.

Le 26 octobre, durant l'inspection de l'épave et l'autopsie des corps, on retrouva une note écrite par le Lieutenant-Capitaine Dmitry Kolesnikov expliquant que lui et ses hommes tenaient bon depuis deux jours à l'arrière du sous-marin et demandaient qu'on vienne les aider. Sa note publiée par CNN disait ceci :



Tout l'équipage des sixième, septième et huitième compartiments sont passés dans le neuvième. Il y a 23 personnes ici. Nous avons pris cette décision suite à l'accident. Aucun de nous ne peut gagner la surface.


Contrairement à ce qu'avaient insinué les autorités, l'équipage n'avait pas du tout péri dans l'accident, et mis à part quatre hommes directement exposé au feu de la torpille, tout l'équipage avait eu le temps d'attendre les secours, essayant tant bien que mal de survivre avant de mourir noyé. Mais cela ne dérangea pas Poutine.

En fait, selon la version officielle des événements, la boîte noire n'a révélé aucune information, n'ayant pas été branchée au moment de l'accident. Les seules informations officielles proviennent des messages échangés durant les deux premiers jours entre l'équipage du sous-marin et les stations radios en surface. Voici graphiquement les différentes étapes de la version officielle de l'accident :

Au cours de l'enquête, on apprit que suite à l'accident, le premier compartiment fut inondé et au bout de 48 heures tous les moyens de communications furent détruits, ce qui explique la perte des communications constatée le 14 août. Les compartiments abritant les deux réacteurs nucléaires et les turbines situés au centre du sous-marin ayant été endommagés, une partie de l'équipage se refugia à l'arrière où se situait une écoutille, en attendant des secours qui ne viendront jamais.

Il ne faut pas non plus imaginer que les marins auraient pu quitter le sous-marin par l'écoutille et rejoindre la surface par leurs propres moyens. Même si le Koursk était haut comme un immeuble de 7 étages, à 100 mètres de profondeur, la température de l'eau est de 4°C sinon inférieure et il fait pratiquement nuit. Même un très bon nageur en apnée ne peut pas remonter en surface sur sa seule réserve d'air sans l'aide d'une bouée qui le tire vers la surface à plus de 2 mètres par seconde. Une personne en uniforme, sans réserve d'air, sans bouée et n'ayant pas l'habitude de nager dans de l'eau froide se noierait en quelques secondes. Les marins étaient donc pris au piège.

Le scandale

Pendant plus d'un an les familles russes ont réclamé les corps de leur mari ou de leur fils, une explication et un rapport détaillé sur les circonstances de l'accident. Elles se sont constituées partie civile contre le Gouvernement russe, une première en Russie !

Poutine a toujours refusé de donner la moindre explication. Immédiatement et pour la première fois dans l'histoire Russe, Poutine indemnisa les familles rubis sur l'ongle, leur versant à chacune l'équivalent de plus de 30000 euros. Les familles ont alors considéré qu'on voulait acheter leur silence.

L'histoire fit scandale mais Poutine était bien décidé à museler la presse et les membres du parti, leur dictant à l'avenir sa manière de concevoir l'information du public. Il limogea tous les militaires ayant dénoncé de près ou de loin l'intervention américaine et repris la direction des principaux médias.

Après mûre réflexion et, dit-on une discussion secrète avec le Président Clinton, le Président Poutine se décida à remonter l'épave afin qu'elle ne tombe pas entre les mains de terroristes mais exigea de laisser temporairement le nez du sous-marin en place. Comme convenu, l'épave fut remontée par un consortium de sociétés internationales parmi lesquelles la Dutch Mammoet, SMIT Tak et Halliburton Subsea. Le projet coûta 70 millions de dollars, plus que le budget annuel alloué par Poutine à la flotte des sous-marins !

C'est à ce point de l'histoire que deux versions ont été présentées: l'une, officielle, considère que l'accident est dû à l'explosion accidentelle d'une torpille. La seconde version, émanant de certaines autorités militaires, considère qu'une torpille américaine aurait immobilisé le Koursk.

Selon cette version des faits, sans le savoir, les autorités russes auraient laissé une cicatrice vive, un trou circulaire d'environ 80 cm aux bords bien réguliers dans la coque tribord avant de l'épave : certains experts russes en armement ont suggéré que le Koursk avait été torpillé par une Mk-48 tirée par le sous-marin américain SSN 691 Memphis au cours de manœuvres évoquées précédemment.



Plusieurs experts ont considéré que cette hypothèse était tout à fait invraisemblable car c'était mal connaître la Mk-48 et la manière dont fonctionne ce genre d'arme.

Que sait-on de cette torpille et de ses effets ? La Mk-48 est une torpille à air, c'est-à-dire propulsée par une turbine (un moteur à piston dans d'autres modèles) fonctionnant par la pression de gaz (pétrole ou alcool porté à 200 bars) engendrés dans une chambre de combustion.

Illustration de la torpille Mk-48 ADCAP (Advanced Capability). C'est en fait un missile mer-mer mesurant 5.6 m de long dont l'ogive contient 300 kg d'explosif RDX hautement détonant. Il peut être lancé dans des eaux peu profondes depuis le pont d'un navire ou depuis un sous-marin. Selon certains experts russes, c'est une torpille de ce type qui aurait provoqué le trou dans la coque du Koursk.

On y injecte ensuite une petite quantité d'eau douce qui se vaporise immédiatement, ce qui a pour effet d'augmenter instantanément le volume des gaz tout en les refroidissant, de même que les parois de la chambre. Les gaz d'échappement sont évacués dans l'eau, laissant un sillage bien visible derrière la  torpille.

Pour augmenter sa puissance, on utilise du peroxyde d'hydrogène, de l'eau oxygénée mais cela augmente le risque d'incendie. Les torpilles modernes n'utilisent plus cette matière.

Ensuite, plusieurs paramètres doivent être considérés. Un sous-marin qui évolue vers 120 m de profondeur supporte une pression de 13 atmosphères ou 130000N. Cela signifie d'abord qu'à cette profondeur, le sous-marin n'étant pas un corps mou partiellement constitué de gaz et déformable, il ne peut pas résister à la pression et sa structure doit donc être renforcée. Cette pression signifie également que la torpille doit être propulsée très rapidement pour vaincre la résistance de l'eau et éventuellement percer le blindage du sous-marin. Etant donné que toutes les torpilles à l'exception de la Shkval (qui peut atteindre 500 km/h) se déplacent à moins de 126 km/h (35 m/s pour une portée de 50 km dans le cas de la Mk-48), elles ne peuvent pas percer les blindages. Leur seule manière d'agir est soit par la force brutale d'une explosion ou en utilisant une charge fuselée. Cette dernière est similaire aux obus antichars mais en plus gros (30-33 cm de diamètre au lieu de 12.5 cm). La Mk-48 est une arme qui appartient à la première catégorie. Elle contient 300 kg de charge RDX hautement explosive qui ne laisse pas de deuxième chance. Une seule torpille de ce type ne fait pas de petits trous mais peut couper un navire en deux; ainsi que le démontre la séquence présentée ci-dessous.

Effets de l'impact d'une Mk-48


La torpille explose au contact de la cible et ne la perfore pas. L'explosion est contenue par la pression de l'eau sauf au point de contact avec la coque. Etant donné que l'air est compressible de l'autre côté de la coque. l'onde de choc de l'explosion ne peut se dilater qu'à l'intérieur du vaisseau. Cela signifie qu'au moment où l'ogive détone, pratiquement toute l'énergie de l'explosion se dirige vers le point de moindre résistance, c'est-à-dire vers la coque et l'intérieur du vaisseau.

Bien que nous n'en ayons pas de photographie, la Mk-48 ne créerait pas de trou sous l'impact, l'explosion formerait un trou béant dont la forme dépend de la résistance relative des points faibles de la coque autour du point d'impact de l'ogive.

En d'autres termes, ces experts sous-entendent que les experts russes et les journalistes ignorent de quoi ils parlent et n'ont jamais vérifiés leurs informations car l'explosion d'une Mk-48 aurait totalement disloqué la coque du Koursk.

Malheureusement, toute cette prose ne repose sur aucune preuve. On nous a présenté des navires coulés par des torpilles mais aucun gros-plan sur la zone d'impact ou sur ce qu'il restait des cibles. Un très sérieux voile recouvre donc l'effet réel que produit la Mk-48 au moment de l'impact.

C'est à ce point de l'histoire qu'on se demande qui des Russes ou des Américains désinforment le plus.

Il est un fait que les torpilles fonctionnent de manière brutale depuis des décennies et il n'y a  aucune raison de changer un système qui marche. A ce titre, la Mk-48 pourrait donc bien agir de la sorte. Les seules torpilles ayant une charge fuselée sont celles de petites charges.

Mais selon ces mêmes experts russes, la tête de la Mk-48 est capable de percer le blindage des sous-marins ou des navires grâce à un anneau en cuivre qui, porté à blanc, ferait exactement ce genre de trace circulaire au point d'impact ! Malheureusement, aucun document officiel n'atteste l'existence de cet anneau de cuivre, encore moins de son prétendu effet...

Les opposants à cette thèse considèrent qu'à l'endroit indiqué en vert sur le schéma suivant, il existe bien un collier de serrage derrière le groupe de guidage et de contrôle, juste devant les circuits électroniques. Mais il n'a rien de magique. Et tout bien considéré, ils estiment qu'il ne résisterait pas à l'explosion de 300 kg de RDX. Ceci dit, rapidement, le point de perforation (d'impact ou de cisaillement); fut caché au regard indiscret des caméras. 

S'il n'avait rien de particulier, pourquoi le cacher ? Cela n'a fait qu'accentuer la polémique.

Selon la société SMIT Tak, il faisait partie des 26 trous percés dans la coque pour couper la proue du Koursk à la scie à fil. Or, lorsque le Koursk fut remonté en cale sèche, tous les observateurs ont pu constater qu'il n'y avait qu'un seul trou de ce type dans la coque avant. Le doute subsiste.

D'autres traces dans la coque tribord indiqueraient également qu'un objet l'a cisaillée horizontalement et provoqué une ouverture béante vers l'intérieur du sous-marin, tous les symptômes d'une collision avec le nez et les ailerons d'un sous-marin. Il est difficile d'imaginer qu'une explosion interne en soit responsable. Seul inconvénient, l'événement n'est pas confirmé sauf par un film pris par des plongeurs qui révèle un trou béant sur le côté tribord avant du Koursk qui semble défoncé vers l'intérieur de la coque. Mais il faudrait plus que ces images pour certifier que la déformation provient de l'extérieur.

Mais personne n'aura le temps de réunir d'autres éléments pour résoudre toutes ces énigmes. Dans les mois qui suivirent, Poutine ordonna le démantèlement total du sous-marin et en particulier le retrait des 24 missiles supersoniques Granit encore présents à bord ainsi que des deux réacteurs nucléaires. Il confirmait ainsi implicitement que le sous-marin était bien porteur de missiles nucléaires.

Après plusieurs mois, sous la pression des journalistes, de l'Amirauté et des parents des victimes, Poutine rendit finalement les corps autopsiés aux familles. Toute la carcasse métallique du sous-marin fut ensuite fondue et Poutine ordonna de faire exploser ce qui restait de l'épave restée au fond de l'océan. Ainsi les preuves d'une éventuelle collision avec un sous-marin américain disparaissaient ainsi que les données techniques du sous-marin (forme de l'hélice, etc.) et la vie pouvait continuer. Les autorités publièrent un rapport de 1000 pages se terminant par cette conclusion bien connue : Pour non lieu, lavant les autorités américaines et russes de toute responsabilité.

Les leçons politiques de l'affaire du Koursk

Après avoir muselé la presse, indemnisé les familles et manipulé les médias à coup de publicité, Poutine fut réélu avec plus de 70% des voix. Le public avait été trompé et ne se rendit pas compte que sous la nouvelle autorité du FSB, l'ancien commandant du KGB tenait la Russie d'une main de fer dans une économie de marché de velours.

Dans cet exemple, la question n'est pas tant de savoir si un missile a explosé à bord ce qui est fort probable ou si le sous-marin a été percuté par un autre bâtiment ce qui n'est pas démontré mais plus que probable. En complément, nous aimerions également savoir quel secret d'Etat ou plutôt quel mensonge justifia ce silence des autorités ? 

En  hommage à l'équipage du Koursk. 




 

  TF121