Des services secrets, nous ne savons que les échecs et rarement les succès. Si l'échec provoque l'anathème, l'ingratitude est fille de la victoire. Quand à la gloire, il faut l'oublier, elle est pour les autres...

samedi 15 août 2020

Minsk a remis à Moscou les mercenaires russes arrêtés avant la réélection de M. Loukachenko


Le 9 août, en Biélorussie, et après que deux de ses concurrents ont été mis sous les verrous et qu’un troisième a préféré s’exiler à Moscou, le président Alexandre Loukachenko a été très confortablement réélu – pour la sixième fois – en obtenant officiellement plus de 80% des voix.

Quelques jours plus tôt, et alors que l’opposition au président Loukachenko, incarnée par Svetlana Tikhanovskaïa, l’épouse d’un des des candidats embastillés, semblait prendre de la vigueur, 32 ressortissants russes, présentés comme étant des mercenaires de la société militaire privée Wagner, proche du Kremlin, furent arrêtés dans un hôtel des environs de Minsk, sous l’oeil des caméras, par le groupe Alpha du Comité de la sécurité d’État de la République de Biélorussie [KGB].

Et les faits reprochés à aux individus intepellés étaient particulièrement graves puisque les autorités biélorusses les accusèrent de préparer des « actes terroristes » et de fomenter des « émeutes de masse » pour renverser le président Loukachenko. En outre, Minsk précisa être à la recherche de 200 autres mercenaires russes, supposés se cacher dans le sud du pays.

Un tel scénario pouvait être crédible à première vue, étant donné que les relations entre Minsk et Moscou venait de connaître un coup de froid, après le refus de M. Loukachenko de voir la Biélorussie former une sorte de confédération avec la Russie. La seconde revit alors les facilités économiques qu’elle accordait jusqu’alors à la seconde…

Cependant, cette affaire semblait étrange, notamment parce que la Biélorusssie servait alors de base de transit pour les mercenaires russes devant se rendre dans les zones de conflit où la Russie est impliquée, comme la Syrie, la Libye, voire le Venezuela [et l’équipement de ceux qui furent arrêtés suggérait que c’était encore le cas]. En outre, la réaction, par ailleurs assez tardive, de Moscou fut confuse, avec des déclarations contradictoires sur la destination des employés de la SMP Wagner.

Quoi qu’il en soit, le 4 août, M. Loukachenko s’en prit vivement à Russie. « La tentative d’organiser un massacre au centre de Minsk est évidente », affirma-t-il, avant d’accuser Moscou d’avoir menti. « C’est des mensonges : sur Istanbul, sur le Venezuela, l’Afrique et la Libye. Ces gens ont avoué, ils ont été envoyés spécialement en Biélorussie », ajouta-t-il, assurant que l’autre « unité » soi-disante repérée dans le sud du pays allait être « pourchassée ».

« Vous êtes en retard d’un quart de siècle, nous sommes ancrés fermement dans l’avenir, nous ne vous abandonnerons pas le pays. L’indépendance ça coûte cher, mais elle en vaut le coût », avait encore insisté M. Loukachenko, sous-entendant que Moscou avait l’intention de s’ingérer dans le processus électoral en faveur de ses adversaires.

Dans le même temps, Minsk eut une activité diplomatique assez intense avec Kiev, qui venait de demander l’extradition des mercenaires russes arrêtés en raison de leur participation au conflit dans le Donbass [sud-est de l’Ukraine, ndlr]. Mais cette demande ne sera pas exaucée.

En effet, le 14 août, Moscou a annoncé que 32 des 33 employés de Wagner arrêtés à Minsk venaient de lui être remis par la Biélorussie, le 33e étant de nationalité biélorusse;

« Trente-deux citoyens russes, précédemment arrêtés au Bélarus, ont franchi la frontière et se trouvent actuellement en Russie », a ainsi affirmé le procureur général russe, via un communiqué.

Plus tôt, M. Loukachenko avait été félicité par le président Poutine pour sa réelection. Réelection qui a depuis donné lieu à des manifestations sévèrement réprimées, alors que Svetlana Tikhanovskaïa est partie trouver refuge en Lituanie et que l’une de ses alliées, Veronika Tsepkalo, a pris la direction de Moscou où son mari, précédemment candidat à l’élection, s’était déjà réfugié.

Alors qu’elle était était accusée d’ingérence en Biélorussie, la Russie a contre-attaqué en voyant un main étrangère derrière la contestation du président Loukachenko, lequel a mis en cause le Royaume-Uni, la Pologne et la République tchèque.

« Les protestations qui ont commencé juste après la fermeture des bureaux de vote indiquent qu’elles avaient été préparés, que ces actions avaient été orchestrées. Parce qu’il est impossible de préparer les manifestations qui se sont ainsi déroulées en une ou deux heures. Des gens spécialement préparés sont descendus dans la rue. Je ne dis pas que seuls ceux qui tentent actuellement de déstabiliser la situation au Biélorussie ont participé aux manifestations. Il est possible que d’autres personnes insatisfaites soient présentes, qu’il y ait eu des rancunes. Mais il ne fait aucun doute que les instigateurs avaient l’intention de déstabiliser la situation en Biélorussie », a ainsi affirmé Vladimir Dzhabarov, premier vice-président du Comité des Affaires étrangères du Sénat russe.

Quant à l’affaire des mercenaires de Wagner, elle n’aurait été qu’une tentative de « gâcher les relations entre la Russie et la Biélorussie », a laissé entendre Maria Zakharova, la porte-parole de la diplomatie russe. « La Russie a été et restera un allié et un ami fiable de la Biélorussie et de la nation biélorusse fraternelle. Nous sommes convaincus que toute tentative de provoquer une rupture entre nous est vouée à l’échec », a-t-elle assuré,

Et d’ajouter : « Nous observons des pressions sans précédent exercées sur les autorités biélorusses par certains partenaires étrangers. Il y a des tentatives manifestes d’ingérence étrangère dans les affaires d’un État souverain pour diviser la société et déstabiliser la situation. »

En attendant, les 27 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne [UE] ont décidé, le 14 août, de prendre des « sanctions individuelles » contre les dirigeants biélorusses responsables des « violences, de la répression et de la falsification des résultats électoraux ».

« L’Union européenne n’accepte pas les résultats des élections », a insisté Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.