Ce second article répond aux questions sur le mobile du DRS, dirigé par le général Mohamed Mediène, dit Toufik, confronté à une perte d’influence face aux alliés occidentaux et à des tensions grandissantes avec le Président Bouteflika.
Lors des auditions, en septembre 2016, de l’enquête de Londres (qui sera évoquée en 3e partie) sur la mort de six citoyens britanniques et d’un résident britannique, plusieurs expatriés ayant survécu à l’attentat ont attiré l’attention des juges sur un conflit du travail qui durait depuis plusieurs mois sur le site. Ils imaginaient que ce conflit pouvait être lié aux événements et que les grévistes avaient communiqué des informations aux terroristes. Dans la négative, comment les assaillants s’étaient-ils procuré les détails du plan du site et les noms de certains personnels clé?
Pourtant, il n’existe pas de preuve permettant de relier le DRS à ce conflit social ni de preuve reliant l’attentat au conflit. L’enquête révéla d’ailleurs que la connaissance que les terroristes avaient de l’usine était relativement limitée. En fait, les informations en possession des assaillants, comme les noms de certains agents, pouvaient aussi bien être venues du DRS, dont nous savons maintenant qu’il était derrière l’attaque.
Beaucoup de commentateurs, comme les autorités algériennes, ont lié l’attaque à l’intervention militaire française au Mali, lancée le 11 janvier, cinq jours plus tôt. Ceci conduisit à répandre l’hypothèse que l’attaque d’In Amenas était la vengeance des terroristes contre l’Algérie pour avoir autorisé le survol de son territoire aux avions militaires français.
Le DRS aurait surtout été mécontent de ce que l’offensive française au Mali mettait en danger la vie de ses propres agents sur place.
Ceux qui soupçonnaient, ou même qui savaient, que le DRS algérien était d’une manière ou d’une autre impliqué dans l’attentat, soutenaient que le DRS était fâché par l’autorisation de survol de l’Algérie accordée par le Président Bouteflika à la flotte française pour attaquer les djihadistes du nord du Mali, car cette décision transférait effectivement le contrôle du Mali et du Sahel –arrière-cour du DRS – à la France. Le DRS aurait surtout été mécontent de ce que l’offensive française mettait en danger la vie de ses propres agents sur place, tels que Abdelhamid Abou Zaïd and Iyad ag Ghali.
Si le DRS peut en effet avoir été contrarié par l’assistance apportée par le Président Bouteflika à la France, ce qui pourrait accréditer la thèse d’une implication du DRS dans l’opération d’In Amenas pour se venger et mettre Bouteflika dans l’embarras à l’extérieur des frontières, la préparation et la mise en œuvre d’une telle opération sous faux pavillon par le DRS en si peu de temps paraît difficile, voire presque impossible. Il est donc plus vraisemblable que le mobile de l’attaque soit à rechercher dans les événements qui ont précédé l’intervention militaire de la France au Mali.
Mais une brève incidente est nécessaire pour expliquer les tensions existant entre le DRS et la présidence Bouteflika, le ressentiment du DRS contre l’intervention de la France au Mali et l’implication du DRS lui-même au Mali.
Le Président Abdelaziz Bouteflika
Comme il sera expliqué dans la 4e partie, la tension entre le DRS et la présidence Bouteflika a été croissante pendant les trois ou quatre ans qui ont précédé l’attaque d’In Amenas. Pour le comprendre, il faut retourner en arrière jusqu’à l’histoire post-coloniale de l’Algérie. L’un des aspects les moins connus de l’accord post colonial conclu entre les services français et algériens était de confier au DRS la gestion du terrorisme en Afrique du Nord. C’est ainsi que fin 2011 et début 2012, le DRS prit l’initiative de soutenir une insurrection islamiste dans le septentrion malien afin de contrer la rébellion touareg en cours en faveur de l’indépendance de l’Azawad (l’appellation touareg pour désigner le nord du Mali.)
Tandis que la rébellion du Niger était largement apaisée en 2010, celle du Mali flamba de plus belle en 2011, avec le retour de centaines de Touaregs en colère et lourdement armés contraints de quitter la Libye.
Les rébellions touareg ont été récurrentes dans l’histoire post-coloniale aussi bien du Niger que du Mali, avec un dernier épisode dans ces deux pays en 2007. Toutefois, tandis que la rébellion au Niger était largement apaisée en 2010, celle du Mali flamba de plus belle en 2011, avec le retour de centaines de Touaregs très en colère et lourdement armés, contraints de quitter la Libye après la chute du régime de Kadhafi. Fin 2011, les rebelles touaregs du Mali ainsi renforcés, désormais organisés sous le nom de Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), menaçaient sérieusement l’Algérie, dont l’extrême sud est sensible à l’irrédentisme touareg.
La réponse du DRS à ce danger fut d’encourager la création, fin 2011, de deux nouveaux groupes terroristes islamistes à côté d’Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Il s’agissait d’Ansar al-Dine, dirigé par Iyad ag Ghali, longtemps proche du DRS, et du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Le plan du DRS était que ces trois groupes dont il contrôlait les chefs s’allient avec le MNLA puis l’absorbent politiquement et militairement dans une insurrection islamiste et, ainsi, détruisent durablement sa crédibilité.
Du point de vue algérien, la stratégie mise en oeuvre sur le terrain pour le DRS par le Groupement d’Intervention Spécial (GIS) du général Hassan (Abdelkader Aït Ouarabi), qui fournit aux insurgés armes, carburant et autres biens essentiels, fut couronnée de succès. Mais vers la fin 2012, la situation au Mali avait échappé au contrôle de l’Algérie, les insurgés menaçant la capitale, Bamako. Le 11 janvier 2013, cinq jours avant l’attaque d’In Amenas, la France répondit à la demande d’aide de Bamako en lançant une offensive militaire pour chasser les islamistes du Mali.
Comme déjà évoqué, cependant, même si le général Mediène, chef du DRS, fut effectivement furieux du droit de survol accordé à la France et de l’intervention française, le temps ne lui permettait pas de préparer et lancer l’attaque d’In Amenas. Les raisons ayant présidé à l’implication du DRS dans In Amenas doivent donc plutôt être recherchées dans les événements antérieurs.
La cause de l’attaque d’In Amenas est l’abandon progressif de l’Algérie, ou plutôt du DRS, par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et, à moindre échelle, par la France.
Le Rapport sur In Amenas a conclu que l’événement décisif qui avait été la cause de l’attaque d’In Amenas était un abandon progressif de l’Algérie, ou plutôt du DRS, par les Etats-Unis et le Royaume-Unis, et à moindre échelle, par la France (R.45). Durant les deux ans qui ont précédé la révolution libyenne de 2011, les relations entre l’Algérie et ses alliés occidentaux s’étaient tendues. La cause en était une histoire complexe commencée en 2003, quand l’Algérie, nouvel allié des Etats-Unis dans la guerre globale contre la terreur (GWOT), entreprit la première d’une série d’opérations sous faux pavillon permettant aux Etats-Unis de lancer le « second front » ou « front trans-saharien »de sa guerre globale contre la terreur.
Abderrazak El Para
Cette complicité profonde entre le Groupe américain, nouvellement créé, des Opérations Pro-actives et Préventives (P2OG) et le DRS algérien, a été planifiée à la fin de l’été 2002 et mise en oeuvre en février ou mars 2003, avec l’enlèvement de 32 touristes européens au Sahara algérien. L’opération était conduite par un officier du DRS, Abderrazak Lamari, plus connu sous le surnom d’ « El Para », bien que l’Algérie ait d’abord accusé Mokhtar bel Mokhtar, futur organisateur de l’attaque d’In Amenas dix ans plus tard. El Para et 64 « terroristes » séparèrent les otages en deux groupes. L’un fut libéré dans le cadre d’une opération héliportée extraordinairement bien organisée dans le massif d’Ahaggar, dans le Gharis, qui ne fit aucune victime parmi les otages. Le deuxième groupe d’otages fut acheminé au nord du Mali et libéré plus tard, contre rançon. Du point de vue de l’alliance P2OG-DRS, cette opération fut un succès remarquable
L’Occident s’inquiétait aussi de la nature et de l’échelle de l’implication du DRS dans des activités criminelles, notamment le trafic de drogue et les enlèvements, certains analystes parlant même d’Etat mafieux.
Même si les opérations sous faux pavillon d’El Para avaient aidé les Etats-Unis à légitimer leur guerre globale contre le terrorisme, elles plaçaient cependant les Etats-Unis et leurs alliés, particulièrement britanniques, dans une position éthique discutable de couverture du terrorisme d’Etat algérien. Vers 2010, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, qui à ce moment-là avaient développé des alliances anti-terroristes fortes avec le DRS, commencèrent à s’inquiéter de plus en plus de l’infiltration tellement profonde d’AQMI par le DRS que beaucoup de gens dans la région considéraient qu’AQMI et le DRS étaient finalement la même organisation. L’Occident s’inquiétait aussi de la nature et de l’échelle de l’implication du DRS dans les activités criminelles, notamment le trafic de drogue et les enlèvements d’otages, certains analystes parlant même désormais de l’Algérie comme d’un Etat « mafieux ».
Le problème, en permettant à une relation aussi dangereuse de se perpétuer et de se développer, n’était pas seulement que cela soulevait la question de la complicité des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne avec le terrorisme, mais aussi que les deux pays étaient devenus tellement dépendants du DRS en matière de renseignement qu’ils n’étaient plus capables de comprendre vraiment ce qui se passait dans la région.
Vers la mi -2011, les relations entre l’Algérie et l’Occident – surtout les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, se détériorèrent, alors que les alliés de l’OTAN commençaient à comprendre que l’Algérie soutenait en secret le régime de Kadhafi, par une aide militaire et logistique substantielle. L’année suivante, les mêmes pays furent contraints de lire les rapports prouvant l’implication du DRS, leur partenaire dans la lutte antiterroriste, dans le soutien à l’insurrection islamiste au Mali.
Des détachements de mercenaires envoyés par l’Algérie pour soutenir les forces de Kadhafi furent repérés, pour la première fois, dans la ville de Zawiyah.
Dès le début de l’intervention militaire de l’OTAN (France, Grande-Bretagne et Etats-Unis) en Libye, en mars 2011, il y eut des rapports sur le soutien constant fourni par l’Algérie au régime de Kadhafi (R.208-15). Des détachements de mercenaires envoyés par l’Algérie pour soutenir les forces de Kadhafi furent repérés, pour la première fois, dans la ville de Zawiyah, où plusieurs furent capturés et identifiés. Le Conseil national de Transition (CNT) fit état, plus tard, de la capture de 15 mercenaires algériens et de la mort de trois autres dans des combats près d’Ajdabiya. Le CNT affirma également que le DRS employait beaucoup de membres de la sécurité privée de l’ex Président tunisien Zine El Abidine Ben Ali et les envoyait en Libye pour combattre aux côtés du régime de Kadhafi. Après la défection de pilotes libyens à Malte, au début du conflit, l’Algérie envoya 21 pilotes à la base aérienne de Mitiga, à Tripoli. Furent également rapportés de nombreux cas de transport, à bord d’avions militaires algériens, de mercenaires originaires de pays d’Afrique sub-saharienne. A en croire les données collectées par la tour de contrôle de Benghazi, 22 vols algériens furent opérés vers des destinations libyennes, en particulier Syrte et Sebha, entre le 19 et le 26 février. En mars, le CNT estimait à 51 le nombre de vols algériens ayant acheminé des munitions, des armes, des combattants algériens et des mercenaires à l’aéroport Mitiga de Tripoli.
La preuve finale du soutien de l’Algérie à Kadhafi apparut le 18 avril, lorsque des conseillers militaires français en mission auprès des rebelles libyens découvrirent que des jeeps et camions militaires de Kadhafi, abandonnés après une attaque de l’OTAN, portaient des numéros de série les identifiant comme vendus à l’Algérie par Alain Juppé. Cette preuve fut transmise à leurs alliés de l’OTAN mais elle aussi présentée à l’Algérie. Mourad Medelci, le ministre algérien des Affaires étrangères, fut « invité » à rencontrer la Secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton à Washington. Malgré la bonhommie du communiqué de presse officiel, Medelci fut fustigé pour le soutien de l’Algérie à Kadhafi.
Après cette réprimande, l’Algérie envoya l’un de ses plus durs apparatchiks, Sadek Bouguetaya, participer au rassemblement des tribus libyennes convié par Kadhafi le 8 mai. Dans un discours populiste, Bouguetaya fit part du soutien inconditionnel de l’Algérie à Kadhafi et condamna les opérations de l’OTAN en Libye. Il qualifia d’héroïques les efforts de Kadhafi pour se maintenir au pouvoir, ajoutant qu’il était sûr que le peuple libyen vaincrait la France, comme les forces révolutionnaires algériennes l’avaient fait en 1962.
La cause de la progression ridiculement lente de la campagne de l’OTAN contre Kadhafi était le remplacement par des blindés algériens de meilleure qualité du matériel libyen détruit par les frappes aériennes.
Au moment où Bouguetaya vilipendait l’OTAN à Tripoli, l’ambassadeur de Libye en Algérie annonçait publiquement que son ambassade venait d’acheter 500 véhicules « de classe militaire » à des marchands algériens, avec d’autres encore en perspective, pour soutenir les forces de Kadhafi.
Washington, Londres et Paris répondirent à la démonstration de bellicisme de l’Algérie en demandant à cheikh Hamad bin Khalifa al-Thani, l’émir du Qatar et proche allié de l’Algérie dans le Golfe, de convaincre l’Algérie de ne pas réapprovisionner Kadhafi en chars et véhicules blindés. Selon Robert Fisk, le correspondant de The Independent au Moyen-Orient, la cause de la progression ridiculement lente de la campagne de l’OTAN contre Kadhafi était le remplacement par des blindés algériens de meilleure qualité du matériel libyen détruit par les frappes aériennes. Mais la visite d’une journée d’Al-Thani à Alger ne suffit pas. L’Algérie persista dans son déni public de tout soutien à Kadhafi.
Encore pire pour les alliés de l’OTAN, à cause de leur implication antérieure dans des opérations terroristes clandestines à travers l’association du P2OG avec le DRS, les Etats-Unis n’eurent pas d’autre choix que d’avaliser les démentis algériens. L’humiliation suprême fut atteinte le 1er juin, lorsque le général Carter Ham, commandant d’AFRICOM, fut envoyé à Alger pour y prononcer un discours très médiatisé dans lequel il disait qu’il « ne pouvait voir aucune voir aucune preuve » du soutien de l’Algérie à Kadhafi.
En résumé, ni les Etats-Unis, ni l’Algérie ne pouvaient se permettre la révélation de leurs sales affaires au grand jour.
Le discours du général Ham faisait partie d’un accord global conclu lors de discussions entre des officiels français et américains de haut niveau et le DRS algérien. Ces pourparlers avaient deux objectifs. Le premier était de faire échapper le régime algérien au sort de Ben Ali en Tunisie, de Moubarak en Egypte et bientôt, espérait-on, de Kadhafi, en l’encourageant à mettre rapidement en œuvre des réformes politiques significatives. L’autre était de réhabiliter effectivement le régime algérien auprès de l’OTAN et du Pentagone. L’accord était à la fois une réaffirmation de l’importance stratégique de l’Algérie pour les Etats-Unis et un rappel aux deux parties qu’ils partageaient trop d’opérations de renseignement clandestines récentes, à la lumière de leurs activités conjointes P2OG-DRS dans le GWOT, pour se fâcher. En résumé, ni les Etats-Unis, ni l’Algérie ne pouvaient se permettre la révélation de leurs sales affaires au grand jour. La substance de l’accord était que l’Algérie cessait de soutenir Kadhafi tandis que les Etats-Unis sauvaient l’Algérie de la condamnation internationale en réitérant l’absence de preuve énoncée par le général Carter Ham sur le soutien de l’Algérie à Kadhafi.
Après son soutien à Kadhafi et sa manipulation de l’insurrection islamiste au Mali, le DRS a sans doute compris qu’il tirait sur la corde de la coopération au-delà de ce que l’Occident pouvait accepter et que ses relations avec les puissances occidentales clé, en particulier le Royaume-Uni et les Etats-Unis, et peut-être même la France, devraient inéluctablement être réexaminées. C’est ainsi qu’il lança un avertissement à l’Ouest, sous la forme d’un article publié dans le journal algérien El Khabar le 12 novembre 2012 (R.47; 61-2; 136-42; 220-23; 246-50), tout juste deux mois avant l’attaque d’In Amenas. L’article, écrit par un journaliste connu pour ses liens avec le DRS, avait pour objet de mettre en garde l’Occident et de lui rappeler que l’Algérie était le seul pays de la région réellement capable de contrer le terrorisme. La principale histoire racontée par l’article – désinformation – décrivait comment les forces de sécurité algériennes avaient démantelé un réseau terroriste mené par Mohamed Lamine Bouchneb, qui devait peu de temps après conduire l’attaque d’In Amenas. Selon le journal, ce réseau menaçait des installations pétrolières/gazières dans la région de Hassi Messaoud. Autrement dit, le DRS rappelait à l’Occident qu’il était le gendarme de la région appointé par l’Ouest et qu’il n‘abandonnerait pas ce rôle facilement.
Les assaillants rencontrèrent une résistance imprévue des gendarmes qui gardaient le bus. Ne parvenant pas à s’emparer du bus, les hommes de Bouchneb commirent l’erreur de pénétrer à l’intérieur du complexe.
L’enquête de Londres ne permit pas de savoir si les services de renseignement britanniques avaient lu l’article d’ El Khabar ou s’ils n’avaient tout simplement pas compris qu’il s’agissait d’un avertissement. L’attaque d’In Amenas eut lieu telle que décrite par l’article. Bouchneb reçut l’ordre d’enlever des otages étrangers pendant qu’ils quittaient le site de Tiguentourine dans le bus sous escorte. On peut imaginer qu’ils auraient dû être emmenés au Mali et libérés à la faveur d’une opération de sauvetage militaire ou en échange d’une rançon, les deux stratagèmes utilisés avec tant de succès par El Para en 2003.
Pourquoi l’opération de Bouchneb échoua-t-elle? La réponse, semble-t-il, est que les assaillants rencontrèrent une résistance imprévue des gendarmes qui gardaient le bus. Ne parvenant pas à s’emparer du bus, les hommes de Bouchneb commirent l’erreur de pénétrer à l’intérieur du complexe à la recherche d’otages. Et bien qu’ils réussirent à trouver des otages, ils se trouvèrent rapidement assiégés par les unités de l’armée qui s’étaient déployées à partir d’In Amenas. Encerclés et pris au piège à l’intérieur du complexe, ils continuèrent à communiquer à travers des téléphones mobiles. Les preuves tirées de ces communications suggèrent que les attaquants croyaient faire partie d’un deal avec les forces de sécurité et pouvoir négocier une sortie du complexe sans encombre et un passage jusqu’au Mali.
Vraisemblablement, le DRS, qui avait pris le commandement du siège, voulait que les preuves de son implication soient détruites. Cela signifiait qu’il fallait tuer les 32 terroristes.
Ce que les assaillants ne savaient sans doute pas, c’est que le DRS et les commandants de l’armée conduisant le siège se disputaient le commandement supérieur. L’armée, en ce temps-là, ignorait complètement que l’attaque avait été orchestrée par le DRS, d’où l’insistance du général Athman « Bashir » Tartag, le commandant du DRS sur le site, pour assumer le commandement supérieur de la situation. L’armée ne savait probablement rien du jeu du DRS jusqu’à l’interrogatoire des trois terroristes faits prisonniers. De même, il est possible, après le matin du 17 janvier, le deuxième jour du siège, quand un hélicoptère tira dans la base de vie blessant Bouchneb lui-même, que les assaillants aient pensé qu’ils avaient été trahis. En effet, les pertes élevées en vies humaines, tant des otages que des terroristes, furent certainement la conséquence des ordres donnés à l’armée par le général Tartag d’ouvrir le feu sur les cinq véhicules – où se trouvaient les otages et les terroristes – tandis qu’ils essayaient, plus tard ce deuxième jour, de se précipiter de la base de vie vers la zone de production.
Le discours du gouvernement algérien sur le nombre élevé de morts fut que sa politique était de tuer tous les terroristes et de ne pas négocier avec eux, quel que soit le risque pour les otages. Plus vraisemblablement, le DRS, qui avait pris le commandement du siège, voulait que les preuves de son implication soient détruites. Cela signifiait qu’il fallait tuer les 32 terroristes. Si certains otages étaient tués pendant ce processus, on pourrait dire que c’était conforme à la politique du gouvernement. Malheureusement pour le DRS, trois des terroristes tombèrent dans les mains de l’armée, à laquelle ils expliquèrent le rôle qu’avait joué le général Hassan dans leur armement.