Le constructeur chinois des trains d’exo, qui s’approvisionne dans des mines où travaillent des enfants, est aussi dans la mire du Pentagone pour ses liens avec l’armée chinoise.
« Est-ce que le réseau wifi du train et les caméras auront des portes cachées pour épier les passagers ? C’est une opportunité en or pour les services secrets chinois », a prévenu le spécialiste en cybersécurité Steve Waterhouse.
Il y a trois ans, le fabricant chinois CRRC a remporté le contrat de 24 voitures de trains de banlieue devant Bombardier avec un prix de 69 millions $, bien en dessous des 103 millions $ prévus par la société de transport collectif exo.
Entreprise controversée
L’an dernier, deux ONG néerlandaises, Terre des hommes et le Centre de recherche sur les entreprises multinationales, ont révélé que le constructeur chinois CRRC achète du mica à Madagascar fort possiblement extrait par des enfants, dont certains ont à peine cinq ans.
Or, Le Journal a constaté que ce même constructeur fait également partie d’une courte liste de 20 entreprises chinoises soupçonnées d’être contrôlées par l’armée, selon le Pentagone.
Pour Michel Juneau-Katsuya, PDG de Protect-Yu, et ex-agent du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le jeu n’en vaut pas la chandelle.
« Le gouvernement canadien est coupable de n’avoir jamais sensibilisé le secteur privé aux dangers des vols d’informations que font régulièrement les Chinois », a-t-il déploré.
Au Québec, CRRC intéresse la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui détenait un investissement de 11 millions $ au 31 décembre 2019.
China Mobile
Le bas de laine des Québécois a aussi un investissement de 1 milliard $ dans China Mobile, qui figure dans la liste des 20 sociétés pointées du doigt par l’administration américaine.
La Caisse a aussi une participation dans China Telecom (6,8 millions $), China Shipbuilding Industry Corporation (300 000 $), Dawning Information Industry Co. (100 000 $) et China National Nuclear Power Corp (100 000 $).
Parmi les entreprises de la liste, notons Aviation Industry Corporation of China (AVIC), une société soupçonnée d’être mêlée à plusieurs cas d’espionnage avec laquelle Québec a investi 30 millions $ pour un projet risqué de dirigeables de la française Flying Whales.
De son côté, Yan Cimon, professeur titulaire au Département de management de l’Université Laval, a voulu nuancer les dangers.
« Dans des secteurs stratégiques, cette proximité avec l’État peut être inquiétante, même si plusieurs de ces entreprises sont cotées en Bourse avec des règles de gouvernance, a-t-il insisté. Il faut être prudent avant de conclure qu’il y a une ingérence ».
Questionné à savoir si la Caisse prévoyait retirer ses oeufs des entreprises dans la mire du Pentagone, son porte-parole, Maxime Chagon, a refusé de commenter en évoquant « des raisons évidentes de compétitivité et de stratégies de négociation et d’investissement ».
Exo s’est dite « satisfaite du travail effectué par CRRC », par la bouche de sa relationniste, Maxine Kelly-Richard.
Quant à CRRC, l’entreprise n’a pas répondu à notre demande d’entrevue vendredi.