mardi 4 février 2020
Une large coopération restera de mise pour les renseignements européens
Le 1er février, le Royaume-Uni a été coupé des institutions de l’UE avec lesquelles il a tissé des liens de défense et de sécurité.
Les Britanniques étaient intégrés dans Europol et le Système d’Information Schengen, dont ils ont bénéficié dans la lutte contre le terrorisme, le trafic d’êtres humains et la criminalité internationale. Le retrait les privera de ce lien étroit. Par exemple, les données européennes avaient permis de retrouver les officiers russes qui avaient tenté d’assassiner l’ancien espion russe Sergeï Skripal en 2018 à Salisbury.
Relations bilatérales
À plusieurs reprises, lors des négociations de l’accord de retrait du Royaume-Uni, les services de sécurité britannique – le MI5, chargé de l’intérieur, et le MI6, couvrant l’international – ont attiré l’attention sur les menaces que recèle le Brexit pour la sécurité nationale.
L’UE, elle aussi, a perdue une source précieuse de renseignements. "Des deux côtés de la Manche, on réalise que le Brexit n’est pas favorable à la coopération en matière de sécurité", dit Thomas Renard, expert en terrorisme à l’Institut royal Egmont.
Toutefois, le retrait du Royaume-Uni ne menace pas la sécurité européenne. L’impact du Brexit sera indirect dans la mesure où les Britanniques ont toujours pris soin de travailler de manière bilatérale avec chaque pays de l’UE. "Dans 99% des cas, la coopération entre services de renseignements n’est pas concernée par le Brexit car les échanges se font de manière bilatérale", poursuit Thomas Renard.
Le groupe de Berne
Par ailleurs, la sécurité européenne est discutée dans une instance informelle, peu connue mais très efficace, le Club de Berne, rassemblant les chefs des services de renseignements des États de l’UE, de la Norvège et de la Suisse. "Ses avis sont rapportés au Conseil européen. De plus depuis les attaques de Paris, cette relation s’est un peu plus structurée", précise Thomas Renard. Le Royaume-Uni continuera à en faire partie.
La relation entre les services de renseignements britanniques et l’UE s’arrêtera, en attendant la négociation d’une coopération future. "Entre-temps, on peut imaginer une période de transition durant laquelle le Royaume-Uni serait un partenaire privilégié, par exemple, avec Europol", estime Thomas Renard. Garantie supplémentaire, la coopération sécuritaire au niveau de l’Otan ne change pas.
Peut-on craindre que le MI6, sorti des agences européennes, se mette à espionner l’UE? Des rumeurs en font état. Mais la coopération reste le mot d’ordre face aux menaces extérieures, comme la Russie, la Chine et les risques de conflit au Moyen-Orient.
Négociation de la relation future
Le Royaume-Uni s’est préparé aux conséquences du Brexit sur le volet sécuritaire. "Nous avons déjà retiré nos agents des agences de coopération", dit une source proche du gouvernement britannique, "mais nous avons des signaux clairs que nous continuerons à échanger des informations entre nos services et ceux de l’UE".
Des négociations entre le Royaume-Uni et l’UE sur la relation future en matière militaire et de renseignements auront lieu durant la période de transition s’étalant jusque fin 2020. Deux types d’accord seraient négociés, l’un portant sur les échanges de renseignements ("security information agreement") et l’autre sur la protection des données ("data adequacy agreement").